L’artiste graphiste, illustrateur Jacques Floret a réalisé 318 portraits d’hommes et de femmes (méconnues, célèbres ou oubliés) qui ont participé au récit national de la France. Ces portraits proviennent du recueil Portraits de France. Parmi ses 318 portraits exposé comme une fresque sur le mur d’entrée de l’exposition, 58 personnalités (29 femmes et 29 hommes) ont été sélectionné pour guider le visiteur à travers les dates, les événements, les temps forts économiques, politiques, sociaux et culturels de la France.
Samuel Beckett (Écrivain, dramaturge)
Cathy Rosier (actrice)
A l’heure où la politique française de droitise, en montrant du doigt les « étrangers », -avec malgré tout une lueur d’espoir avec la première femme noir Joséphine Baker qui vient d’entrer au Panthéon-, cette exposition, à la demande du Président de la République, Emmanuel Macron et de la ministre déléguée à la Ville Nadia Hai, arrive au bon moment pour rappeler que les personnes issues de l’immigration apportent chacun.e, sa contributions à la richesse, diversité de la France.
Mur d'entrée de l'exposition "Portraits de France"
Jacques Floret au Musée de l’Homme @ Renaud Monfourny http://blogs.lesinrocks.com/photos/
Ci-dessous le texte du communiqué de presse :
"Qui se souvient de Do Huû Vi, cet aviateur originaire de Saïgon venu combattre et mourir dans LEs rangs de l’armée française pendant la Première Guerre mondiale, de Sanité Belair considérée comme l’une des héroïnes de l’indépendance d’Haïti, de l’immense compositrice tchèque Vítězslava Kapralova, formée à l’Ecole normale de musique de Paris ou encore Raphaël Elizé, l’un des premiers maires noirs d’une commune de France métropolitaine, engagé dans la Résistance avant de mourir en déportation à Buchenwald ? Toutes et tous ont en commun leur engagement, direct ou indirect, pour la France.
À travers l’exposition « Portraits de France », vous cheminerez parmi les itinéraires de vies atypiques de 29 femmes et de 29 hommes qui ont participé à notre récit national. Méconnues, célèbres ou oubliées, ces personnalités incarnent la diversité française.
Sous les traits de l’illustrateur Jacques Floret,
ces visages vous emmèneront sur les traces
d’événements, de temps forts économiques, politiques, sociaux et
culturels qui nous sont familiers."
Nina Ricci (Styliste de mode)
Je profite de
cette news pour remettre en ligne une interview de Jacques Floret que j’avais
réalisé en septembre 2014 et mi en ligne sur foutraque.com. A cette époque,
qui remonte à 7 ans, Jacques Floret venait d’exposer à la Galerie agnès
B, une série de dessins réalisés avec le Bic 4 couleurs représentant des
jeunes filles en train de poser avec un chien dans les bras. Ces dessins ont été publiés dans le livre Rachel & Rocco (Éditions Dilecta).
L’artiste Jacques Floret est obsédé par le Bic
4 couleurs. Il l’utilise, tel un psychopathe pour créer des séries de tableaux
qui représentent des filles qui posent avec un chien ou d’autres avec un ballon
rouge. Mais il dessine aussi des voitures, des footballeurs, des mères de
famille, des fleurs. Comme le méticuleux qui va assembler un puzzle de 1000
pièces, notre artiste est précis dans son travail. Il griffonne jusqu’à l’usure
sur du papier avec seulement son stylo 4 couleurs. Le résultat donne un canevas
coloré des plus étonnant, car après son passage il n’y pas plus un seul espace
blanc. Toute la feuille est recouverte par son encre.
Ses dessins ont été exposés dans de nombreuses galeries, notamment à la galerie
du jour agnès b. Ils sont souvent réunis dans des livres à petits tirages.
Jacques Floret dessine aussi pour la presse (Les Inrocks, Le Monde,
Tecknikart, XXI…) pour illustrer interviews et articles. Là, son trait est plus
humoristique, plus épuré, proche de la ligne claire belge. Il y a juste une
ligne noire ou bleue foncée pour faire le contour, et parfois de la couleur en
aplat. Entre 10 projets sur le feu, cet amoureux du crayon répond à nos
questions.
Tout petit, tu aimais déjà dessiner ?
Ouais, comme tous les enfants, j’aimais dessiner. Mais j’aimais aussi regarder
la télévision, me déguiser en robot, manger de la pizza le mercredi …
Tu as fait des études d’art. Qu’en as-tu retiré pour ton travail personnel ?
Les beaux-arts, c’était une période amusante. Ce n’était pas la Californie mais
j’étais un peu comme en vacances chez une tante de province. L’école m’offrait
le cadre le plus favorable, le lieu le plus adapté à mon envie de ne pas faire
grand-chose. A l’époque, avec quelques autres, on avait pour principale
ambition de rater notre vie, de ne parvenir à rien. Oui, je sais, à bien y
réfléchir aujourd’hui, c’était finalement trèèès ambitieux de notre part. Mais
c’était un temps où l’histoire des avant-gardes nous échauffait bien la tête.
Finalement le peu de choses que j’ai fini par réaliser en ces années, je les ai
ensuite très vite jetées aux orties. Et ça, non sans un certain plaisir. J’ai
fait de la place. Ce que tu fais peut vite devenir encombrant. Oui, faut savoir
jeter l’échelle après y être monté, comme a déjà dit l’autre.
Couverture du livre "alf-moi partout" (galerie du jour agnès B)
Tes parents t’ont encouragé à suivre cette voie artistique ?
Mes parents ont disparu lors d’une croisière en mer. J’avais sept ans.
Une partie de tes dessins sont réalisés avec le stylo à bille, notamment le
Bic 4 couleurs. Pourquoi ce choix ?
Ce choix est euh, une solution. L’élégance d’une expérience tient à sa clarté
et à sa simplicité, n’est-ce pas ? Et le Bic 4 couleurs est un outil parfait.
Il est déjà là, sur ma table ou dans la trousse de ma voisine. Pas besoin
d’aller très loin pour le trouver. Et puis, il me restreint. Il a déjà un
nombre déterminé de couleurs. Et je me fixe comme règle de n’utiliser que
celles-ci. Ensuite, je choisis un papier qui a lui-même un format prédéterminé.
J’ai un certain goût pour le format A4. Je me conforme à ce que le monde me
propose.
Sans dévoiler tous tes secrets, quelle est ta méthode de travail ?
Je n’ai aucun secret. Je n’ai rien à cacher. Je ne fais pas du tout de la
magie. Je n’ai aucun lapin dans mon chapeau. Pas de truc dans mes manches. Pas
de malle à double fond. Rien. L’exécution de ces dessins doit se faire d’une
manière simple, évidente, sans faire appel à une technique particulière. Si tu
avais un peu temps et pas mal de patience, tu pourrais réaliser des dessins
similaires aux miens. Il suffit de les regarder pour en comprendre la méthode.
Dans bien des cas, je choisis une photo que je décalque avec application. Et
ensuite, je colorie jusqu’à ce que ma feuille soit entièrement recouverte
d’encre. Et puis là, eh bien, j’ai terminé. Si l’image obtenue est suffisamment
lisible, je considère mon dessin comme réussi. Et je passe au suivant. Ce qu’il
faut, c’est du temps, car tandis que je termine un simple dessin A4, d’autres
ont déjà fait cinquante photos, un film et trois peintures. J’aime cette sensation
que je gaspille mon temps, de ne pas être souvent très efficace. Le jeu en
vaut-il la chandelle ? Je sacrifie toute mon énergie à la fabrique de peu
d’images. Alors que bon, si ma manière de faire était moins contraignante, je
pourrais sortir plus souvent de chez moi pour aller jouer au tennis ou p’t’être
manger une glace.
Le silence est-il important pour toi ?
Lorsque je dessine, bof. Mais oui, le silence est quelque chose d’important.
C’est comme l’autre jour au resto, j’avais invité une étudiante en philo au
restaurant. Et entre la poire et le fromage, elle était déjà un peu ivre, elle
me cite un mort. Elle me cite Herbert Marcuse. Ouais, HERBERT MARCUSE.
Elle me dit : « L’agression organisée s’accompagne toujours de bruit. C’est
le calme qui permet au sens de percevoir, de contempler tout ce qui est réprimé
dans le business et le divertissement de tous les jours, c’est le calme qui nous
permet de voir, d’entendre et de sentir ce que nous sommes et ce que sont les
choses ». Je pense que c’est une chouette réponse à ta question, non ?
Tu préfères travailler dans la précipitation, ou tu préfères avoir le temps
devant toi ?
Peu importe. Je fais en fonction du temps qu’on me donne. Je ne dessine souvent
que si on me le demande. J’ai donc une date butoir que ce soit pour une expo ou
pour illustrer un article de magazine. Après, faut juste que je m’organise un
peu.
Quand tu es sur un projet, est-ce que tu es détendu, ou bien il ne faut pas
s’approcher de toi, car tu mords à pleine dents ?
Je mords. Ma femme et mon chien peuvent te le confirmer.
Tu fais à la fois de l’illustration pour des magazines et des dessins qui
sont en vente dans les galeries. Tu abordes de la même façon tes sujets, selon
que le dessin soit pour un magazine ou pour être exposé ?
Évidemment, non. À l’origine d’une expo : la taille d’un mur, la configuration
des salles, l’âge du galeriste. Pour une expo, c’est simple, il y a un
spectateur qui est là, il est venu avec son corps et celui-ci se déplace par-ci
par-là. Bien obligé d’en tenir compte. Et quelquefois, celui-ci veut acheter ce
qu’il regarde. Et ça, bien obligé aussi d’en tenir compte. Quand je dois
illustrer un article, je préfère utiliser un style ligne claire avec un soupçon
de maladresse. Mais rien de bien singulier ni dans la forme ni dans le traité,
juste un truc simple qui me permette de me focaliser sur la juste distance à
trouver entre l’image et le texte. Et qui permette ensuite au lecteur
d’éprouver cette distance.
Le nu féminin est souvent représenté dans tes dessins. C’est le sujet qui
t’inspire le plus ?
Aucun thème ne m’inspire spécialement. L’inspiration, ce n’est pas vraiment
quelque chose auquel je me fie. Tout peut être le sujet d’un de mes dessins.
Une voiture, un bus, un cactus, un triangle-rectangle, un moustique, mon voisin
du troisième, l’amour, la vente par correspondance, le feu aux rideaux. Mais tu
as tout de même raison, je dessine pas mal de filles, et souvent elles ne sont
pas spécialement habillées. Il faut préciser que la plupart du temps, j’utilise
des images ordinaires, celles qui nous entourent au quotidien, celles qui
traînent sur le net. Celles qui abreuvent notre soif de spectateur lascif. Et
le nu féminin est abondamment utilisé pour nous vendre des trucs et des
machins. Et puis aussi, il est partout dans les livres d’histoire de l’art que
je feuillette de temps à autre. Et comme je suis quelqu’un de très influençable…
Tu peux en quelques mots nous retracer les thèmes que tu as abordés dans tes
expos ? Et pourquoi ces choix ? Quels ont été les déclics pour trouver ses
thèmes ?
Écoute, en quelques mots, c’est vraiment difficile. Oui, c’est très difficile.
Disons que les thèmes découlent des expos. Oui, pour faire bref, l’exposition
fait le larron. Je dessine des trucs simples, des trucs de tous les jours.
J’essaye de faire une grande chose avec rien. C’est ça le truc. Faut juste que
ce soit exposé dans le bon endroit, au bon moment. Des voitures rouges dans un
ancien garage. Des clowns à la gouache dans une roulotte stationnée à côté d’un
cirque. Des fleurs dans une galerie qui présente du mobilier des années 50-60.
Des visages déformés dans l’ancien appartement de Picasso, rue de la Boétie à
Paris. Et puis quand une image plaît, je la répète à l’identique, comme ce
skateur que j’ai dessiné cinquante fois pour l’expo DO NOT THINK. Ou
alors, pour le livre RACHEL & ROSCO, je n’ai dessiné que des couples
femme/chien. J’en ai dessiné beaucoup. Jusqu’à l’épuisement. C’était un peu
bizarre.
Tu as des goûts très variés. Pourtant, on ne trouve pas de clins d’œil, de
références de tes goûts personnels dans tes dessins. Pourquoi ?
Je n’aime pas beaucoup les clins d’œil. Un clin d’œil est destiné à n’être
compris par un groupe restreint d’initiés. Je ne cherche pas créer un club. Je
cherche au contraire à créer des images susceptibles de plaire à mon concierge
aussi bien qu’à l’homme évolué, comme dirait tonton Picabia. Voilà tout.
Quand on te connaît, on sait que tu es un bon vivant. Justement dans tes
dessins, l’humour est souvent présent. Qu’est-ce qui te fait rire ?
Sans hésitation, les burlesques du cinéma muet, y’a pas mieux. Les corps qui
gesticulent dans le noir. C’est comme de voir des morts qui se foutent de ta
gueule, qui te singent. Ouais, y’a pas mieux. Je crois que les morts sont à
tout jamais plus drôles que les vivants.
Et qu’est ce qui ne te fait pas rire, et plutôt pleurer ?
Ben, les coups, les gifles, les morsures. Les mélos aussi.
En France, tu ne fais partie d’aucune bande. Tu es un électron libre. Malgré
tout, tu te sens proche de quels artistes français et étranger ?
Oh oh oh, c’est amusant de me qualifier d’électron libre. Je trouve ça vraiment
flatteur. Je ne sais pas si je mérite un tel compliment. Des artistes dont je
sens proche ? Eh bien oui, y’en a quelques-uns. Y’en a beaucoup même. J’aime
bien Carlos Kusnir, par exemple. Je trouve qu’il est formidable. J’aime
beaucoup son catalogue à la couverture orange des années 9O. Certaines des
photos qui présentent ses peintures sont floues, c’est vraiment bien. Et puis
il y a des poules, des balais. Que demander de plus, hein ?
Exclusivité blog Paskal Larsen : Des esquisses de vacance réalisé par Jacques Floret avant l’œuvre finale sur papier A4 à joli grammage et relié avec soin.
Jacques Floret est fan du groupe The Fall. Cette vidéo du morceau Wings (1983) avec le décor d’un papier peint digne du 3 pièces de tata Denis ne devrait pas le laisser indifférent, tout comme vous cher lecteur !