On ne présente plus Blixa Bargeld, où alors si. Je profite de cette chronique pour écrire quelques mots sur lui, vu que c’est le leader d’un des groupes qui m’a le plus marqué, accompagné dans mon parcours, vie musical. Le groupe c’est Einstürzende Neubauten, qui fait partie des fondateurs du genre "musique industrielle". Avant leur création en 1980, il y a déjà Cabaret Voltaire et surtout Throbbing Gristle qui ont donnés les bases, déblayé le terrain de ce que l’on allait appeler la musique industrielle. Pour devenir fan, voir juste écouter pour la première fois la musique d’Einstürzende Neubauten, il faut déjà avoir une oreille averti. Écouter l’album Kollaps (1981) est une expérience en soit, car entre les bruits, sons et notes (si si) des outils de chantier (perceuses, marteaux, scie circulaire et divers barres en métal, -voir la photo au dos de la pochette-), plus les cris et le chant en allemand de Blixa, c’est soit une belle découverte ou soit une épreuve, c’est selon chacun. Mais une fois entré dans la musique de Neubauten, -le tube Yü-Gung (1985) avec son rythme obsédant et dansant est une bonne porte d’accès, ainsi que le morceau Collapsing New People (Berlin Mix) de Fad Gadget où les percussions métalliques de Neubauten font des merveilles pour ceux qui aiment danser tard dans la nuit- c'est tout un monde qui s'ouvre à nous. Au fil du temps et des albums, la musique de Neubauten va s’adoucir jusqu’à nommer un album Silence is sexy (2000). Du bruit de la perceuse on passe au verre d’eau qu’on fait écouter avec un micro. Le froissement d’un papier devient même presque brutal. Quant à Blixa, il va chanter, parler d’une voix plus douce. Mais, attention, les cris stridents de Blixa, les outils métalliques ne sont pas abandonnés, ils sont plus discrets, et parfois le temps d’un morceau, ils peuvent se réveiller pour le bien de nos oreilles. Le dernier album en date est Alles In Allem sorti en 2020 (1).
Verso de la pochette de l’album "Kollaps" d’Einstürzende Neubauten (Zickzack) - 1981
Einstürzende Neubauten est le groupe que j’ai le plus vu en concerts, au minimum une quinzaine de fois, dont la première fut en 1989 aux Transmuscales de Rennes, juste après la prestation du groupe alternatif Les VRP qui interprètent Alexandrie Alexandra (sic). Neubauten, en live, c’est une expérience unique, tant musical que visuel. Voir sur scène tous le matos du groupe est déjà une œuvre d’art, c’est une installation digne d’une œuvre contemporaine. A noter qu'ils seront en tournée européenne à partir du 5 septembre 2024. Avec deux dates en France: le 26 octobre 2024 au Bikini à Toulouse et le 27 octobre à La Cigale à Paris.
En parallèle à Einstürzende Neubauten, Blixa Bargeld, a aussi été de 1984 à 2003, le guitariste de Nick Cave dans les Bad Seeds. Jouer dans les Bad Seeds lui permettait de gagner plus d’argent, réinvesti dans Neubauten. Enfin, de par sa longue carrière, Blixa Bargeld a fait de nombreuses collaborations (la liste est trop longue), dont en 2013, la bande sonore pour la pièce de théâtre Ingiuria, (je n’ai pas trouvé le nom du metteur en scène). Sur ce projet il fait la connaissance du compositeur italien Teho Teardo également aux commandes de la bande son. La bande sonore de la pièce est sorti en disque sous le titre de Still Smiling avec en prime sur l’album, les musiciens du Balanescu Quartet.
"Still Smiling" de Teho Teardo & Blixa Bargeld (Spècula) - 2013
"Nerissimo" de Teho Teardo & Blixa Bargeld (Spècula) - 2016
Teho Teardo a commencé sa carrière musicale au sein du groupe métal indus, Meathead. Ensuite, changement de registre, pour devenir compositeur de B.O. de films. Il a reçu plusieurs prix, dont le prix Ennio Morricone au festival du film italien. La collaboration entre Bargeld et Teardo se passe si bien, qu’en 2016 ils composent l’album Nerissimo, sans oublier deux EP. Avec tous ses morceaux en poche, le duo va partir en tournée européenne, dont Berlin (la ville de Blixa) et Rome (la ville de Teho). De cette tournée, c’est le concert du 6 décembre 2022 au Sonic Morgue à Berlin qui a été choisi pour la sortie physique en double album vinyle et CD, sobrement titré Live In Berlin. Notre duo est accompagné de six musiciens classiques-contemporain dont l’Oriel Quartett. A ce stade de la chronique, je n’ai pas présenté le style de musique qui jailli de cette collaboration Rome-Berlin. Nos deux compositeurs se sont rencontrés dans le milieu du théâtre, leur musique a justement un coté théâtral, à écouter confortablement dans un fauteuil en velours rouge. Blixa Bargeld est au chant, parfois proche du spoken word. Son chant est posé et mélodique. Les textes sont en allemand, en anglais et en italien. On sent son souffle, sa présence, Blixa est habité par ces morceaux composés avec Teho Teardo, ici à la guitare baryton et aux effets électroniques. Complété par l’Oriel Quartett (violons, alto, violoncelle), de Laura Bisceglia (violoncelle, cloches), Gabriele Coen (clarinette), les compos dégagent une forte présence, parfois proche du religieux. On est attentif à l’ambiance sérieuse, mélancolique des harmonies. Mélange de musique contemporaine, d’illustration sonore, une touche d’électronique, l’ensemble donne une force motrice qui communique en nous instantanément. Bref, une belle collaboration européenne. Juste une petite remarque, dommage qu’il n’y est pas dans le disque, un livret, des photos, visuelles du concert, voire de la tournée.
(1): Chronique de l’album Alles in Allem ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2020/05/einsturzende-neubauten-alles-in-allem.html
https://www.tehoteardo.com/en/specularecords/