MES DISQUES A EMPORTER SUR UNE ILE DÉSERTE: Chronique n°34
Sorti en 1987, Mother Juno est le 5ème album studio de Gun Club. Si les albums Fire of Love (1981), Miami (1982) et The Last Vegas Story (1984) sont dès leurs sorties des albums majeurs auprès des fans du groupe, Mother Juno est resté un album sous-estimé. Déjà au poste de producteur, il y a Robin Guthrie, alors compositeur et guitariste du groupe new cold wave Cocteau Twins, ce qui a de quoi perturber le fan de blues garage vaudou, mais pas Jeffrey Lee Pearce qui l’admire. Dans Cocteau Twins, le son de guitare de Robin Guthrie est cristallin, cotonneux et mélancolique. Si dans Gun Club il peut y avoir de la mélancolie, de la tristesse, les ambiances cotonneuses s’arrêtent aux champs de coton de la Louisiane pour le parfum americana. Ainsi pas étonnant de trouver dans le son de l’album Mother Juno un peu de new wave (certes discret), mais étonnant de la part de Guthrie, beaucoup, oui beaucoup de rock qui sent le soufre.
Pour ma part, fan du groupe depuis Fire of Love, Mother Juno acheté à Morlaix à sa sortie, a trouvé dès la première écoute, ma haute considération. Déjà, étant fan de Cocteau Twins, voir ici un lien avec le Gun Club était pour moi la meilleur et improbable association, histoire de toujours évoluer et surprendre, ne pas reproduire le même album. Cet album est solaire et rock, puissamment rock et permet de montrer un Jeffrey Lee Pierce moins sombre, presque heureux d’envoyer des décibels et de chanter haut et fort. La formation 1987, permet aussi d’avoir toujours la présence de Kid Congo, qui vient de rejoindre Nick Cave & The Bad Seeds, dont sa première collaboration accouchera d’un album de légende, Tender Prey (1988). Dans les Bad Seeds, il y a aussi Blixa Bargeld, qui fait une apparition sur Mother Juno, il joue de la guitare sur le morceau Yellow Eyes. Au côté de Pierce et Congo, il y a la nouvelle recrue, la bassiste japonaise Romi Mori, et à la batterie l’ex Clock DVA, Nick Sandersan. Kid Congo vivant à Berlin, fief des Bad Seeds et de Neubauten, Mother Juno sera enregistré dans la capitale allemande dans les studios Hansa. A oui, petit aparté, Mother Juno est l’album d’une nouvelle chance, car après l’échec de The Last Vegas Story (il faudra la patine du temps pour qu’il devienne également une référence), Jeffrey Lee Pearce met Gun Club en standby, pour composer le magnifique album Wildweed (1985) avec sa pochette devenue iconique (photo ambiance western crépusculaire où l’on voit Pierce regarder dans le vide, une carabine sur l’épaule).
En 1987, étant en formation à Rennes, mon salaire était riquiqui. Autant dire, que pour acheter un nouvel album, il ne fallait pas se tromper dans le choix parmi les nouveautés toutes plus tentantes, les unes que les autres. Darklands de The Jesus and Mary Chain, Withing The Realm odf a Dying Sun de Dead Can Dance, Sister de Sonic Youth, Opus Dei de Laibach étaient bien visible chez le disquaire Rennes Musiques à me narguer. Gun Club étant une valeur sûre, le choix est vite fait, il sera dans mon lot mensuel de deux, trois albums vinyles. Le coup de cœur étant immédiat, Mother Juno, va beaucoup tourner sur la platine disque, notamment la face B avec une tracklist étonnante. Ça commence avec le mélancolique The Breaking Hands, où la voix de Pearce est à tomber, suivi d’Araby qui part en trombe. L’enchainement est étonnant. La puissance, l’adrénaline ne retombe pas sur Hearts, où la aussi, la voix du prêcheur Pierce ne fait pas dans la demie mesure. Il y a de la révolte dans sa voix, portée par l’énergie rock des musiciens. My Cousin Kim commence par un cri animal de Pierce. Toujours pas de pause, le groupe est au taquet avec une rythmique presque indus. Port of Souls est du même acabit, ainsi à par The Breaking Hands, la face B est très rock à guitares. La face A, commence aussi très fort avec Bill Bailey, un tube en puissance pour le combat. L’énergie ne baisse pas d’un pousse sur Thunderhead et son riff de guitare guerrier. Un pur morceau pour pogoter sur la piste en plancher ou en carrelage. La moquette, c’est moins drôle, surtout s’il y a des canettes de bières qui sont renversées pour faire une patinoire. Une des guitares sur Lupita Screams sonne un peu hard, mais le contre coup avec l’autre guitare ligne claire donne un parfum inhabituel pour un morceau du Gun Club. On est 1987, là le son n’est pas trompeur. En 1988, Iggy Pop sort justement son album métal, titré Instinct. On ralenti la cadence avec Yellow Eyes qui clôture la face A. C’est le morceau le plus harmonique, avec quelques petites cassures de style. Pour rappel, sur ce titre, Blixa Bargel d’Einsturzende Neubauten et des Bad Seeds est au poste de guitariste.
On a fait le tour des deux faces, où le coté rock énergique remporte le pourcentage au rock plus mélancolique. Si le cœur vous en dit, découvrez ce Mother Juno, où ressortez-le de votre discothèque, et vous verrez que c’est un album qui tient toujours la route, même si évidemment on n’est pas au niveau de l’album Miami qui est le classique des classiques dans la discographie du Gun Club. A noter que dans les remerciements, il y a Barry Adamson (Magazine, Bad Seeds).
Au moment de la sortie de l’album, j’ai pu voir en concert le Gun Club, à Plougonvin à côté de Morlaix (29) le 26 novembre 1987. Chronique et photos ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2020/07/the-gun-club-au-coatelan-plougonven-le.html