Décidément l’artiste crooner (habillé en bleu de travail) Maxwell
Farrington n’arrête pas de nous étonner. Le voici qu’il débarque avec un
album de chansons de Noël qu’il a écrit, composé avec l’aide de Yann
Ollivier (ex batteur du groupe guingampais The Craftmen Club) pour
les arrangements. Au lieu de faire des reprises de Noël conventionnelles, mielleux
et ringards, Maxwell, qualité non pas filtre, mais qualité STYLE (mot à
lire avec l’accent anglais) nous invites à écouter 16 morceaux d’une élégance,
où se croisent sous le sapin, Lee Hazlewood, Dean Martin, Robert
Wyatt, Marc Almond, Johnny Cash, le Sgt Pepper’s des Beatles et le Muppet Show. Les
compos de Maxwell Farrington racontent une soirée de fin décembre à
travers les traditions de Noël dans la culture anglo-saxonne. Pour rappel, Maxwell
Farrington installé depuis quelques années dans les Côtes d’Armor en
Bretagne est Australien. Un des éléments clé est le réveillon du 24 décembre et
le repas en famille. Maxwell étant cuisinier (la musique nourrie pas encore
son homme), il est clair qu’il est au petit soin pour préparer un bon repas
tant culinaire que musical. Sur ses morceaux de Noël, Maxwell Farrington
laisse libre court à sa voix de crooner de se laisser glisser, mais
heureusement sans tomber dans la guimauve plan-plan. Quant à la musique, c’est un
heureux mélange de pop, d’easy listening, de folk, d’americana champêtre, une
touche de new wave 80 avec le son du synthétiseur. Bref un bel album qui s’écoute
avec plaisir et qu’on pourra réécouter à chaque futur Noël en famille ou seul
devant sa soupe de légume. N’oublions pas, la belle pochette psyché pop, réalisée par Julien
Henry.
"Tribute
n’est ni un « best of » réunissant les titres les plus connus de KaS Product, ni un « tribute » les
faisant reprendre par d’autres artistes. C’est au sens premier du terme un
hommage, celui que Mona Soyoc a
voulu rendre à son complice Spatsz,
« l’homme important de sa vie », subitement décédé en février 2019 alors qu’ils
travaillaient sur de nouveaux titres." (Texte extrait de la page Bandcamp de KaS
Product)
Ce Tribute hommage à Spatsz contient
18 morceaux. 11 morceaux extraits des trois albums studio: Try Out (1982), By Pass
(1983), Ego Eye (1986) dont les
iconiques Pussy X, T.M.T. et Never Come Back. Deux morceaux extraits des
EP’s, Mind (1980), Shoo Shoo (1985),
une réadaptation du morceau Above (1986)
pour le jouer sur scène en 2012, puis arrangé et remasterisé en 2022 sous la
direction artistique de Mona Soyok. Enfin, le gros du panier pour les
fans du duo, c’est la présence de quatre morceaux inédits enregistrés après la
publication de Ego Eye : Foreign Land et Taste Eternity extraits d’une cassette de 1988, Miracles enregistré en 2005, lors de la
réédition en CD des albums Try Out et
By Pass, et enfin Doors enregistré à Rennes en 2018 en
prévision d’un nouvel album, mais la disparition de Spatsz le 1er
février 2019 va tout stopper.
Avant Tribute, côté compilation
il y a eu Black & Noir publié en
1990 sur Fan Club-New Rose. Cette compilation regroupais
les deux premier EP’s et des morceaux rares enregistrés avant la sortie de Try Out. Ainsi Tribute est à ce jour la
seule "compilation" en rapport aux trois albums. Alors qu’en est-il
des quatre morceaux inédits qu’on trouve sur Tribute et sur le nouvel EP Indoor
Life ? Miracles est un
morceau mélancolique au tempo plutôt posé. Idem pour Taste Eternity, où Mona Soyok chante d’une façon assez
conventionnelle et pop. La tigresse du blues urbain est en retrait. Sur ses
deux morceaux Mona et Spatsz sont adultes et moins porté sur la
recherche électronique. Foreign Lust
et son approche asiatique a par contre pas mal de charme, notamment pour son
tempo cabaret qui met la voix de Mona en valeur. Doors renoue avec le son électro esprit Suicide période A Way of Life (1988) avec un tempo synthétique
dansant qui permet à Mona de chanter comme une déesse de la nuit. Ce
morceau présageait un bel album. Le CD
en digipack contient un livret de 44 pages avec des textes de Francis Dordor,
Michka Assayas, Gérard Bar-David, Jean-Éric Perrin, Frédéric
Lemaitre… et de nombreuses photos. Juste pour chipoter un peu, dommage que
le CD soit glissé dans une pochette type CD promo, et non pas dans un incert
incrusté dans la pochette. Par contre la photo de la pochette réalisée par Denis
Chapoullié est magnifique.
Dans la continuité du Tribute, Mona
Soyok en hommage à Spatsz poursuit la belle histoire de KaS
Product sous l’entité KaS Product Reload. Il y aura un concert
gratuit le 3 février 2023 à Vandoeuvre-Les-Nancy et un concert payant (23
euros) le 25 mars 2023 au Makeda à
Marseille. Espérons que d’autres dates s’ajouteront par la suite.
Je profite
de la publication de Tribute pour sortir de mes archives une interview que j’ai
faite de Mona Soyok en 2005 pour le
fanzine Abus Dangereux. C’était à l’occasion
de la réédition en CD des albums Try Out
et By Pass (avec des titres bonus)
sur le label culte Les Disques du Soleil
et de l’Acier. De mémoire, j’avais envoyé à Mona mes questions par mail et
elle m’avait répondu par courrier sur une lettre manuscrite. L’interview
a été publiée dans Abus Dangereux
face 92 avril-mai 2005.
Dix-huit ans
après leur séparation, l’image des Nancéens KaS Product est restée intacte. Elle, Mona Soyoc, américaine d’origine argentine, ex-chanteuse de jazz,
habillée de cuir noir, a gardé cette image divinement féminine et royalement
rock’n’roll. Lui, Spatsz,
ex-infirmier en psychiatrie, tout aussi noir (après les blouses
blanches !) et aussi rock, laisse le souvenir intact de son visage à
moitié caché par une longue mèche de cheveux. Pas une seule tache ni une
auréole mal placée n’est venue troubler et rendre has been ce duo à l’image
ténébreuse. Vingt- cinq ans après la formation du duo, leur style musical n’a
pas bougé d’un son. Au contraire, il a trouvé une seconde jeunesse. Leur
premier album "Try Out", sorti en 1982, était dans les disques du
mois dans le magazine Best.
Aujourd’hui réédité en CD digipak, tout comme le 2ème album "By
Pass", il pourrait encore être disque du mois dans Rock’n’Folk (Best
n’ayant pas survécu au 90’s) aux côtés de LCD
Soundsystem (master groupe dance et big hommage aux années 80).
KaS Product a inventé son propre SON,
malgré certaines accointances avec les styles de Suicide, Siouxsie, Joy Division, Grauzone ou DAF. Et La
musique électronique des années 90, l’electroclash et le revival 80 leur
doivent beaucoup. Entre 80 et 87, c'était un groupe unique qui ne ressemblait à
nul autre, de purs défricheurs dans leur genre. Leur musique, leur look et leur
prestation scénique étaient hors norme. C’est encore valable aujourd’hui. Ce
mélange de cold wave avec la voix soul de Mona
était un régal qui prenait toute sa mesure sur scène, autant pour le duo que
pour le public. Sur scène, Spatsz,
raide etconcentré derrière ses
synthétiseurs et boites à rythmes, (il n’y avait pas encore ce fameux support
informatique si chéri aujourd’hui), laissait libre cours à Mona pour s’extasier, jouer la tigresse sur le comptoir d’un bar
(cf : Club Le Coatelan en 85 à
Morlaix), ou caresser virilement sa guitare pour laisser échapper des accords
bruts et fantomatiques. Noir c’est noir: pas de place pour le rouge, ou juste
un tout petit trait sur les lèvres, mais une grande lueur blanche dans les
yeux. "Black et Noir" est aussi le titre d’un morceau extrait de leur
premier 45t autoproduit (et le titre d’une compile CD des premiers 45t sorti
sur le Fan Club de New Rose). Par
contre à l'occasion d'une petite rencontre avec la mystérieuse Mona Soyoc, elle nous avoue ne pas
connaître le label noise/core d’Angers qui a repris ce nom.
Quel a été votre rôle dans la
conception des rééditions en CD de vos deux premiers albums ?
Je suis restée
injoignable et gravement malade pour ne rien avoir à faire. En fait tout le
travail de remastering a été fait par Spatsz
chez lui, grâce aux ordinateurs. Les nouvelles technologies permettent des
petites merveilles impensables il y a encore vingt ans. Pouvoir tout faire à la
maison, sans le besoin de partir en studio.
Les 33t vinyles ont été édités
sur la major RCA, donc retour à la maison entres amis, 25 ans après sur Les
Disques du Soleil et de l’Acier, le célèbre label de Nancy.
DSA appartient
à Gérard N’Guyen qui a coproduit
avec nous, ces deux albums. Il est un résistant contre l’abrutissement
musical !
A l’époque en 1982, j’étais très
intrigué par la pochette de "Try Out".
Une fleur qui
n’en est pas vraiment une. Avec, on dirait un pénis et une vulve, symboles
auxquels s’apparente l’humain, mais qui n’est pas sa vraie identité. Mais bon
sang ! bien sûr, je ne suis pas mon sexe ! Et enfin le cadre à la
Escher qui représente l’infini…
Dans cet
album, figure le morceau "Pussy X", un titre qu’en entend encore très
régulièrement dans les soirées gothiques. Faut dire que les miaulements et cris
aigus de la tigresse Mona a de quoi satisfaire tous les fantasmes du danseur en
trance, sous les spots sombres, les nuits de débauche et sensuellement chaude.
Répétitif à souhait "Pussy X" trotte le long et en travers du
cerveau. « La musique crée de
nouvelles connections au niveau des neurones du cerveau ! »Ce morceau est né pendant que Spatsz cherchait ses notes. Mona
allongée dans un fauteuil, griffonnait et improvisait au micro. Et voilà ce
"Pussy X" sortie de sa plume. Avec ses cris de chatte, on peut penser
qu’ils résonnent souvent dans les soirées fétichistes. Pourquoi pas ? Mais
sans Mona qui n’est pas du tout
attirée par ces soirées noir et latex. Non, aujourd’hui Mona vit à la campagne, et préfère se lever tôt le matin avant le
réveil des oiseaux, quand il fait encore nuit.
La différence de son entre
"Try Out" et votre 3ème album "Ego Eye" est
troublante. Quelle en est la raison ?
On n'est
jamais vraiment pareil du jour au lendemain, non ! ? L’évolution
technologique aussi ! Les séquenceurs sont arrivés. Korg, Roland et
d’autres proposaient des jouets qui séduisaient les passionnés du début
électronique. Maîtres ! Des nouveaux univers à créer ! ! !
Ainsi le son
de "Ego Eye"(sorti en 86) est plus pop et la voix de Mona est plus
orientée vers la soul et le jazz cabaret. Ce n’est pas encore Nina Simone, mais bye-bye mister cold
wave. Dommage que KaS Product se
soit séparé après "Ego Eye", il aurait été intéressant de voir la direction
prise par le duo. Peut-être que Mona
se serait mise à chanter en français et en espagnol (elle le fait aujourd’hui,
mais chut, c'est encore un secret), car les textes étaient exclusivement
chantés en anglais. De plus, le tout électronique des années 90, aurait été un
laboratoire merveilleux pour Spatsz.
Comment percevez-vous le grand
chamboulement électronique commencé au début des années 90 ?
Comme une
évolution naturelle. Grâce à la technologie, pleins de gens ont pu faire de la
musique chez eux. Nous aussi, on pouvait répéter et créer sur des baffles de la
chaîne hi-fi, ce que les autres groupes ne faisaient pas à l’époque !
Mona n’a aucune nostalgie des années
80.« 80 en 2005 ? Quel
intérêt? ! Non je rigole, je ne connais pas bien les nouveaux groupes
comme Miss Kittin et The Hacker, Dopplereffekt, Cobra Killer…».
Mona préfère Mozart.« J’aime la musique des sphères, des étoiles, des oiseaux, des
villes, des moteurs de voitures ou d’avions, mon estomac… ».
Mona a de bons souvenirs des
années 80 :« Joyeux et
lugubres. Je cherchais toujours et encore à dépasser la conscience sociale et
commune. ». Et des mauvais :« Notre dernière tournée en
1987 a été trash. Un mec qu’on croyait plus que moins notre ami, nous a bassinés
pour l’organiser. Pour finir, il est parti avec la caisse, tout en ayant été
très désagréable et pour le moins très discourtois pendant la tournée. Non mais
franchement, quelle idée ! ». Mais aussi quelques lacunes :« A quelle occasion j’ai rencontré Spatsz ? Dans un lavomatique ou
était ce au cocktail célèbre et notable d’amis mondains ? Je ne sais plus,
peut être à l’agence d’emplois aérospatiale. »
On ne sait pas
grand-chose sur les divers travaux réalisés depuis la fin de KaS Product en 1987, à part que Mona a chanté sur l’album
"Organique" de Zend Avesta.
Mais elle reste vague et très discrète sur le sujet.« J’ai eu la joie de
faire l’expérience de chanter live avec un quatuor à cordes, mélangé à de la
guitare et de la clarinette. »KaS
Product a aussi eu une proposition pour un spectacle de danse
contemporaine, mais qui n’a malheureusement pas abouti. Et c’est bien dommage
car son univers musical collerait très bien à un spectacle de danse. Je pense
notamment aux Ballets C de la B, la
troupe d’Alain Platel avec son côté
défricheur de chemins de traverse. Par contre des extraits issus des trois
albums ont été utilisés dans des films et reportages, dont un sur l’actrice/DJ Asia Argento. Leur titre "So Young
but So Cold" a donné le nom à la compile réalisée par Marc Colin de Nouvelle Vague,
qui reprend le meilleur de la scène underground française de fin 70/début 80,
sans Marquis de Sade dont KaS Product avait assuré la première
partie de la tournée 81.
Comme KaS Product à pas mal roulé sa bosse, avez-vous un petit conseil
pour les jeunes qui débutent pour écrire une bonne chanson rock ?
Pour moi un bon tempo avec un
gros son de synthé, vibrant sur quelques notes, pour que je puisse partir en
improvisation vocale.
Quelle est votre réflexion sur l’être humain ?
Il sait qu’il ne sait pas qu’il
ne sait pas, mais il ne sait pas qu’il sait qu’il sait.