mardi 27 juillet 2021

FRANCOIS DE ROUBAIX "10 ans de musique de film" (Odéon/EMI Music) – 1998


 

MES DISQUES A EMPORTER SUR UNE ILE DÉSERTE: Chronique n°16

Cette compilation en double CD est très importante pour moi. Sortie en 1998, c’est avec cette compilation que j’ai découverts la musique de François de Roubaix (1939-1975). Certes je connaissais le générique de l’émission pour enfant Chapi Chapo, ainsi que les thèmes des films Le Vieux Fusil et Les Grandes Gueules de Robert Enrico, les musiques pop de L’Homme Orchestre de Serge Korber, mais je ne connaissais pas le nom du compositeur. Je ne m’étais pas arrêté à son nom lors du générique des films. Depuis cette découverte, dès que je vois le nom de François de Roubaix apparaitre sur l’écran, mes oreilles frétillent, jusqu’à parfois n’apprécier le film qu’à cause de la bande originale.


C’est l’ami Cyril Hoffmeyer de Songs Of Praise qui m’a fait découvrir cette compilation, sortie en même temps que celle de Michel Magne (25 ans de musique de film). J’ai ainsi acheté les deux doubles CD. Celui de De Roubaix contient 57 thèmes pour 36 films et un livret de 16 pages réalisé par Stéphane Lerouge (1) avec l’aide précieuse de Patricia de Roubaix. On y trouve des témoignages des réalisateurs José Giovanni (Le Rapace, Dernier Domicile Connu, Un Aller Simple, La Scoumoune), Robert Enrico (Les Grandes Gueules, Les Aventuriers, Ho !, Boulevard du Rhum, Le Vieux Fusil, Tante Zita), Yves Boisset (RAS, Le Saut de l’Ange), son ami Pierre Richard et Yves Josso.


A l’intérieur du livret il y a des photos avec François de Roubaix. Il porte la barbe, les cheveux longs, il a le sourire et surtout une belle gueule. Impossible de résister à son charme, digne d’un musicien de rock ou d’un surfeur californien. Il y a une photo où on le voit allongé sur un canapé en compagnie de sa fille Patricia. Il a une guitare à la main et sa fille joue de la flute. Sur le mur, recouvert d’un papier peint seventies, il y a de nombreuses guitares d’accrochées et sur une étagère, il y a des petits djembés. Cette photo est trop cool. On a envie d’être là avec eux pour jouer et écouter la musique. Cette photo résume bien le style musical de François de Roubaix, à savoir, généreuse, festive et communicative, mais sans tomber dans la variété et devenir un tube d’été vite oublié.

Si la musique de François de Roubaix est très accessible, cela ne l’empêche pas d’être complexe, remplie de petits sons ici et là qu’on a du mal à savoir de quels instruments ils proviennent. Car François de Roubaix est un globe-trotter, qui ramène de ses voyages pleins d’instruments traditionnels. Sans savoir en jouer, il arrive en pur autodidacte à en sortir des musiques étonnantes, comme s’il en avait toujours joué. Quand ses amis venaient le voir, il les invitait à se servir des instruments posés ici et là dans l’appartement et d’en jouer, même s’ils n’étaient pas musiciens. Une vraie auberge Espagnole !

Pour mettre le pied à l’étrier, cette compilation est une bénédiction, une boite de pandore, car on y trouve tous ces thèmes, dont ceux composés pour les films incontournables : Les Grandes Gueules, Les Aventuriers, Le Vieux Fusil, L’Homme Orchestre, Le Samouraï, Dernier Domicile Connu, Adieu l’Ami et le merveilleux thème du film La Scoumoune avec sa belle mélodie qui reste dans la tête. Depuis cet achat en 1998, je n’ai raté aucunes sorties CD dans la collection Ecoutez le cinéma (Universal Jazz) géré par Stéphane Lerouge, les sorties sur divers labels (Music Box, Butler, WéMè, Disques Dreyfus, Playtime, Transversales Disques), sans oublier les trois compilations vinyles Les Plus Belles Musiques de Films Vol. 1 à 3 publiés en 1976-77-79 par Hortensia et l’incontournable 45t d’époque Chapi Chapo (1974) qu’on trouve facilement en vide grenier à prix correct. 


Mais j’ai une tendresse toute particulière pour ce 10 ans de musique de film. C’est le début d’une passion pour ce compositeur unique, qui a tout : le talent, la beauté et la gentillesse. Malheureusement le 21 novembre 1975, un drame vient tout chambouler. Lors d’une plongée sous-marine au large des îles Canaries en compagnie de son ami musicien et moniteur de plongée Juan Benitez, champion d’Espagne de plongée sous-marine, ils vont prendre des photos d’une grotte situé à 25 mètres de profondeur. Mais nos plongeurs ont fait l’erreur de plonger sans avoir sécurisé le retour avec un fil d’Ariane. Pris dans un épais brouillard dû sans doute au soulèvement du sable, ils n’ont pas réussi à retrouver la sortie avant que leurs bouteilles ne se vident. François de Roubaix meurt ainsi noyé le 21 novembre 1975 ainsi que son ami Juan. François de Roubaix n’avait seulement que 36 ans. Inutile de se faire du mal en s’imaginant que s’il avait vécu aussi longtemps que le maestro Ennio Morricone (1928-2020), le nombre de musiques qu’il aurait réalisé. Il a été si prolifique pendant 10 ans, qu’il y a malgré tout de quoi écouter pendant encore longtemps.

(1) : Interview de Stéphane Lerouge ici: https://paskallarsen.blogspot.com/2020/06/stephane-lerouge-restaurateur-de-bandes.html

 


https://www.francoisderoubaix.com/






SVEN WUNDER "Natura Morta" (Piano Piano) – 11 juin 2021


Le compositeur suédois Sven Wunder poursuit avec son 3ème album titré Nature Morta, son investigation dans le style B.O. de film imaginaire et Library Music/easy listening échappé des années 60 et 70. Évidemment l’ombre des maestros Ennio Morricone et Alessandro Alessandroni plane ici et là, mais qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse et justement ici cela déborde, du moins si on est amateur du genre et du maestro Morricone en particulier. A l’inverse des deux premiers albums, l’aspect indou/orientale psyché n’est ici pas utilisé, pour « juste » se concentrer sur le trip B.O. de film 70 avec des arrangements « orchestraux » aux petits oignons et une pincé de groove sur le morceau Prussian Blue que ne renierais pas les groupes Altin Gün et Calibro 35. Pour cet album, Sven Wunder est devenue chef d’orchestre (et futur maestro ?), avec la direction de nombreux musiciens. La description des instruments utilisés par l’orchestre donne des frissons : neuf violons, quatre altos, trois violoncelles, une flute, un piano, un piano électrique, un clavecin, une guitare 12 cordes, une guitare électrique, une trompette, un bugle, un cor ténor, un marimba, une basse électrique, une batterie et des percussions. Les 11 instrumentaux sont d’une fluidité à couper de souffle. Pendant 36 minutes, c’est une échappatoire au monde sécuritaire et liberticide qui rapproche notre pays vers l’imaginaire des films d’anticipations des années 70 (Soleil Vert, Silent Running, Mondwest, Le Survivant). La nature morte de Sven Wunder est au contraire bien vivante et nous révèle une multitude de sonorités chatoyantes à l’oreille. A travers sa musique, on voit des images défiler devant nous, le tout sans se déplacer de notre lit suspendu sur le fil du temps. L’orchestration est ici tellement généreuse en mélodies et harmonies mais aussi en poésie, qu’on se sent tout léger et tout petit face à ce que l’on écoute. Ici la B.O. de film imaginaire prend tout son sens. Peut-être qu’un réalisateur en herbe voudra y mettre sa vision en image ?



Chronique de l’album Wabi Sabi ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2020/07/sven-wunder-wabi-sabi-piano-pianolight.html

https://svenwunder.bandcamp.com/album/natura-morta