Le nouvel album du duo Tomaga (Valentina Magaletti
aux percussions et divers, Tom Relleen
aux synthés, machines et divers) est une sortie particulière, car c’est à titre
posthume qu’il voit le jour. Tom Relleen
nous a quittés le 23 aout 2020 à seulement 42 ans. Avant sa mort, Intimate Immensity a été achevé dans l’urgence
chez lui à Londres dans sa maison qu’il appelle "Le Bunker". Nous sommes en avril
2021, l’album vient d’être publié par le label ami Hands In The Dark, dans une belle pochette gatefold couleur bleu azur/Yves Klein réalisé par les artistes d’Icinori.
A l’intérieur de la pochette il y a une phrase de Tom qui nous éclaire sur le contenu d’Imtimate Immensity : "Je
viens de trouver un livre intéressant de Gaston Bachelard intitulé The Poetics of Space, avec des chapitres sur la « maison comme univers », les nids, les coquillages, l’« immensité
intime », la
« phénoménologie de la rondeur »... Je pense qu’il est lié à nos sentiments sur les bunkers et l’envie de
cloisonner l’univers pour créer nos propres espaces, contre le nettoyage ou la
colonisation du quotidien pour le rendre vide de tout autre goût.Je pense que
les pistes de Tomaga avec leurs micro-mondes individuels sont un peu comme
ça…".
En effet l’espace est un élément
important dans la musique de Tomaga.
Ouvert ou cloisonné, à l’écoute des 10 perles gravées dans le vinyle, ce sera à
chacun d’en décider selon ses impressions personnelles. Tomaga compose une musique organique et sensorielle qui peu flotter
dans l’air tout comme s’enfoncer sous notre poids. On a l’impression que la
musique composé par le duo est une matière que l’on peut toucher, malaxé avec
nos sens et nos neurones. On ferme les yeux le jour, on les ouvre la nuit et en
se laisse (em)porter par les mélodies flottantes qui s’échappent des compos. La
musique de Tomaga est la synthèse
idéale entres les styles krautrock, électro, post rock, expérimental, ambient,
psyché, musique répétitive, indus, pop, BO de film. Chaque morceau est une
invitation à voyager sans quitter le confort de son canapé, et l’image de la
pochette est une fenêtre qui s’ouvre vers l’extérieur. Tomaga a l'intelligence et la fluidité de composer des morceaux à la fois complexe et facile d'accès. Leurs expériences a travers les autres projets (The Oscillation, Papivores, Vanishing Twin, UUUU) permet à Valentina et à Tom d'avoir un savoir faire qui leur donne une liberté folle pour composer une musique à la croisé de l'expérimental et de la pop culture. Ici la synthèse est au top.
Notons aussi la présence
de Cathy Lucas (Vanishing Twin) au chant sur le morceau envoutant Very Nener (My Mind Extends) et la
violoniste Agathe Max (Papivores) sur le morceau titre Intimate Immensity qui clôture l’album. Il
est clair, que l’on va écouter et réécouter inlassablement cet album posthume
comme un cadeau du ciel -bleu- en signe d’adieu. Peace.
Depuis mai 2019, Rimini
Editions nous gâtes presque tous les mois avec la publication de films
d’horreur des années 70 et 80 en combo DVD Blu-ray. Les films sont restaurés,
les combos contiennent des bonus inédits et un livret de 24 pages écrit par Marc Toullec de Mad Movies. Juste quelques-uns des titres publiés : Le Bal de l’horreur de Paul Lynch,Trauma
de Dan Curtis, Terror Train de Roger
Spottiswoode, Patrick de Richard Franklin, Harlequin de Simon Wincer,
Virus Cannibale de Bruno Mattei, Mutations de Jack Cardiff…
La nouvelle livraison est le film Meurtres sous Contrôle (God
Told me To) que Larry Cohen a
réalisé en 1976. Publié auparavant en DVD chez Bach Films, on peut dire que la version HD permet de redécouvrir ce
magnifique film d’anticipation mais aussi thriller, complot SF.
Avant de parler du film, quelques mots sur le
réalisateur Larry Cohen (1936-2019)
qui a une étonnante filmographie. Avant de passer à la réalisation, il a été le
scénariste du film Le Retour des sept réalisé
en 1966 par Burt Kennedy, ce filmest
la suite des Sept Mercenaires de John Sturges (1960). A partir de 1960 il écrit des scénarios pour de
nombreuses séries américaines qui n’ont pas traversés la manche. En 1967 il
crée la série TV devenue culte Les
Envahisseurs avec Roy Thinnes. Toujours pour la TV, il écrit des scénarios
pour les séries Le Fugitif, Le Proscrit, Blue Light, Les Accusés. Autre gros
morceaux, il écrit des scénarios pour quelques épisodes de Columbo (Exercice Fatal, Candidat au crime, Quand le vin est
tiré). Toujours coté écriture, notons le western El Condor réalisé en 1970 par John
Guillermin avec le duo de choc Jim
Brown et Lee Van Cleef. C’est en
1972 qu’il réalise son premier film, Bones
avec Yaphet Kotto qui vient de nous
quitter le 15 mars dernier à 81 ans. En 1973 et 1974 il réalise deux films qui
sont devenues des classiques de la blaxploitation, Black Caesar le Parrain de Harlem et la suite Casse dans la ville, deux films d’action avec le magnifique Fred Williamson. En 1974, changement de
style avec là un classique de l’horreur, Le
Monstre est Vivant et les suites Les
Monstres sont toujours Vivants (1978) et
La Vengeance des Monstres (1987). Parmi les autres films marquants, notons Snuff en 1985, Pacte avec un Tueur en 1987 et surtout la trilogie Maniac Cop qui a débuté en 1988. Voilà un aperçu de sa belle filmographie.
Et maintenant causons Meurtres sous Contrôle…
Synopsis du film :Inspecteur de police et catholique, Peter
Nicolas est appelé lorsqu’un tireur fait un carton dans les rues de New York sur
une dizaine de passants. Il entame une brève conversation avec le tueur qui lui
donne une raison toute simple pour expliquer son geste avant de se donner la
mort. Le tueur lui dit : « Dieu m’a demandé de le faire ». L’histoire pourrait s’arrêter là
sauf que Peter Nicolas se retrouve face à d’autres cas de meurtres à répétition
où chacun des assassins donne la même raison.
Le film est réalisé avec un petit budget,
malgré tout à l’image cela ne se voit pas, sauf pour deux inserts empruntés à
la série TV Cosmos 1999, car les
acteurs sont excellent, notamment Tony
Lo Bianco (Peter Nicolas), qu’on a découverts dans le film Les Tueurs de la Lune de miel (The Honeymoon Killer) et revu dans French Connection, Serpico,Police Puissance 7.
Ensuite le rythme du film est prenant, les images filmés à l’arrache dans les
rues de New York donnent un grain de folie qui fait plaisir à voir, d’autant qu’aujourd’hui
à cause des attentats, un réalisateur ne pourrais plus filmer ainsi. A la fin
du film il y a un passage dans une salle de billard qui se passe dans le
quartier de Harlem. Ce passage est très jouissif pour l’amateur du genre
Blaxploitation. L’autre force du film est de mélanger avec talent, horreur, SF,
thriller, polar urbain, anticipation, le tout avec l’atmosphère des films SF 70
(Soleil Vert, Silent Running, Rencontre du troisième
type, Mondwest, Phase IV, Le Survivant). On est en immersion totale dans le suivi de l’enquête
de l’inspecteur Peter Nicolas et ses croyances. La musique qui devait être
composé par Bernard Hermann, mais il
meurt juste avant le début du tournage, sera composé par Frank Cordell. Sa partition est un élément important pour justement
notre immersion dans la folie des hommes avec comme excuse « Dieu m’a demandé de le
faire ».
Le film est produit par Roger Corman et sort en novembre 1976 aux États-Unis. Mais Roger Corman n’a pas compris le film,
il va se planter dans la campagne de pub. Explication de Larry Cohen : « Plutôt
que de le présenter comme un film d’horreur, ou un thriller, il a cru bon l’exploiter
sous l’angle de la controverse. Sur les affiches placardées dans certaines
villes était écrit "Le film que tous les responsables religieux déconseillent
formellement à leurs fidèles !". Roger Corman jouait la provocation,
annonçait clairement aux spectateurs potentiels qu’ils pourraient être choqués
par ce qu’ils allaient voir ». (Extrait page 20 du livret). D’autant
que le film est sorti au début de son exploitation au Texas, soit une région
très religieuse. Comme c’est le bide, le film ressort sous le titre Demon, mais pas plus de succès.
Malgré que Meurtre
sous Contrôle ai reçu en 1977 le Prix spécial du jury d’Avoriaz avec comme
président Steven Spielberg, le film
ne sort sur les écrans français qu’en juillet 1979, soit le pire mois de l’année
pour être à l’affiche sur les écrans, ainsi le film ne rencontre pas de succès.
C’est au fil du temps qu’il va devenir un classique 70 du film d’anticipation, grâce
à sa diffusion dans les festivals, aux chaines du câble et aux marchés de la
vidéo. Ce n’est que justice, car Meurtressous Contrôle mérite d’être vu par le
plus grand nombre de spectateurs.
Avec cette édition en HD, c’est une nouvelle étape
pour (re)découvrir « L’un des films d’horreur les plus troublants et
inoubliables des années 70. » (Rolling Stone)
En bonus, il y a un documentaire qui revient sur la
filmographie de Larry Cohen, une discussion
de Larry Cohen avec le public lors d’une
diffusion du film dans une salle de cinéma. On peut noter que Larry Cohen a beaucoup d’humour et de
la répartie. Enfin une interview de Tony
Lo Bianco et Steve Neil
responsable des effets spéciaux.
Le label branché Captured
Tracks vient de publier une compilation de la chanteuse américaine de
Baltimore Linda Smith. Bonne idée, car
la notoriété de l’auteure-compositrice,
multi-instrumentaliste n’a pas franchi notre vieux continent, ainsi cette
compilation nous permet de faire connaissance avec elle. Au milieu des années
80, elle fait partie du groupe The Woods,
qui n’aura finalement sortie qu’un single. Lors de cette période, elle s’achète
un magnétophone 4 pistes et compose à la maison des morceaux. De parts
l’économie de moyen, on n’est pas dans les studios d’Abbey Road, Linda Smith
compose une musique lo-fi pur jus, esprit DIY. Le son, la voix sonne mono/maquette
et c’est clair sa fonctionne. Quand on l’écoute chanter, on a l’impression
qu’elle est juste à côté de nous. Sa musique est fragile, proche de la rupture,
mais tellement belle. En 1987 elle publie en K7 C30 ses premiers morceaux, idem
en 1988 avec une reprise de Burt
Bacharach. Ces deux K7 ont dû être publiés à très peu d’exemplaires. Sur la
compilation, il y a deux morceaux extraits de la 2ème K7. C’est en
1991 qu’elle va publier un album en CD avec une meilleure diffusion. Par la
suite elle passe au huit pistes, avec la sortie d’autres albums (parfois en CD-R)
et singles publiés sur des minuscules labels. Mais qu’importe les années, sa
musique de poche garde ce grain fragile qui fait plaisir à entendre. Avec elle,
on est dans l’esprit du Velvet
Underground tendance Maureen Tucker.
On pense aussi à Kendra Smith (ex Opal), Galaxie 500 et Daniel
Johnson pour le son artisanal et ce doux parfum folk 60 qui grésille pour
enlever la fine couche de poussière. La musique de Linda Smith est vraiment attachante. De parts l’économie de moyen,
ces compos parlent instantanément, faisant ainsi de Linda Smith notre meilleure copine, avec laquelle on aimera
discuter de tout et de rien.