Le village miniature d’Octave et Roland Berthelot @ Sonia
Tenhzaz
L’ami David Fenech m’a signalé un tout
nouveau site internet, La cartographie
des rocamberlus, qui récence les environnements art brut, art singulier, des inspirés du
bord des routes de la France. Les lieux recensés à ce jour, sont toujours debout, souvent avec leur créateur, donc visitable. Une sorte de Guide de la France Insolite édité en
1990 chez Hachette par Claude Arz en
version non plus en papier, mais sur l’écran de l’ordinateur, tablette ou sur le
téléphone portable. Ce nouveau guide est réalisé par Sonia Tenhzaz du bar « extra cool »,
Le Chair de Poule à Paris. Sur la carte de France du site, il
suffit de cliquer sur une pierre orange pour entrer dans l’environnement visité
par Sonia. Chaque environnement
contient un compte rendu de la visite, de nombreuses photos, des liens internet
et des notes biographiques. C’est interactif, ludique, instructif, une porte d’entrée pour
les néophytes, un rappel pour les amateurs aguerris et des idées weekend pour toute la famille. La France à des incroyables talents !
Sonia Tenhzaz avec Georges Maillard, dont elle a emprunté
le terme Rocamberlus
C’est dans le nouveau numéro du
magazine Artension (n°178 mars-avril
2023), rubrique agenda que je
découvre qu’il y a une exposition consacrée à l’artiste algérienne Baya (1931-1998) à l’Institut du Monde Arabe à Paris. Je ne
peux que vous recommander de vous précipiter de voir cette belle exposition,
qui regroupe de nombreuses peintures tous formats et des sculptures, ainsi que
des documents d’archives, comme trois lettres écrites par Jean Dubuffet admiratif du talent singulier de Baya. Son style graphique est coloré, le trait naïf en 2D illumine
la vue, tant son expression artistique est pleine de vie. Dans ses toiles, les
femmes sont très belles. Elles ont de l’allure ! Leurs vêtements sont
colorés, leurs visages sur fond blanc sont représentés avec un simple trait de
crayon. Sur son art, Baya nous dit :
"Je peins ce que je sens. (…) Je suis née artiste. C’est un don que Dieu m’a
fait."
Ci-dessous le texte de présentation
de l’exposition extrait du site internet de l’Institut du Monde Arabe.
"Baya n’a pas souffert, comme d’autres
femmes artistes, d’un manque de visibilité : elle avait 16 ans lors de la
première grande exposition de ses œuvres, organisée à Paris en 1947 par le
galeriste Aimé Maeght. Son travail, qualifié à tort « d’art naïf » ou
« d'art brut », a exercé une influence majeure, particulièrement en Algérie où
elle fut beaucoup imitée par les générations formées après l’Indépendance, pour
sa singularité, son raffinement et sa dimension spirituelle.
Les œuvres de Baya conservées au
musée de l’Institut du monde arabe, augmentées de la donation Claude et France Lemand, forment un ensemble documentant toutes ses
périodes d’activité, de 1947 à sa mort en 1998. Elles viennent compléter le
fabuleux trésor des Archives nationales d'Outre-Mer d'Aix-en-Provence et
d'autres prêts. L'ensemble permet de saisir l’évolution de sa peinture – avec
notamment l’introduction du thème de la musique à partir des années 1960 –,
jusqu’aux émouvantes œuvres de 1998, les dernières réalisées par l’artiste.
« Baya. Femmes en leur Jardin »
apportera aussi, dans une perspective d’études coloniales et décoloniales, un
éclairage inédit sur le « cas Baya », étayé par l’exploration de ses archives,
en particulier sa correspondance avec sa mère adoptive Marguerite Caminat. Comment cette jeune fille non scolarisée (comme
98% des filles « indigènes » de sa génération), qui a connu
souffrance et violence, devint-elle, à la fin de la période coloniale, cette Baya maîtrisant le langage des formes
et des couleurs et créant un style bien identifiable, propulsée dès l’âge de 16
ans au sommet de la notoriété, éblouissant les amateurs d'art parisiens et
faisant l'objet d'une double page (écrite par Edmonde Charles-Roux) dans le magazine Vogue?"
"Orpheline de père à 6 ans, de mère à
9 ans, Fatma Haddad (1931-1998) –
elle se choisira très tôt elle-même le nom d'artiste de Baya –, est remarquée à l’âge de onze ans par Marguerite Caminat, une femme venue en Algérie en 1940 pour fuir la
France occupée. Celle-ci prend l’enfant sous son aile, embauche une
institutrice qui lui apprend à lire et à écrire – tout en l'encourageant à
conserver et à développer son patrimoine culturel algérien auprès de familles
musulmanes de ses amis –, et c’est chez elle, avec ses pinceaux et couleurs, que
Baya se met à peindre. Le galeriste Aimé Maeght, qui avait découvert son
talent au cours d’un voyage à Alger, lui organise une première grande
exposition à Paris dès 1947 : Baya
éblouit les amateurs d’art et entre de plain-pied sur la scène artistique, légitimée
par de grands personnages tutélaires dont André
Breton – non sans ambivalence, entre curiosité pour une artiste en devenir
et paternalisme, en une approche de l’altérité empreinte d’orientalisme. Dès
l'été 1948, Baya revient en France
pour réaliser des sculptures ; sa créativité dans le travail de l’argile est
remarquée par Picasso, dans l’atelier de céramique Madoura de Vallauris.
Grâce à sa mère adoptive et à
d’autres soutiens influents dont le poète Jean
Sénac, Baya demeure sur la scène
artistique jusqu’à la période de la guerre d’Indépendance (1954-1962). Mariée
en 1953 au musicien El Hadj Mahfoud
Mahieddine, elle s’arrête de peindre pour se consacrer à sa vie familiale
(elle aura six enfants). En 1962, et c’est sans doute le plus remarquable après
ce « retour à l’ordre », elle trouvera la force de reprendre son
travail artistique, avec l’aide primordiale du peintre Jean de Maisonseul, nouveau directeur du musée national des
Beaux-Arts d’Alger, qui expose ses œuvres dès 1963 et en acquiert certaines qui
font encore la fierté de ce musée.
Malgré sa personnalité discrète,
contrastant avec une scène artistique tumultueuse qui opposait à Alger
différents courants et leurs représentants,
Baya fraya son propre chemin, en participant à des expositions collectives
et en bénéficiant de nombreuses expositions personnelles, principalement dans
la capitale, où elle montra ses œuvres presque tous les ans. Elle fut en 1967
de l’aventure du groupe Aouchem (Tatouages), fondé par Choukri Mesli et Denis Martinez, qui entendait connecter l’art contemporain aux
sources de l’art africain et au répertoire formel transmis par les arts
populaires du Maghreb. Consacrée comme l’une des pionnières de l’art algérien,
elle obtint en 1969 le Grand Prix de peinture de la ville d’Alger. Baya continua de travailler en faisant
évoluer sa peinture, et sa production prolifique fut appréciée à
l’international."