Pendant longtemps, la BD était destinée aux enfants, aux adolescents. Les parents n’y voyaient que des petits Mickey ou des Pif (avec parfois un gadget qui allait causer la zizanie dans la famille, notamment les Pifises et le Pois sauteur). Depuis les années 70, une partie de la BD s'adresse aux adultes (qui ont été enfants) et depuis les années 2000, des éditeurs ont commencé à avoir une ligne éditoriale pour publier des BD plus conceptuelles, qui font réfléchir, qui se rapproche de l’art contemporain, de la littérature. Parmi ces éditeurs, il y a les Éditions Matière. Cette petite structure à deux têtes, Laurent Bruel et Nicolas Frühauf, créée en 2003, publie trois ouvrages par an, autant dire que la sélection des auteurs est rigoureuse. Cette année, Jacques Floret (1) en fait partie.
Notre artiste Jacques Floret, fan de Bic et de Post-it, nous propose dans son livre titré Le grosso modo, 600 dessins en noir et blanc. A l’origine, ces dessins n’étaient pas destinés à être publiés. Ce sont des esquisses, des croquis, des idées dessinées dans des carnets. Pendant le confinement, à force de tourner en rond dans son appartement, l’idée lui est venue de les publier, en trouvant une façon ludique de les présenter. Soit 4 dessins par page qui se suivent par un élément de détail plus ou moins abstrait qui les relie entre eux. Ainsi au fil des pages, en commençant par le portrait d’une fille au regard mélancolique, on finit par un chat qui a attrapé le mot "etc". Entre ces deux dessins, on a vu défiler à la queue leu-leu, une multitude d’hommes, de femmes, d’enfants, plus ou moins bien dessinés. Mais aussi des objets du quotidien, des fleurs, des arbres, des animaux, le tout dans des situations cocasses, décalées, parfois sexuelles (la vie sans sexe, c’est triste !).
Le livre au format 21 x 29 cm est présenté comme un cahier administratif, sur du papier qui pourrait provenir d’un bloc, sans oublier le signet de tissu pour bien marquer sa page, le tout enveloppé dans une couverture en carton gris avec des collages en couleurs rétro. L’impression des dessins est proche de la photocopie, mais attention de bonne qualité. Au verso de la couverture, il y a une photocopieuse installée dans un bureau. On remarque que sur le mur il y a deux cartes postales de vacances, à côté de la photocopieuse et de la plante verte. En préface, il y a un texte de cinq pages écrit par le romancier Frédéric Ciriez. Son texte avec la typo d'une machine à écrire (qu’on voit ou qu’on entend dans les commissariats de police au moment des dépositions) sur du papier rose, n’est pas une présentation du travail de Jacques Floret, n’a rien à voir avec les dessins. Non, Frédéric Ciriez nous raconte les problèmes de vue d’un expert en pierres précieuses et la vie d’une certaine Jeanne Florin. On soupçonne que cette étrange histoire a quelque chose à nous dire sur ce qui va suivre. Mais quoi? Va falloir mener l’enquête. Ça ne m’a pas l’air simple. Où sont les indices? Jeanne Florin serait-elle la fille adultérine du colonel Moutarde?
Grosso modo, quand on feuillette ce livre, notre expression devient joyeuse, notre moral est au plus haut. Grosso modo, les dessins de Jacques Floret donnent la banane, même à celui qui préfère la pêche. Attention à ne pas glisser !
(1): Interview de Jacques Floret réalisée en 2014 « époque Bic » ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2021/12/jacques-floret-exposition-portraits-de.html
https://www.matiere.org/livres/le-grosso-modo/
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