Après avoir publié la B.O. du film Viens, mon amour de John Sone (1), le label québécois Trésor National poursuit son investigation musicale dans
l’underground et la marge au Canada et plus particulièrement au Québec, avec
une compilation qui regroupe 13 artistes de la scène punk rock local époque
1979 à 1987. Au sommaire il n’y a que de l’obscurs, du rare avec des groupes
qui ont publiés au mieux un album avec une sortie confidentielle, le plus
souvent un ou deux single, ou un unique morceau sur une compilation punk. Le
choix des 13 groupes a été fait par Pascal
Pilote, collectionneur, archiviste, animateur de l’émission Mondo P.Q. et Sébastien Desrosiers, animateur à la radio communautaire
montréalaise CIBI. En fin connaisseurs,
avec une oreille alerte, les deux fans biberonnés au punk nous gâtes avec une
sélection pertinente qui va ravir tous les amateurs des styles after/post punk,
new/synth wave et power pop teinté de
glam rock avec des paroles en anglais ou en français. Voici la liste des 13
groupes dans l’ordre d’écoute : Vex,
Leyden Zar, Pop Stress, Les Frères Pogo,
The Chemicals, Blue Oil, Magnum, Demars, Pop Stress, The Wipers (à
ne pas confondre avec Wipers, le
groupe de Portland), Kaméléon, The Plugs, Ralph Mashats. A l’intérieur de la pochette vinyle, il y a un
livret format A4 de 16 pages avec une petite bio (en français et en anglais) sur
chaque groupe. Le livret à la typo fanzine tapé à la machine et photocopier est
de bon esprit DIY. Les morceaux ont été remastérirés, ainsi le son, malgré les
différentes sources est excellent. Que dire de plus, à part que de vous
encourager à vous procurer au plus vite cette compilation, du moins si vous
êtes amateur du punk rock des années 80, style Devo, Wire, The Stranglers, Ultravox …
MES DISQUES A EMPORTER SUR UNE ILE DÉSERTE: Chronique
n°9
Mon sac de disques à emporter loin des bruits de la
ville, se remplit petit à petit. Heureusement, pour l’instant mon sac en
plastique de la librairie Parallèles avec le dessin de
Frank Margerin n’est pas encore
plein. Je peux encore y glisser un neuvième album, c’est Choose Your Own Adventure, le premier long forma du groupe Vanishing Twin. En 2016, c’était mon
album de l’année. En le réécoutant pour écrire cette chronique, il est clair
que ce disque est important pour moi, car j’y trouve tout ce que j’aime dans le
rock indé :
musique cosmique, aérienne et pop qui se mélange avec finesse, au krautrock, la BO
de film imaginaire, Library music et expériences psyché jazz mental et
sensorielles. Avec Vanishing Twin, l’Objectif
lune est atteint !
J’ai découverts le groupe grâce à une newsletter du
distributeur français pour informer de la sortie de l’album, avec un lien sur
un titre. Je l’écoute, c’est un coup de cœur immédiat. Je reçois quelques
jours plus tard l’album en CD. Ci-dessous la chronique que j’ai écrite pour
Abus Dangereux et foutraque.com :
« Quand un album séduit dès les
premières notes, autant le dire de suite, on jubile à l’idée que l’on va passer
un moment agréable. C’est le cas pour ce premier album de Vanishing
Twin, avec en ouverture le magnifique Vanishing Twin Syndrome
(en traduction, "la lyse d’un jumeau" = la mort d’un embryon au cours
d’une grossesse). Malgré le sujet pas du tout réjouissant (le titre du morceau
et le choix du nom du groupe), leur musique est quant à elle d’une beauté
exquise, du moins si vous êtes amateur de pop éthérée (Stereolab/Brodcast/Death
And Vanilla), d’expérimentions sonores et minimalistes (Add N
to (X)/Beak>/Philip Glass/Pierre Henry), de krautrock raffiné (NEU
!/Harmonia) et de musique lounge extraite d’une compile de Library
Music.
Le groupe s’est formé à Londres en 2015
autour de Cathy Lucas, que l’on connait sous son projet d’Orlando.
Sur l’album elle est en bonne compagnie avec Valentina Magaletti
(également batteuse dans The Oscillation), Elliott
Arndt, Phil M.F.U. (Man From Uranus) et Susumu Twin
(Playgroup, 2 Many DJ’s, Zomgamin) pour à l’arrivée former un vrai
groupe. Ensemble, les musiciens ont composé 9 morceaux (8 sur la version
vinyle) qui mélangent expérimentations et mélodies. Chaque titre est un voyage
sonore (grâce à l’instrumentation très riche) que l’on a envie de partager avec
le plus grand nombre. Car Vanishing Twin a l’art de composer
des morceaux complexes tout en restant mélodiques et frais, pas un seul instant
prétentieux. Chez eux expérimentations et jazz riment avec pop music. Avec
cette ouverture d’esprit, pas étonnant qu’ils se retrouvent non pas sur un
label de musique indé, mais sur SoundWay Records, un label spécialisé
dans la réédition des musiques africaines. Enfin notons le soin particulier
pour les visuels (entre Blue Note et Ubu Roi) pour les
pochettes, les vidéos. Bref chez eux tout est parfait. Ce premier album vous
est chaudement recommandé. »
Pour compléter ma chronique,
voici une interview que j’ai réalisé en 2019, lors de la sortie du deuxième
album The Age Of Immunology (Fire Records).
D’origine française, Elliott Arndt(percussions, flute, roue…) a répondu en français à mes
questions. Merci à Alice de Fire Records pour son aide logistique.
L’interview a été publié dans le fanzine Abus
Dangereux face 151, juillet/septembre 2019.
Vanishing
Twin a la particularité d’être un collectif composé de musiciens jouant dans
d’autres formations. Vous pouvez nous présenter la formation 2019 qui a composé
le 2ème album ?
La formation présente, qui n’a pas changé depuis la sortie
du premier album, est constituée de Cathy
Lucas, Valentina Magaletti, Phil MFU, Susumu Mukai et Elliott
Arndt. Nous avons fait appel au fabuleux Syd Kemp pour remplacer Susumu
à la basse sur quelques dates lorsque Su
tournait avec Floating Points. Au
tout début, il y avait Charlotte
Hatherley à la basse, puis Ross
Blake et Coral Rose.
Venant
tous de diverses formations, comment arrivez-vous à composer pour Vanishing
Twin, sans tomber dans une anarchie sonore ?
L’anarchie sonore on aime ça. Cathy
a toujours été sur l’avant des opérations. C’est elle qui avait composé une
bonne partie des morceaux sur le premier album. Depuis, on a beaucoup tourné et
joué ensemble, et on a commencé à développer une identité sonore, et une
manière d’adapter des compositions orchestrales et expérimentales pour la
scène. C’est ce travail de groupe qui a donné naissance à la plupart des
morceaux sur The Age Of Immunology.
Quels sont les instruments que vous utilisez ? Il y a
j’imagine des instruments des années 60, 70 et 80 que vous avez chinés ?
On est toujours à la recherche de sonorités qui évoquent un monde parallèle.
Par exemple traiter les instruments traditionnels d’une nouvelle façon, soit
dans la manière dont ils sont joués, ou dans la manière dont ils sont
enregistrés. Nous utilisons pas mal de matériel analogique pendant le processus
d’enregistrement, parfois jouant avec la vitesse des bandes, ou en créant des
chaines d’effets. On a tendance à faire voyager notre son à travers des fils,
des ressorts, des bobines, ou à travers l’air de la pièce. C’est une recette
plus originale que les effets digitaux, à notre gout. Nous collectionnons aussi
les instruments étranges. Chacun d’entre nous à une collection d’une sorte ou
d’une autre, que ce soit des vieilles boites à rythme, des gongs, des flutes.
On a aussi conçu et commandé deux nouveaux instruments récemment. L’un est une
sorte de carillons monté sur une roue, qu’Elliott
utilise sur scène, et l’autre est un séquencer optique – en forme de roue
aussi – encore au stade de prototype. Les deux instruments ont été fabriqués
par notre ami ingénieur Youssef Ibrahim.
Vos ambiances évoquent le monde « aquatique » ou« spatial ». La recherche d’un état de
trance, de groove posé sont-ils des éléments majeurs dans la construction de
vos morceaux ?
Le nom « Vanishing Twin » décrit le procédé par lequel Cathy a absorbé sa jumelle identique alors qu’elle n’était qu’un
fœtus. Elle est devenue obsédée par les implications symboliques et
mythologiques qu’évoquent cette absorption, avoir quelqu’un d’autre dans soi :
on peut être deux personnes à la fois et exister sur multiples plans. Une bonne
partie de nos chansons invoquent cette approche amphibie, dans les textes mais
aussi conceptuellement, cherchant d’autres mondes, qu’ils soient cosmiques ou
aquatiques. Notre musique a toujours eu une qualité évasive et un vrai
caractère qui se rapproche de la synesthésie.
Votre
musique a aussi des résonances très cinématographiques. D’ailleurs vos clips
(ainsi que vos pochettes de disques) ont une touche entre les films pop
swinging London mais en noir et blanc et les films muets où le Bauhaus et le
constructivisme n’est pas loin. Vous avez des contacts dans le circuit du
cinéma, des projets de bandes originales de films ?
J'ai fait une école de cinéma à Londres et travail entre autres
en tant que réalisateur. On aime s’occuper de toute l’esthétique du projet
nous-même. Il était normal que je me charge des clips. Cela à beaucoup informé l’image du projet, et vice versa,
étant donné que la musique s’y prête aussi bien. Nous écoutons beaucoup de BO
et nous avons très envie d’en composer, mais l’occasion ne s’est pas encore
présentée.
Des membres
de Vanishing Twin participent au collectif HA HA Sounds. Vous pouvez nous parler
de ce projet étonnant, la vocation de ce collectif ? Qui du groupe y participe
?
Avec Cathy et Phil je participe a ce projet. C’est un projet de chorale écologique et expérimentale qui
rassemble de nombreux musiciens de la scène londonienne. Le premier projet de HAHA Sounds était de reprendre le
fameux album de David Axelrod,Earth Rot. Chose faite, le répertoire ne
cesse de s’élargir et compte maintenant des morceaux de Cortex, des parties de la BO de Touki Bouki, entre autres.
Le titre de
votre nouvel album fait référence au titre du livre de David Napier. Vous
pouvez nous parler du choix du titre, ce que vous évoquent le thème du livre
qui parle d’hypnose ?
L’anthropologiste médical David Napier a publié son livre The
Age Of Immunology en 2003. Dans cet ouvrage, il explore l’idée que
l’immunologie (survivre à travers l’élimination de l’autre) a infecté tous les
aspects de notre société. Dans une ère ou les frontières se solidifient et les
identités se fixent, ce livre nous paraît au plus pertinent. Cet album est une
célébration de l’hybridité, de la contamination et de cet « autre ». Ce n’est
pas la première fois que Vanishing Twin
se sert de la biologie pour reformuler leur mythologie du monde. Apres tout, la
grossesse est l’acceptation ultime d’un « autre ».
Comment
avez-vous abordé la création de l’album The
Age of Immunology ? Racontez-nous votre manière pour composer un morceau ?
Nous n’avons pas encore de recette pour la composition. Nous
n’en aurons jamais, d’ailleurs. Mais cet album nous a prouvé l’efficacité de
l’expérimentation en groupe et des studios éphémères. L’aspect collectif de Vanishing Twin nous a naturellement
mené vers une approche libre et périphérique à la composition. Nous entamions
des sessions d’improvisations dans un studio, ou sur scène, qu’on retravaillait
ensuite séparément, chez nous, ou en tournée, à deux, ou trois, parfois menant
à un collage sonore de provenances très variées, géographiquement, mais aussi
au niveau des outils utilisés, les méthodes d’enregistrements, etc. Par
exemple, le premier morceau de cet album, KRK,
tire son nom de l’ile croate sur laquelle nous donnions un concert. Pendant les
balances, nous sommes parti dans une longue improvisation, que nous avons
enregistré par chance sur un iPhone, qu’on a ensuite retravaillé a Margate,
puis mixé avec Malcolm Catto à
Londres, et masterisé par Sarah Register
a New York.
Pour clore ce spécialVanishing Twin, le groupe
sera en live stream le 20 janvier 2021. Billet pour assister à ce live "période
pandémie mondiale" ici : https://noonchorus.com/vanishing-twin/