Smoking Pistols est un groupe punk rock de la région
Auvergne/Rhone Alpes qui s’est formé en 2019. Sip It For Free est leur deuxième EP. Avec El Tat au chant et guitare, Zack
à la guitare, Call à la basse et Bone à la batterie, Smoking Pistols compose une musique
punk, after punk et rockde bonne
facture. On pense un peu au début de Killing
Joke, The Damned et Wire sur le morceau Cut Me Some Slack qui achève l’EP. Ce morceau,
de pars sa mélodie et le riff sec est le plus original des 5 morceaux présentés
ici. Le morceau Isolation, fait aussi
son effet ! L’énergie du groupe avec ses riffs assoiffés, prêt à porter les
manifestants sur les bitumes des villes française, fait plaisir à écouter. Seul
bémol, c’est quand une seconde voix apparait en mode cris énervé, car pas
content, cela donne un coté trop primaire, comme sur la fin du morceau I’m Just Not Good At It. Par contre quand
sa chante avec le soutien du rythme au son after punk, la mayonnaise de Smoking Pistols fait des merveilles. Écoutez Cut Me Some Slacket vous serez convaincu.
Anandammide
est un jeune groupe parisien d’acid folk, mené par le chanteur et compositeur
italien Michele Moschini. Le premier
album sorti fin 2020 sur le label italien Lizard
Records a pour titre Earthly
Paradice (1). Dans le style psyché, acid folk, aux couleurs
de l’école de Canterbury (Soft Machine, Caravan, Gong) cet
album est une merveille, un miracle musical à couper le souffle. Le son de
l’enregistrement est fabuleux et nous transporte illico dans les années
bucoliques 1967-1972. Inutile de préciser que ce coup de cœur sera dans le TOP
25 de 2021. Bref, c’est avec plaisir et émotion qu’on laisse Michele
Moschini nous présenter son groupe.
Michele, tu
peux nous raconter en quelques mots ton parcours musical avant la création
d’Anandammide. Tu as pris des cours de musique, ou bien tu es autodidacte ?
J’ai eu un
parcours assez incohérent et discontinu. Je me suis approché dela musique quand on m’a offert un petit orgue à
soufflerie, à six ans, puis je suis passé à l’orgue Elka qu’on avait à
la maison. J’ai pris des cours de piano au collège, mais je le vivais mal,
c’était une imposition de mon père. Passé au lycée, j’ai commencé à écouter du
rock mais je ne jouais plus rien. La découverte de Jesus Christ Superstar
à 18 ans m’a donné envie de me mettre au chant, il m’arrivait de chanter du Led
Zeppelin avec un ami les soirs d’été. J’avais 20 ans quand on m’a proposé
de faire partie du groupe qui deviendra plus tard Floating State (NDLR:
un album titré Thirteen Tolls At Noon publié en 2003 sur Lizard Records) et que j’ai quitté seulement dix ans plus tard. En tant
qu’étudiant j’ai eu accès au Centre de Théâtre et de Musique de l’Université de
ma ville, où j’ai pris des cours de chant et de solfège pendant quatre ans. Je me suis aussi mis à la
flûte à un moment, mais je n’avais pas assez de temps. A mon arrivé à Paris, ne
connaissant personne dans le milieu de la musique et ne trouvant pas de groupe
pour chanter, j’ai acheté une guitare acoustique et j’ai appris les bases en
autodidacte.
Tu as grandi
dans une famille où l’art était présent ?
Pas du tout, mon
père aimait l’orgue et on avait un Elka à la maison, Il essayait de
jouer le dimanche en suivant une méthode, mais avec des résultats assez
décevants. Je suis le seul de toute ma famille à faire de la musique et à avoir
fait des études un peu artistiques, avec ma formation d’architecte.
La création du
groupe Anandammide a germé dans ton esprit en 2007, mais il n’a pris réellement
la forme physique qu’en 2017. Tu peux nous résumer de la conception jusqu’à
l’accouchement final, la rencontre avec les autres membres du groupe ?
Quand j’ai acheté
ma première guitare, en fin 2007, l’idée était de faire des petits concerts en
solo. J’ai commencé à enregistrer des reprises sous le nom d’Anandammide,
j’ai écrit quelques chansons et des thèmes qui restent à développer. Lors d’un
week end à Londres chez une amie j’ai rencontré un guitariste de ma ville, Gianluca
Graziano, et nous avons enregistré des chansons qu’il avait composées
spécialement pour notre duo naissant. En 2016 j’ai rejoint le Fantasy
Orchestra, un orchestre créé par Jesse D. Vernon (Moonflower, This
is the Kit, Morning Star). C’est à ce moment là que j’ai enfin refait des
concerts, parfois comme lead vocalist, mais la plupart du temps caché dans la
chorale. Le Fantasy Orchestra m’a permis d’entrer en contact avec
beaucoup de musiciens, amateur et professionnels. Je n’avais pas abandonné
l’idée de faire des concerts en chantant et en jouant de la guitare, pendant
quelques temps j’ai aussi répété avec Stella Ramsden, rencontrée au
Fantasy Orchestra. En décembre 2017, enfin, mon ami Gianluca Graziano
était en tournée avec son groupe et nous avons décidé de jouer des chansons en
duo en ouverture de leur concert au Moki Bar. C’est là qu’un autre
musicien provenant du Fantasy Orchestra, Owen Thomas, m’a proposé
de m’accompagner à la basse pour des concerts. Ce fût le déclic, dès le
lendemain, la musique a commencé à sortir de ma tête tout d’un coup, en un mois
j’avais déjà écrit la moitié des morceaux qui sont dans le premier album
d’Anandammide, puis j’ai invité Adrien Legendre, Audrey Moreau et
plus tard Stella Ramsden à former un groupe stable pour pouvoir les
jouer.
Plusieurs
membres viennent du groupe The Fantasy Orchestra. C’est qui ce groupe ?
C’est un
orchestre avec une line-up variable qui regroupe des musiciens pour la plupart
amateurs. Jesse D. Vernon l’avait créé à Bristol mais depuis des années
l’idée a été exportée à Paris, où il vit. On joue pleins de styles différents,
parfois en faisant des concerts à thème, par exemple du Bowie, ou du Radiohead,
Moondog, Sun Ra. Sur scène, déguisés, on peut être dix ou
quatre-vingt, avec les Bristoliens qui s’invitent à jouer à Paris et vice versa.
Le nom du
groupe est inspiré du mot « anandamide » qui est une molécule qui
crée du plaisir. En choisissant ce nom, c’est dans l’espoir que votre musique
procure ce fameux plaisir proche de l’euphorie ?
J’ai appris de
l’existence de l’anandamide en 1996, je crois. En italien ça prend deux M,
devenant Anandammide. J’ai pensé tout de suite que ça serait un nom parfait
pour un groupe de rock progressif italien. Hélas, ce nom n’était jamais choisi
quand j’avais un nouveau groupe en Italie. Quand je me suis retrouvé tout seul
à Paris et j’ai dû donner un nom à mon projet, Anandammide a été enfin
voté à l’unanimité ! C’est un nom qui peut faire penser à un approche à la
musique assez mystique, mais l’idée est tout à fait l’opposé: porter le nom
d’une molécule qui provoque certaines émotions enlève la couche mystique de
tout ce qui est sentiment, émotion, perception, en affirmant une vision
rationnelle de la vie et de l’Univers. Rationnelle, mais pas pour autant froide
ou a-poétique. La négation de l’existence du magique donne une valeur en plus à
ce que la musique, l’art ou la nature peuvent nous donner en termes d’émotion.
L’album a été
composé et enregistré dans ton home studio lors du premier confinement. Comment
c’est passé l’enregistrement ? Notamment avec les autres musiciens. Les
musiciens sont aussi compositeur dans le groupe, où c’est toi qui gères toute
la phase de composition ?
J’aurais dû
commencer l’enregistrement de l’album en janvier 2019, mais je n’avais jamais
le temps, du coup j’avais déjà décidé de prendre une pause de mon travail
d’architecte en mars et avril 2020 pour travailler à l’enregistrement. Les choses
ne se sont pas passées comme prévu, le confinement a tout bouleversé, j’ai mis
plus que les deux mois préconisés pour tout finir. Les autres musiciens ne
pouvaient pas venir chez moi pour enregistrer, du coup la flûte, le violon, le violoncelle et la basse ont été enregistrés entre mai
et juin. J’ai tout fait à la maison sauf la batterie, bien évidemment, et
quelques parties de violoncelle pour lesquelles j’avais besoin d’une pièce au
son plus sourd. Anandammide est né comme un projet solo et il est devenu
un groupe, mais ce qui n’a pas changé c’est l’écriture des morceaux, qui reste
mon rôle exclusif, bien que des ajustements soient possibles quand on se
retrouve pour jouer tous ensemble.
Le son de l’album est impressionnant. Tu peux nous en dire quelques
mots pour arriver à ce résultat. L’enregistrement est entièrement fait en
analogique ? Tes instruments de musiques et le matériel d’enregistrement
datent des années 70 ?
Je crois qu’on
doit le résultat au savoir faire de notre ingé son Oscar Larizza, qui a
remis en route son studio a Bari, dans les Pouilles, juste pour nous. Oscar
est un multi-instrumentiste (auteur de l’album “Azetium a otto piste” de
son groupe Architrave Indipendente quand il avait 19 ans) et un expert
dans le domaine de l’analogique. L’enregistrement s’est fait de façon très
simple, avec un seul micro condensateur à large membrane pour tous les
instruments, voix, percus, violon, violoncelle et flûte, avec l’ajout de deux
micros dynamiques pour la batterie de Colette the Witch et Earthly
Paradise, une carte son et un ordinateur. Oscar avait prévu de
passer tout sur son huit pistes analogique pour le mixage, mais un pinch roller
cassé nous a obligé à changer nos plans. Il a donc mixé en numérique, non sans
l’aide de plusieurs effets analogiques, dont quelques-uns construits par lui
même. Une fois le mix terminé, il l’a fait passer par des compresseurs et mis
sur bande magnétique, avant de revenir à l’ordinateur pour les deux différents
masterings (vinyle et cd). L’impression que l’enregistrement soit analogique
vient de cela et de notre gout pour le son rétro. Tous les instruments utilisés
dans le disque sont assez récents, y compris le synthé, mais une touche
décidément rétro vient de mon orgue Gem Jumbo 49 construit en 1969,
acheté en Angleterre et qui appartenait, selon ce qui m’a été dit par le
vendeur, au bassiste de Mott the Hoople. La guitare électrique utilisée
dans la chanson “Syd” est une Harmony Rebel de 1972.
L’album
commence avec la lecture d’un court extrait du livre TheEarthly
Paradise de William Morris. Tu peux nous dire pourquoi ce livre t’a
interpelé ? En quelques mots, de quoi parle ce livre ? Et quelques mots
sur l’auteur William Morris que je ne connais pas.
Earthly
Paradise est un poème qui
raconte l’histoire de voyageurs à la recherche d’une terre mythique et qui se
retrouvent finalement sur une île où vit une ancienne civilisation grecque. Sur
cette île chaque mois, ils racontent des histoires, des mythes grecques et des
légendes nordiques. Ce qui m’intéresse de ce poème est justement la recherche
de ce Paradis Terrestre, qui me renvoie à d’autres ouvrages du même auteur, car
mon intérêt pour William Morris va bien au delà de son poème Earthly
Paradise. J’ai découvert son utopie anarco-socialiste “News From Nowhere”
lors d’un cours à la fac d’Architecture en 1995 et ce livre est devenu un
pilier, pas seulement de ma musique mais de ma vie entière. Morris est
au centre de mon imaginaire, avec sa vision pré-raphaélite, le rêve d’un Moyen
Age idéalisé, son socialisme militant. C’est à la fois une référence esthétique
e politique.
En général je
dirais que c’est la musique qui nait en premier, souvent avec une idée pour les
paroles, qui vont être écrites dans un deuxième temps, mais il m’est arrivé
d’écrire des paroles que j’ai ensuite mis en musique. Parfois je réfléchis à un
morceau pendant des semaines, en le chantant dans ma tête, en ajoutant des
instruments, des harmonies, ou bien en ajoutant des bouts de paroles au fur et
à mesure. D’autres fois, un morceau peut être écrit en 15 minutes, avec la
mélodie qui sort toute seule et les paroles que j’écris tellement vite qu’on
dirait que quelqu’un est en train de me les dicter. Banalement, toutes les
chansons ont un côté autobiographique. J’ai abordé des sujets assez différents
dans le disque, j’ai chanté de ma vision athée rationaliste de la vie (Porsmork)
de mes doutes lors de mon arrivée en France (Satori in Paris), du rêve
d’un monde nouveau qui s’éloigne (Earthly Paradise), d’amour (Lady of
the Canyon), de la crise migratoire (Pilgrims of Hope). J’ai même
écrit un petit hommage à un musicien que j’ai rencontré de façon assez bizarre
et qui est devenu un bon ami, l’ancien batteur d’Âme Son, Marc Blanc
(Electric Troubadour).
En tant que
compositeur, quels sont les éléments essentiels (mélodie, harmonie, refrain,
accident), que tu prends en compte pour composer un morceau ? A quel
moment tu juges que le morceau est fini ?
Je pense que la
mélodie est l’élément principal, ensuite il est important de produire un son
agréable en choisissant les bons instruments, le bon arrangement et en faisant
en sorte que la structure du morceau tienne. Je ne suis pas forcement une
structure couplet-refrain, j’écris selon mes sensations, parfois il n’y a que
des couplets, parfois j’ajoute un bridge, mais tout est fonctionnel au flux de
la chanson en accord avec les paroles. Une fois que tout semble être en
harmonie je considère que le morceau est fini, autrement je pourrais continuer
à la modifier à l’infini.
Que représente
pour toi les années 60 et 70 du point de vue musique psychédélique, prog et
acid folk ? Comment s’est construit ton univers musical ? Tes
artistes de référence ? Que représente l’école de Canterbury pour
toi ?
Je considère les
années 60 et 70 comme une époque d’hyper-créativité, une sorte d’âge d’or pour
la musique comme pour le design, l’architecture et la mode. Je ne saurais pas
dire pourquoi cette époque, avec ses sons et ses images m’a autant ensorcelé,
c’est juste un amour qui est né quand j’avais 14 ans et qui perdure. La musique
que j’écoute et que j’aime vient de cette époque ou en a été lourdement
influencée. La liste des artistes de référence serait très longue, mais cela
inclurait de la folk, beat, psychédélie, du vieux hard rock et beaucoup de
progressive. Les groupes de la scène de Canterbury en font partie, mais je ne pense
pas m’en inspirer spécialement. Je dirais plutôt que tous ces groupes ont
contribué à former mon goût et que les chansons que j’écris sont ma
synthèse personnelle et l’expression
de ce que j’aime et de ce que je recherche dans la musique.
Comment as-tu
découvert l’acid folk ? Tes artistes acid folk qui t’ont marqué ? Et
comment as-tu appris à jouer ce style de musique avec autant d’authenticité,
digne d’une musique de l’époque fin 60-70 ?
Dans les années
80 et 90, quand on n’avait pas encore les sites de streaming, souvent on
s’échangeait les disques entre amis. C’est comme ça que j’ai découvert Led
Zeppelin à 14 ans, puis des groupes comme Pentangle et Fairport
Convention, ainsi que les classiques du rock progressif des années 70.Parfois on téléchargeait les albums sur
E-mule et on achetait les disques des groupes qu’on aimait plus. J’ai pu
écouter beaucoup de néo-folk psyché en 2007, à l’époque de Myspace,mais c’était plus une confirmation de mon amour
pour la folk psyché qu’une vraie découverte. Dans la musique que j’ai écrit
avec le groupe Floating State, ma contribution principale se
concrétisait dans les parties plus acoustiques et médiévales. Ma formation
musicale venant de la musique des années 60 et 70, pour moi chanter d’une
certaine façon et jouer ce type de musique est tout à fait naturel, je ne
pourrais pas faire autrement. Je dirais que Pentangle et Donovan
sont mes influences principales pour la folk, mais le prog a aidé à modeler ma
façon d’écrire.
Vu le son
« vintage » de ta musique, est-ce que tu es un collectionneur de
disques originaux des années 60-70 ? Si oui quelques titres et noms de tes
belles rondelles.
Je suis bien
évidemment un fan de vinyles, j’ai une toute petite collection d’environ 600
disques. Malheureusement, certains albums sont introuvables ou bien très chers,
du coup je me contente parfois des reissues. Cependant la plupart de mes
disques sont des pressages d’époque, parfois même des premiers pressages. Parmi
mes disques plus intéressants et d’époque, je citerais “Io sono nato libero”
de Il Banco del Mutuo Soccorso, “Vincebus Eruptum” de Blue
Cheer, plusieurs albums de Francesco Guccini, “Definition” de
Chrysalis, “Freak Out” de Frank Zappa, le premier Procol
Harum en mono, plusieurs de The Incredible String Band, plusieurs
premiers pressages italiens de Led Zeppelin et puis Gong, King
Crimson, Franco Battiato, New Trolls, Pentangle, Fairport
Convention,Planxty et
d’autres encore. Je signale aussi des disques plus récents, comme les
magnifiques deux albums de Lisa o Piu, alias Lisa Isaksonn,
magnifique multi-instrumentiste et chanteuse suédoise qui joue et chante aussi
dans Me and my Kites avec David Svedmyr et famille, et encore le
chef d’oeuvre de In Gowan Ring, “Hazel Steps Though a Weathered Home”,deux incroyables albums par une génie presque
inconnu, Sam and the Plants, pour finir avec le rarissime “Azetium a
otto piste” du groupe Architrave Indipendente, que j’ai déjà cité en
parlant de notre ingé son Oscar Larizza.
La flute est
très présente dans les compositions. Qu’est-ce que cet instrument t’évoque
comme plaisir, comme sonorité, dans l’imaginaire auditif ? C’est un
instrument incontournable pour l’acid folk ?
La flûte renvoie
à un imaginaire bucolique et médiéval, j’en ai joué moi même un peu en
jeunesse, mais je n’ai jamais trouvé le temps de m’y mettre vraiment. En plus
de la flûte traversière jouée par Audrey dans le disque, il y a aussi du
tin whistle dans l’intro “Singer of an empty day” et de la flûte à bec
ténor et soprano au début de la chanson Earthly Paradise. Je trouve que
la flûte à bec, encore plus que la flûte traversière, donne un côté ancien et
pour ainsi dire acide à des chansons acoustiques, en s’accordant parfaitement à
la guitare et au chant. En effet je ne pense pas pouvoir m’en passer dans mes
chanson, mais le violon et le violoncelle ont aussi un rôle très important.
J’avoue même que je serais ravi de pouvoir ajouter du hautbois et une
nyckelharpa aux morceaux, mais cela risque d’être compliqué.
Tu es
architecte de métier. Est-ce que tu penses que la rigueur de ce métier plutôt
intellectuel, mais aussi artistique a une répercussion sur ta façon de composer
de la musique ?
Je vois la
musique et l’architecture de la même façon, elles partagent des éléments tels
que la lumière, le rythme, la couleur, le contrepoint, le silence. Souvent je
me sers d’une vision musicale pour comprendre l’architecture et viceversa.
Elles ont en commun le fait de nous entourer pendant qu’on apprécie un oeuvre. Paul
Valéry, dans son essai “Eupalinos ou l’Architecte”, écrivait : “Mais
la Musique et l’Architecture nous font penser à tout autre chose
qu’elles-mêmes ; elles sont au milieu de ce monde, comme les monuments
d’un autre monde”
La musique
d’Anandammide pourrait illustrer la bande son du film The Wicker Man de
Robin Hardy ? Est-ce que tu as vu ce film ? Tu as vu aussi le film Midsommar
d’Ari Aster ?
C’est difficile à
dire, je ne vois pas trop mes chansons comme bande de son pour The Wicker
Man. Les chansons de l’album Earthly Paradise s’accorderaient peut
être plus à Midsommar, que j’ai vu récemment. C’est marrant que tu me
parles de ces deux films qui ont en commun un certain Paganisme. Je me rends compte que mon imaginaire
musical et figuratif pourrait renvoyer à une vision païenne ou même à ce qu’on appelle Pagan Folk, mais ce
que j’exprime dans mes chansons est absolument rationnel, athée voire
antithéiste, dans l’esprit du “poetic magique”, pour utiliser les mots de Richard
Dawkins. Bien que dans le milieu folk et hippy le côté spirituel, pour ainsi
dire, soit important, je revendique la possibilité d’en faire partie sans
partager ni une spiritualité de type New Age ni d’autres formes de mysticisme.
Quand un
groupe est inconnu, qu’il sort un 1er album, je pense que la
pochette a son importance. Tu peux nous parler de Julie Papet qui a réalisé le
dessin recto/verso de la pochette ? C’est une œuvre exclusive qu’elle a réalisée pour
le groupe ?
J’ai découvert le
travail de Julie par hasard. Nous ne nous connaissions pas, mais nous
avions des amis très proches en commun. Un jour il m’est arrivé de voir un de
ses dessins au feutre. C’était un paysage marin, assez différent de ses autres
dessins, plus géométriques mais tout autant psychédéliques à mon avis. Je l’ai
contactée et je lui ai proposé de dessiner une image que j’avais dans la tête
avec le même style. C’était en juillet 2018 je crois. Le dessin devait être
coloré, mais au final nous avons choisi de colorer seulement le soleil. Julie
est très humble par rapport à son travail de dessinatrice, j’ai même dû
insister pour qu’elle termine son oeuvre pour la pochette, elle pensait que son
dessin n’était pas à la hauteur, mais je ne reçois que des très bons retours,
tout le monde aime la pochette et je trouve qu’elle s’accorde parfaitement à
notre musique. Dans mes rêves, le jour où on pourra enfin jouer en publique, la
présentation de l’album serait aussi le vernissage d’une petite expo de Julie,
bien évidemment au Moki Bar, là où tout a commencé.
La photo à
l’intérieur du disque qui montre trois filles (ou la même ?) dans un bois
ou une forêt magnifique. Tu peux nous parler de la réalisation de cette photo,
ce que tu as voulu montrer, raconter ?
Cette photo est
une de deux multi-expositions prises à Fontainebleau l’été dernier. A cette
même occasion, avec mon amie Camille Graindorge, nous avons tourné des
vidéos qui sont devenues le clip de la chanson Lady of the Canyon.
L’idée de la vidéo est plutôt simple, il s’agit d’une sorte de rêve bucolique
où on voit un fille marcher et on l’impression de ne pas pouvoir la rejoindre
ou lui parler, tel un fantôme ou une hallucination. La multi-expositions
devrait ajouter un côté inquiétant et hallucinogène aux photos et on retrouve
une animation faite à partir de ces photos dans la partie centrale de la vidéo.
Au même temps, la multiplication de l’image devrait dépersonnaliser le
personnage et le rendre un symbole de l’amour perdu.
Une fille avec
une magnifique chevelure dessinée sur la pochette. Une fille qui se balade en robe païenne
dans un bois. Deux musiciennes dans le groupe. Pas de chanteuse en projet dans
de futures chansons ? Je trouve que votre musique possède une grâce
féminine qui pourrait se marier avec un chant féminin.
A vrai dire, dans
mon chant je privilégie tellement les fréquences aiguës que certains
présentateurs à la radio ont pensé que j’étais une femme, complice aussi
l’orthographe de mon prénom, Michele, qui est masculin en Italie.
Difficile imaginer un grand barbu italien derrière ce prénom (qui se prononce
Mikélé, avec l’accent sur le premier E). Ceci dit, tu as eu une bonne
intuition, car une collaboration avec une chanteuse est prévue pour un morceau
du prochain album, mais gardons le secret sur son identité!
Michele, lors
d’un mail tu m’as parlé d’un réseau sur le net entres musiciens du style
psyché. Tu peux nous en dire plus ? Ce réseau vous permet de partager vos
contacts, infos ? Quels sont les musiciens psyché européen que tu
connais ?
C’est un réseau
informel, certains musiciens se connaissent personnellement, d’autres ne se
sont jamais rencontrés mais gardent des contacts virtuels. Au même temps il y a
des journalistes ou présentateurs radio qui ont fait des chroniques ou passé
notre musique à la radio et avec qui on reste en contact par mail ou par les
réseaux sociaux. Par exemple, j’ai rencontré Me and my Kites et Tony
Durant lors d’un concert aux Pays Bas en 2014 et je suis en contact avec
eux, ils sont juste adorables. J’ai contacté Eva Muntada de Magick Brother MysticSister (NDLR: leur album est n°1 dans mon TOP 25 de
2020) après avoir écouté leur dernier album. Nous ne nous sommes jamais
rencontrés mais on a souvent des échanges via message et j’espère qu’un jour
nous pourrons partager une scène.
Michele, tu es
italien (de quelle région, ville ?) et tu habites Paris depuis 2007.
Qu’est ce qui te plait ou pas à Paris. Pour un musicien, Paris est une bonne
ville inspirante ? Qu’est ce qui te manque de l’Italie ? Tu connais
le groupe Calibro 35 ?
Je viens de Bari,
dans les Pouilles. C’est une ville d’environ 300 000 habitants, une ville de
province très active surtout musicalement, mais bien souvent ceux qui voulaient
faire de la musique ou de l’art comme métier ont dû déménager à Milan ou Rome
pour suivre leur rêve. La scène rock de Bari et des Pouilles était tellement
vivante et de haut niveau que j’ai été un peu déçu à mon arrivé à Paris. La
ville en soi est un rêve et un cauchemar en même temps. De mon côté j’ai eu la
chance de m’installer à Montmartre et ce “petit village” m’a rendu la vie
parisienne plutôt agréable. J’adore le multiculturalisme de Paris et tout ce
qu’il a à offrir, bien qu’après presque quatorze ans je commence à penser à
partir. S’il n’y avait pas les complicationsduesà la Brexit et d’autres détails
liés à mon travail d’architecte,
j’adorerais vivre à Bristol. Ce n’est pas l’Italie mais plutôt les Pouilles qui
me manquent, mais je ne me vois pas vivre là bas à nouveau avant vingt ou
vingt-cinq ans. Ce qui me manque c’est surtout le fait de vivre près de la mer,
ce qui était la normalité pour moi avant, pouvoir m’assoir et respirer devant
la Méditerranée. Les premières années à Paris j’avais l’impression d’étouffer,
je montais en haut de la butte de Montmartre mais la vue ville devant moi ne
suffisait pas. J’ai justement une idée pour la vidéo de Satori in Paris où la
mer serait bien présente. J’ai vu Calibro 35 en
live au New Morning il y a deux ou trois ans. Je ne suis pas super fan mais
c’est sympa ce qu’ils font. Dans les années 70 il y avait tout un univers
musical autour des films qu’on appelait “poliziotteschi” en Italie.
S’il y un
message à faire passer à nos lecteurs c’est ici !
J’invite les
lecteurs à écouter notre album Earthly Paradise. Nous avons choisi de ne
pas distribuer l’album sur les plateformes de streaming sauf pour le single
Lady of the Canyon, donc le seul site où il est disponible en entier est www.anandammide.bandcamp.com. Sur YouTube on peut regarder les clips
de nos singles ainsi que des teasers de l’album. En cette période où les
concerts sont interdits, nous n’avons d’autre possibilité que d’utiliser les
réseaux sociaux pour promouvoir notre musique et on prévoit d’enregistrer un
petit live fait maison, donc je donne rendez-vous à tout le monde sur nos pages
facebook et instagram pour toute info concernant notre activité musicale.
Merci pour tes
réponses !
Merci à toi pour cette belle interview, c’est rare
d’avoir autant d’espace pour parler de notre musique.