L’éditeur Carlotta nous sort ici une curiosité de derrière les fagots. Déjà, on pense tout connaitre sur Serge Gainsbourg, et voilà qu’on découvre ce film où il interprète un rôle d’espion, avec en prime un passage où il joue un morceau inédit composé pour le film, Bye, Bye Mister Spy. L’Inconnu de Shandigor est le premier long métrage du réalisateur suisse Jean-Louis Roy. Son film, sorti en 1967 est une parodie arty, avec une touche BD comics des films d’espionnage. Si l’histoire est toute simple, par contre la mise en scène est totalement pop sixties futuriste, avec des vues de caméra assez étonnantes, des lieux (dont le Parc Güell et la cathédrale de Gaudi), décors stylé art nouveau, bref ici l’architecture des formes est mise en valeur. Le tout filmé avec un noir et blanc à donner le vertige, tant le rendu des contrastes est à tomber. C’est aussi fort que les images de Qui êtes-vous Polly Maggoo de William Klein (1966). Le Blu-ray propose une version restaurée en 4K, autant dire qu’ici, le noir et blanc n’aura jamais été aussi beau.
Synopsis :
"Le savant Herbert von Krantz (Daniel Emilfork) a mis au point un procédé révolutionnaire, l’Annulator, permettant de désamorcer les armes nucléaires. Son invention fait depuis l’objet de convoitise de tous les services secrets et des groupuscules terroristes du monde entier. Le scientifique paranoïaque vit cloîtré dans sa demeure ultra-sécurisée avec sa fille Sylvaine (Marie-France Boyer) et son assistant Yvan (Marcel Imhoff), sur lesquels il exerce une redoutable emprise. Autour d’eux, les espions rôdent et sont prêts à tout pour récupérer les plans de l’Annulator."
L’autre force du film, est le choix des acteurs. En tête de liste, Daniel Emilfork qui joue le rôle du savant. Son visage qui évoque le Dracula de Murnau (1922) marque instantanément les esprits. Sa fille, interprétée par Marie-France Boyer (que l’on a découverte dans Le Bonheur, magnifique film d’Agnès Varda -1965-) n’a pas pris un seul trait de son père, tant son visage d’ange aux cheveux blond tranche avec le visage rocailleur, en lame de couteau du patriarche. Daniel Emilfork est plus habitué aux petits rôles de figurations, apparitions, mais ici il est en tête d’affiche. Pour lui voler sa formule, il y a trois bandes d’espions près à tous les vices. Chaque bande est dirigée par une gueule du cinéma et de la chanson : Jacques Dufilho, Howard Vernon (un des acteurs fétiche de Jess Franco) et Serge Gainsbourg. C’est juste un plaisir jubilatoire de les voir diriger leur équipe de bras cassées, mais sans tomber dans le trip Les Tontons Flingueurs et Ne nous fâchons pas. Le rythme du film reste soutenu, même si c’est parfois les scènes sont un peu décousues. Qu’importe la logique, imperfection de l’histoire, côté images, on en prend plein la vue, tel une BD pop à rebondissement. Les acteurs s’amusent, et nous aussi. Le plaisir de voir Serge Gainsbourg (à noter que la B.O. n’est pas de lui, mais de Alphonse Roy, le père de Jean-Louis Roy), toujours aussi stylé avec ses lunettes noires et la trogne de Jacques Dufilho, un des plus grands acteurs français des années 50-70.
A noter que L’Inconnu de Shandigor a été présenté au Festival de Cannes. Malgré les qualités du film, Jean-Louis Roy va surtout, tout au long de sa carrière réaliser des courts-métrages et des documentaires.
Dans le Blu-ray, il y a en bonus une émission TV Suisse de l’époque, Cinéma-vif consacré à Jean-Louis Roy et à son film qu’il vient de finir de tourner. Son interview est intéressante. Dans l’émission, Daniel Emilfork, Jacques Dufilho (très enthousiaste de jouer avec ce jeune réalisateur) et Marie-France Boyer sont également interviewés. Belle archive de 30 minutes.
https://laboutique.carlottafilms.com/products/linconnu-de-shandigor-de-jean-louis-roy
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