Aujourd’hui, je vous propose un petit papier sur le
groupe Seconde Chambre, groupe noise
et cold wave d’Angers qui a existé de 1983 à 1989. Dans la première version du
groupe, il y a Jean-Pierre (chant,
guitare) et Gilles (basse) Théolier (ils sont cousins) et Patrice Cottenceau (batterie). Ensuite Dominique Gardais vient les rejoindre
pour le chant, mais son passage sera éphémère. Quand Gilles Théolier se met à la guitare, Laurent Limousin vient en renfort au poste de bassiste. A la
fin de l’aventure, le guitariste Vil
Coyote vient compléter le groupe, puis laissera sa place à Big Pat, et enfin sur le 3ème
album, Javier Maillet est de la
partie au poste de bassiste. Il y a eu du passage dans la chambre !
Sur leurs six années d’existence, Seconde Chambre a publié sur le label Divine (grâce à leurs amis rennais Complot Bronswick) le mini LP Lord Brain (1985), l’album éponyme Seconde Chambre (1986) et en CD l’album An Expensive Party (1989) sur le label Black & Noir. Malgré cette courte discographie, Seconde Chambre a laissé une empreinte fondamentale dans la musique cold et new wave mélancolique, avec des échappés noise rock, teintées de no-wave. Le fait que leur son, et surtout la voix de Jean-Pierre soit très marqué année 80, donne au groupe une patine qui fait plaisir à écouter et surtout qui garde son charme sur le fil du temps. Une des forces du groupe est le mélanger cold wave et noise, limite indus, sur des textes en anglais et surtout en français, ce qui était à l’époque pour un groupe de rock, un peu casse gueule. L’album éponyme contient six textes en français (plus un en anglais), portés par le timbre sombre, habité, parfois violent de la voix de Jean-Pierre. La basse bien en avant et les riffs de guitares bien coupantes, donnent aux compos une originalité qui en prime se bonifie au fil des écoutes. Le chant fragile, parfois théâtrale de Jean-Pierre peut agacer certaines personnes, mais perso, je trouve que ses maladresses, parti prit vocaux qui jouent avec les limites de la voix, sont un plus pour l’originalité du groupe.
Car la musique de Seconde Chambre est vraiment originale. Leurs albums ne sont pas dans une zone de confort. Après un morceau cold mélancolique, l’enchainement avec un morceau complètement noise, limite bruitiste (Un banquet de géant), peut venir semer le trouble pour finir avec un petit instrumental (la fin de la face B de Lord Brain). Les morceaux sont mélangés, pour ne pas rester dans une unité de style. Sur Lord Brain, j’ai un petit faible pour Emptiness, qui évoque Joy Division. Le morceau est suivi du très noise Therese Neumann qui aurait fait bonne figure sur le Psychocandy de The Jesus and Mary Chain, sorti la même année. Mais le "tube" du mini LP est le morceau titre Lord Brain, avec la rythmique de la basse qui casse tout sur son passage, aidé par le riff de la guitare, esprit The Banshees/Killing Joke/Warsaw et The Velvet Underground pour l’apothéose final du morceau, où le chant est également dans tous ses états. Enfin, un des charmes de Lord Brain, est le son, parfois proche de la cassette démo, lui donnant une fragilité humaine. On a peur que ça casse, qu’il va y avoir un accident à cause d’une impression de manque d’expérience. C'est ce qui donne justement toute la grandeur au disque. Ici le fil est tendu. Un peu d’inconfort donne tout son piment à cette première mise en bouche, qui fut à l’époque très apprécié par Emmanuelle Debaussart du mensuel Best. C’est d’ailleurs grâce à cette revue musicale que j’ai connu Seconde Chambre bien chroniqué dans le mensuel. Lord Brain a été enregistré et mixé à Rennes par Nicolaïs Ada, qui connait bien la cold wave française pour avoir produit Norma Loy, End Of Data, Complot Bronswick.
L’album éponyme de 1986, est quant à lui mieux produit, ce qui permet d’entrer de plein pied dans leur usine sonique, avec en ouverture l’instrumentale Karma Dance qui porte bien son titre. Victoire Prochaine est le brulot de l’album. Pas étonnant qu’en 2016, le groupe Frustration reprend ce morceau en face B du 45 tours Autour de toi. Fabrice, le chanteur de Frustration est fan depuis toujours de Seconde Chambre. Sur l’album en rapport au mini-LP, il y a plus de tensions, de chemins de traverses coupés par la chute d’un arbre. Entre les larsens, il y a de la douceur. Seconde Chambre ouvre ici sa porte, mais aussi ses fenêtres pour qu’on profite au maximum du travail sur le son, sur la complexité du cerveau pour accoucher des mélodies à la fois assassines et poétiques, comme s’il pleuvait des éclairs sous un épais brouillard. Oui, ce groupe Angevin, ne ressemble à nul autre, et il est clair qu’il y aura toujours un curieux qui découvrira ce groupe pour passer le relais, faire de sorte qu’on n’oublie pas Seconde Chambre, groupe majeur de la scène cold française des années 80.
Pour clore la chronique, en 2008, le label Brouillard Définitif publie le CD Victoires Prochaines 83-89 qui contient les trois albums, plus des inédits avec les reprises Digital de Joy Division et Decadence de Kevin Ayers. Après Seconde Chambre, nos musiciens restent connectés au rock. Patrick Cottenceau va rejoindre le groupe Dirty Hands, Jean-Pierre Théolier intègre le groupe Explosive Coolies, Gilles Théolier et Javier Maillet sont quant à eux dans le groupe Hydrolic Systems. Mais ceci nous éloigne des deux premiers albums de Seconde Chambre, que je trouve nettement plus novateur. Bref, si vous ne connaissez pas ses albums, n’hésitez pas à ouvrir la porte de cette chambre située à Angers dans les années 80.
https://brouillard-definitif.bandcamp.com/album/victoires-prochaines-83-89-2xcd
https://www.discogs.com/artist/358947-Seconde-Chambre