samedi 4 juillet 2020

CAMELEON RECORDS : Un label de réédition de disques qualité « Made in France ».


Il y a trois ans pour le fanzine Abus Dangereux, j’ai réalisé une interview de Claude Picard, le boss du label Cameleon Records. C’était au moment de la compilation Thesaurus Vol 1, référence CAME 47. Depuis il y a eu 3 autres volumes de Thesaurus et la dernière parution en date est le 45t de The Other Half référence CAME 83 soit prêt de 40 sorties en trois ans, autant dire que l’ami Claude Picard ne chôme pas ! Parmi les disques qui sont tous de qualité, notons les sorties de Kim Fowley, Kamera, Le Bain Didonc, Didier Boquet et le coffret 8 EP De la Pure Cam !!
Comme j’ai créé mon blog le 23 mai dernier, j’ai envie de sortir de temps à autres de mes archives quelques interviews, histoire de redonner un coup de projecteur aux personnes qui font tourner la roue du vinyle avec idée et talent. Le label Cameleon Records en fait partie.









 

L’interview a été publiée dans le fanzine Abus Dangereux face 144 d’octobre 2017.



Cameleon Records est un label parisien spécialisé dans les rééditions de disques français introuvables. Du punk au rock garage en passant par le hard et la new wave, le Cameleon réédite l’obscur de 300 à 500 exemplaires, histoire de redonner une seconde chance à ces groupes oubliés (Angel Face, Les Krash, Les Jerrys, Gazoline, Ted Destroyer…), le tout enveloppé dans de belles pochettes. Bref du beau travail digne « des compagnons du devoir ». Claude Picard, le gérant de cette belle aventure répond à nos questions.


Vous pouvez en quelque mot vous présenter, vous êtes combien dans le label et qui fait quoi ?
Je suis tout seul pour diriger, mais beaucoup de personnes, les « Camis », m'aident en toute amitié dans mes projets.

 
Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer ce label et pourquoi ce nom Cameleon. Le label existe depuis quand ?

Le nom Caméléon pour le don de "copie" de cet animal, vu que le label s'occupe essentiellement de rééditer des disques ayants existé, du moins pour la plupart puisque je sors aussi des inédits maintenant.

Cameleon Records est une division de Vinyl Vidi Vici Records. C’est quoi exactement Vinyl Vidi Vici, et pourquoi créer une division ? C’est quoi les différences entre ses deux structures ?
J'ai commencé il y a une dizaine d'années avec un site encyclopédique appelé 45vinylvidivici.net qui recense un maximum de 45tours en pressage français de 1956 à nos jours. Puis j'ai créé le label VinylVidiVici où j'ai sorti 8 références, groupes actuels et d'autres comme Lords, Innocents et Urbain Autopsy, déjà des bandes inédites périodes punk. Puis j'ai créé Cameleon pour ne faire que de la réédition, et vu que ce label a bien fonctionné, j'ai décidé d'arrêté le premier, aucun intérêt de garder 2 structures, je ne sortirai plus de groupes actuels, enfin je pense !

Votre label c’est spécialisé dans la réédition de disques devenus introuvables ou jamais sortis à leur époque. Comment ce fait le choix/critères des disques à rééditer ?
Le choix se fait sur 3 critères. Le plus important est musical, faut que cela me plaise, ensuite remettre cette production dans son contexte, à savoir l'année donc sa pertinence et le dernier c'est sa rareté.

Vous pouvez nous présenter en quelques mots la couleur de votre catalogue (groupes/artistes/styles), les meilleures ventes ?
Je fais dans le rock sous toutes ses formes, mais je ne suis pas dans une bulle, j'écoute de la musique funk, soul, Ethiopienne, barrée, expérimentale, mon catalogue parle de lui-même. Je n'ai pas, disons plus beaucoup de frontière. Les meilleures ventes est une phrase à plusieurs facettes, cela peut-être pour moi un disque qui se vend en une journée comme ce fut le cas de la réédition du Marie-France, mais cela peut-être aussi le Jerrys, groupe inconnu vendu en 3 semaines. Mais c'est aussi un projet de longue haleine, musique pas facile et qui se vend au bout de 3 ans, je suis très content aussi.

Parmi toutes ses sorties, quelle a été la plus compliquée à mettre en place ? Et même si le choix est dur, de quelle sortie êtes-vous le plus fier ? Et pourquoi ?
La plus compliquée fut le Ted Destroyer, il a fallu beaucoup de patience et d'insistance, mais ce disque est une bombe punk, fallait pas lâcher. Je suis content pour TOUTES mes sorties, je ne fais pas cela au p'tit bonheur la chance, j'y pense tout le temps, je réfléchis sur la faisabilité, ce qui va me contraindre ou pas, puis la recherche des membres qui parfois peut prendre beaucoup de temps, mais qui est passionnant puisque vous tombez sur des types qui ont participé à tant de projets que personne ne connaît. C'est incroyable ce qui existe dans ce pays et qui croupis dans les caves et les greniers !



Vous venez de publier une compilation du label DMF. Vous pouvez nous parler de ce label, comment avez-vous fait la liste des artistes présents sur la compile ? Vous avez réussi à récupérer de nombreux originaux de ce label ? Un petit mot également sur la pochette que je trouve magnifique.
Ce label normand a produit environ 250 de références en 10 ans d'existence. Parmi ces productions, il y a une trentaine de EP disons pop/rock, pas plus. Mais il y a là d'excellentes pépites qui vont du twist, surf au garage beat de haute tenue.  Ces disques sont tous connus des collectionneurs. Pour ma part, j'arrive uniquement en compilateur pour faire en sorte que cela soit connu un peu plus auprès du public. Et aussi amener un peu d'histoire inconnue, mais je ne suis nullement un spécialiste, au contraire, j'ai besoin de tous ces gens qui ont travaillé avant moi sur ces labels. Il y a un énorme travail à faire, regrouper ce savoir et essayer humblement de le faire partager.

Dans votre catalogue on trouve le coffret « fait main » "De La Came Punk". Vous pouvez nous raconter l’histoire de ce disque, le choix des groupes, de la conception de l’objet ?
Ce coffret comportait 3 disques également disponibles à l'unité (les 2 Gazoline et le Marie-France), j'ai rajouté un EP spécialement pour ce coffret à 100 copies. Man Ray et Painhead sont 2 groupes sur scène en 1976, enregistré par Pascal Régoli d’Angel Face. Le son n’est pas top, mais on sent l'énergie punk, et franchement, il n'existe pas beaucoup de document sonore en France à cette époque avec cette sauvagerie punk. Voilà la pertinence dont je parlais plus haut, l'année, le style et le contexte. J'ai fabriqué et peint les 100 coffrets moi-même. Et rajouté aussi un titre inédit de A Trois Dans Les WC et un de Nuit Moderne sur le EP.



Les artistes que vous éditez sont généralement obscurs. Malgré on trouve en 45t, Chuck Berry et Eddy Cochran. Comment s’est passé les ayants droit, et pourquoi ce choix de disques, car il existe beaucoup des 45t de rock’n’roll fifties ?
Ces 2 artistes sont essentiels, et je dois dire qu'à force de me replonger dans leur musique, je comprends qu'ils soient si admirés. Ca n'a pas pris une ride. Idem pour le Miracles, franchement, 1961 ! Quand on écoute ça aujourd'hui c'est incroyable cette puissance. J'avais travaillé au départ sur les EP extrêmement rares parus en France et libres de droits de productions puisque paru avant 1962. Trois s'en sont détachés sur une vingtaine, ceux encore possible ce sont les Wanda Jackson, pas des grosses pièces, mais tellement bons !

Suite à vos sorties, il y a eu des reformations de groupes, voir juste le temps d’un concert ?
Pas à ma connaissance, mais beaucoup jouent encore, comme Eric Fournets de Teenage Head sous le nom de Ricky Amigos, Eric de WC3 avec les Fabulous Mods, Beb de Soggy qui a fait une tournée aux USA avec les Shrines, Holocauste sous le nom des Mansis, la plupart continuent.

Donc vous rééditez à petit tirage des disques épuisés. Du coup vos premières références sont également presque toutes épuisées. Ne trouvez-vous pas que c’est le comble ! Du coup vos disques seront également vendus chers sur Ebay, alors que justement vous faites des rééditions pour que le consommateur trouve ses disques à prix correct. Qu’en pensez-vous ?
Non tirer à 300 et en moyenne à 500 copies n'est pas un petit tirage aujourd'hui. Faut savoir que la plupart des labels comme le mien tirent à 500, et les grosses boîtes avec leur singles, tirent aussi de 500 à 1000, guère plus. Vendu chers sur Ebay, non, se payer une réédition à 30€ alors que l'original est à 800€, cela reste honnête. Je ne sais jamais à l'avance ce qui va fonctionner. Mais il est évident que toutes les références auront une petite côte à un moment, vu que c'était le cas avec les originaux

En Espagne il y a le label Wah-Wah Records qui réédite aussi des disques. Vous êtes en contact avec eux ? Vous pensez quoi de leur catalogue ?
Je n'ai que rarement des contacts avec les autres labels, j'ai déjà à peine le temps pour le mien… Je ne fais pas spécialement dans l'international, c'est de l'opportunité si j'ai sorti les Degrads ou Anti-Social, je ne me compare pas avec ces labels, je reste une petite structure, c'est un choix.

Dans le futur, pas envie d’éditer un jeune groupe actuel ?
Non, je n'ai pas la capacité de le faire, c'est un travail à temps complet.

Comment voyez-vous le développement du label pour les années à venir ? Arrivez-vous à vivre de votre label, ou bien c’est une activité parallèle ?
Je travaille dans le bâtiment, le label qui est une association  loi 1901 est une passion, l'argent récolté finance les projets, c'est très simple. Je pense ralentir la réédition pure et simple, et travailler sur les compilations THESAURUS, histoire que tout le monde puisse avoir un accès à ce qui a été produit en France mais qui est resté confidentiel. De plus c'est un travail passionnant quand on écrit les histoires de ces groupes.

Un message à passer à nos lecteurs ?
Je recherche tous les gens qui ont participé de près ou de loin à des groupes, qui détiennent des bandes, vidéos, cassettes, même de répétitions, et dans tous les styles musicaux, de 1958 à 1990. Ne pas penser que cela n'intéresse personne, que ce n'est pas bon, aucun intérêt de nos jours. Une écoute extérieure peut parfois présager d'un projet sérieux. Les Blue Shades avaient des bandes datant de 1965, un album est sorti en 2017.


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