lundi 30 novembre 2020

DES JEUNES GENS MODERNES "Volume 3" (Kwaidan/Beatitude agnès b. Musique) – 27 novembre 2020


En février 1980, le groupe rennais Marquis de Sade fait la Une du magazine Actuel sous le titre « Les jeunes gens modernes aiment leur maman »


En avril 2008, la Galerie du jour agnès b. réalise à Paris l’exposition Des Jeunes Gens Mödernes. Cette expo géré et mit en forme par Jean-François Sanz permet de montrer à partir d’œuvres graphiques et sonores la scène musicale française (groupes, labels, graphistes, photographes, cinéastes, stylistes, journalistes gonzo et électrons libres dans les fanzines/magazines et radios libres), orienté post punk, cold/new wave et novö music de l’époque 1978-1983. 



Un magnifique catalogue (Naïve/galerie du jour) et un album compilation (le volume 1 publié en vinyle par Born Bad et en double CD par Naïve avec 40 groupes) regroupent les principaux acteurs de cette épopée : Elli & Jacno, Kas Product, Marquis de Sade, Charles de Goal, Tokow Boys, MKB, Guerre Froide, Étienne Daho, Ruth, Marie et les Garçons, Mathématiques Modernes...


En 2015, le label Born Bad poursuit avec l’aide de Jean-François Sanz le défrichage avec la publication d’un Volume 2, avec 13 groupes, dont X ray Pop, Meca Rythm, Radio Romance, Frantz Kultur & Les Kramés, Les Fils de Joie, Les Stagiaires. Toujours en 2015, Jean-François Sanz publie un DVD (chez UFO distribution) avec un documentaire de 80 minutes qu'il a réalisé à partir de 60 heures d’interviews et 120 heures d’archives. Autant dire qu’il a fallu compresser sans retenu les images recueillies, d’où un montage très « cut ». Une bonne partie des personnalités de l’époque sont interviewées (dont certains sont morts depuis la réalisation des interviews) : Patrick Eudeline, Philippe Pascal (RIP) et Frank Darcel de Marquis de Sade, Étienne Daho, Elli, Jacno (RIP), Daniel Darc (RIP), Edwidge Belmore (Mathématiques Modernes) (RIP), F.J. Ossang (MKB), Marie France, Philippe Maujard (Ubik), Fifi Chachnil, Patrick Vidal, Marc Caro, Denis Bortek (Jad Wio), Reed 013 (Norma Loy), Lio, Maurice G. Dantec, Kiki, Loulou Picasso et Jean Rouzaud (Bazooka), Jean Eric Perrin (Best), Michel Esteban (Ze Records), mais aussi le poil à gratter JB de Born Bad. Ils répondent au sujet du terme « Jeunes gens modernes », des clivages province/Paris, les soirées au Palace et au Bains Douches, le fait qu’il n’y est pas réellement de scène, mais plutôt un vivier créatif de tous bords chez ces jeunes activistes. Ainsi beaucoup de souvenirs viennent alimenter cette période « made in France » riches en créations artistiques. Les interviews sont illustrées avec des extraits d’images d’archives (passages télé, extraits de films -La Brune et moi, Punk?- et archives personnelles) souvent inédites. Pour la sortie de la compilation et du DVD, le groupe Kas Product avait fait un concert à Rouen au Centre Culturel André-Malraux et à Paris au Point Ephémère avec Zombie Zombie.


Cinq années plus tard, voici le Volume 3 édité par le label Kwaïdan Records. Jean-François Sanz est toujours là pour la sélection des morceaux et pour les textes notes sur les groupes, mais cette fois-ci il est aidé de Marc Collin qui connait aussi un rayon sur le post punk et la new wave. Il est entre autre le boss du label Kwaïdan Records et le grand manitou du groupe Nouvelle Vague, spécialisé dans les reprises des années 80.

Au sommaire de ce double album vinyle (il n’y a pas de version CD) avec 24 groupes, on trouve le meilleur de l’obscur, mais aussi des références dans les styles post punk, cold wave/gothique, novö music, électro pop paru dans la France présidentielle de l’accordéoniste Valéry Giscard D'Estaing puis de François Mitterrand qui a nommé un vrai ministre de la culture, Jack Lang (c’est triste, mais à ce jour on n’a pas fait mieux que lui), soit la période 1978 à 1983 avec l’explosion des radios libres (une pensé à La Voix du Lézard et Radio 7). Au programme des réjouissances il y a du côté de l’obscur : Analoid, Alena, Abitbol & Despériez, Les Magistrats de Syracuse, Codek, Tintin Reporter, Elise Cabanes, Les Stagiaires, Les Anonymes, Takenoko, Megaherz, Performance, Spleen Ideal, Berlin 38, Jours Meilleurs, Raison Pure, Atom Cristal et des références incontournables qui étaient déjà présentes sur les deux précédentes compilations : Martin Dupont, Warum Joe, Tokow Boys, X Ray Pop, Opéra de Nuit, Nini Raviolette et Oto. A part Swinging Pool de Tokow Boys et Anyway d’Oto, le reste de la sélection c’est du très rare, avec des groupes qui n’ont publié qu’un 45t, qu'une K7, un morceau sur une compilation à petit tirage, voir rien. Et pour les groupes qui ont une discographie plus conséquente, le morceau choisi est soit inédit, comme c’est le cas avec Nice Boy de Martin Dupont, ou provient d’un 45t devenue collector, donc hors de prix. Comme les morceaux viennent de divers supports, l’artiste, compositeur et technicien Norscq (ex The Grief) a restauré et remastérisé le son pour le confort de nos oreilles. De par les moyens techniques pour ces jeunes groupes, les musiques et les voix ont parfois un son DIY, lo-fi artisanal, comme enregistré dans le garage situé au sous-sol de la maison familiale, ce qui n'est pas pour nous déplaire. Certes tous les groupes n’ont pas bien vieilli, mais l’ensemble est plaisant à écouter, ça  reste le témoignage, une archive d’une époque, du moins si on est amateur du style cold et new wave 80, car ici le synthétiseur est à la fête ou la cérémonie, au choix.
A la question : « Les jeunes gens modernes des années 80’s, sont encore modernes ? ». A vous jeunes amateurs de musiques exigeantes et obscures de trouver la réponse en écoutant la sélection érudite de Jean-François Sanz et Marc Collin.  

Tintin Reporter

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dimanche 29 novembre 2020

MASSIVE ATTACK "Blue Lines" (Wild Bunch Records/Circa Records/Virgin Records) – 8 avril 1991


MES DISQUES A EMPORTER SUR UNE ILE DÉSERTE: Chronique n°2

Après l’album Drums and Wires d’XTC (1979), j’ai choisi d’écrire quelques lignes sur Blue Lines de Massive Attack, un album charnière dans ma culture musicale. Cet album est sorti en avril 1991, c’est le premier long format de ce groupe de Bristol né du réseau du soundsystem, et qui s’est formé en 1988.

A noter que cet album est sorti lors du conflit de la guerre du Golfe. Pendant quelque mois, Massive Attack a du s’appeler Massive pour ne pas avoir de souci. Le mot Attack dérangeait les autorités. Il existe des pochettes de l’album qui n’ont que le mot Massive sur le recto.



Blue Lines va transformer ma culture musicale. Avant 1991, j’écoutais principalement de la musique rock indé et plus particulièrement de la new wave, du punk, du gothique, de la noisy pop, de l’indus, de la noise et du HC. J’écoutais peu de musique "noir/afro". Juste quelques morceaux de rap old school (Grandmaster Flash, The Surgarhill Gang) grâce à Rapture de Blondie et à Wordy Rappinghoud de Tom Tom Club, un peu de disco style Donna Summer et c’est tout. La musique de Massive Attack m’a ouvert sur le hip-hop (Arrested Developement, De La Soul, A Tribe Called Quest, Dream Warriors) , la funk/blaxploitation (Issac Hayes, Quincy Jones, Curtis Mayfield, Marvin Gaye, Roy Ayers), la soul (The Temptations, Cymande, The Meters, Lonnie Liston Smith), le dub (Horace Andy, Augusto Pablo, King Tubby, Lee Scrach Perry) les BO de films (Lalo Schifrin, Roy Bud, Ennio Morricone -avant je ne connaissais que sa musique pour les films de Sergio Leone-), l’easy listening, bref les 9 morceaux de cet album m’ont ouverts un large univers musical et à ce titre, je ne remercierais jamais assez Rober Del Naja aka 3D, Grant Marshall aka Daddy G, Andrew Vowles aka DJ Mushroom et par la suite Tricky (présent sur l’album Protection -1994-) dont je vais suivre de prêt sa carrière en solo.

Je ne sais plus comment j’ai découverts ce groupe, vu qu’en 1991 j’étais plutôt dans le style Jesus Lizard, Big Black, Sonic Youth, Melvins, Cop Shoot Cop, Unsane et Cows. Surement avec le bimestriel Les Inrockuptibles (mais le n°38 avec PJ Harvey en couverture est sortie en juin 1992) et le clip du morceau Unfinished Sympathy où l’on voit en plan séquence Shara Nelson marcher d’un pas décidé dans l’avenue Peico à Los Angeles, qui m’a séduit. Un peu de douceur sonore, mais avec de la rébellion en retenu, dans ma tête remplie de bruit et de larsen, ça ne faisait pas de mal. J’ai acheté l’album en CD, surement à la Fnac des Halles ou en occas. à Parallèles. Il a beaucoup tourné sur ma platine CD, car il ni a aucune faiblesse sur cet album, les 9 morceaux s’enchainent comme si on visualisait un film sans temps mort, avec un suspens qui nous tient en haleine. Shara Nelson et Horace Andy sont les invités de cet album. C’est d’ailleurs Blue Lines qui va faire connaitre Horace Andy à un public plus large que celui du reggae dub. En 1996 Melankolic, le label de Massive Attack va publier la compilation Skylarking. Horace Andy sera un invité récurant dans les albums suivants de Massive Attack

Sortir Blue Lines en 1991 était un coup de grâce coincé entre la britpop anglaise et le grunge américain. Cet album ne restera pas longtemps orphelin et va être le point de départ d’un nouveau courant musical que l’on va appeler trip-hop, soit un  mélange de hip hop, de soul à la cool avec de l’électronica, teinté de BO de films et des breakbeat pépères. Dans le lot, se sera surtout Portishead qui va tirer son épingle du jeu. 


Je m’étonnais de découvrir la musique "black" grâce à Massive Attack, tout comme je vais être étonné de découvrir qu’ils sont des fans d’after punk et de new wave, jusqu’à inviter Elizabeth Frazer du groupe Cocteau Twins sur l’album Mezzanine (1998) pour chanter sur trois morceaux. Dans les années 80, les Cocteau Twins, comme une grande partie des artistes du label 4AD me feront passer une adolescence plus heureuse. Inutile de préciser que les tournées qui ont suivi la sortie de l’album Mezzanine ont fait fantasmer de nombreux spectateurs dans l’espoir de voir Elisabeth Frazer sur scène avec Massive Attack, vu que Cocteau Twins s’est séparé en 1997. Cela s’est fait pour la tournée de 2019 qui fêtait les 20 ans de l’album.

J’ai vu à trois reprises Massive Attack en concert à Paris. Le 30 mai 1998 à La Mutualité, le 10 novembre 2009 au Zénith et le 27 août 2016 à Rock en Seine. A chaque fois j’ai été bluffé par le spectacle visuel et le professionnalisme plutôt détendu des deux leaders 3D et Daddy G qui viennent de temps à autre prendre la température sur scène entre le passage de deux invités.

En 2012, le groupe réédite Blue Lines en double vinyle dans un box cartonné avec en plus le CD, le DVD et un poster. Le son du vinyle est irréprochable, la pochette en gatefold est magnifique, par contre il n’y a aucun morceaux inédits, pas de démos, ni de live, non juste les 9 morceaux intemporels de cet album majeur sorti au tout début des années 90, soit bientôt 30 ans. Le temps défile à une vitesse et certains disques comme Blue Lines n’ont aucune trace d’usure du temps. Ces disques (sa fonctionne aussi pour le cinéma) sont des classiques à transmettre de générations en générations.

https://www.discogs.com/fr/Massive-Attack-Blue-Lines/release/65754

https://www.massiveattack.co.uk/