Après avoir ouverts les festivités en janvier 2022 avec leur premier
album explosif Songs/Revolving, le
groupe tourangeau Stuffed Foxes sort à peine 11 mois plus tard son deuxième
album Songs/Motion Return. Ces deux
albums forment un dyptique, car enregistrés lors de la même session. Même type
de pochettes avec des cartes postales/photos de tourisme/vacance, -dont celui
de Songs/Motion Return est réalisé à
partir d’une photo trouvée chez Emmaüs-, même studio d’enregistrement (Black Box au cœur du Haut-Anjou -49-)
avec le même producteur, Thomas Poli, mais pas la même musique, même si
on reste dans le noise rock. Stuffed Foxes c’est six potes qui se
connaissent depuis très longtemps, bien avant l’aventure du renard. C’est aussi
six potes qui vivent ensemble dans la même maison, comme si c’était une
communauté hippie ou bien des punks réunis dans un squat. Espérons pour eux,
que le frigo vide ou seulement remplit de bière ne soit pas leur lot du
quotidien. Bref, étant ensemble 24h/24, on imagine qu’ils se connaissent bien,
qu’ils sont très à l’aise, tant
pour créer les compos, enregistrer en studio et jouer sur scène.
Compacts et intenses, les sept compos de ce nouvel albums sont plus
direct, plus frontal, plus brutal, plus courts que dans le précédent, du moins
dans la première partie de l’album. L’aspect psyché krautrock de Songs/Revolting se fait ici plus discret
(il reste malgré toutOpiom II et Modern Mother & Gods pour méditer et s’élever vers les astres
à coup de marteau-riff- sur l’enclume) pourlaisser la place au post noise rock sous acid. C’est clair, Stuffed
Foxes a du chien, du mordant, pour nous entrainer dans leur univers sonore
ou la tranquillité estivale de la plage imprimée sur la pochette, risque d’être
bousculée par leurs riffs et rythmes situés bien loin de la surf music. Par
contre la plage de Binic (22) et son festival Folks
Blues est le lieu tout trouvé, pour tremper ses pieds sous des décibels aux
sons des pédales fuzz des quatre guitaristes de Stuffed Foxes.
Le compositeur François Merlin vient de publier son
deuxième album titré Les Magnifiques,
titre tout approprié, car le résultat musical est justement magnifique. J’en
parle ici (1). Sa musique est tellement belle et tellement cinématographique, que
j’ai voulu en savoir plus sur ses goûts musicaux. Résultat ci-dessous, avec ses commentaires sur le choix, qu’on imagine très difficile.
Ton morceau
intemporel ?
Là, tout de
suite, je pense à Roads (Dummy, -Go-Beat-2017)de Portishead.
La voix de Beth Gibbons est
indescriptible, la simplicité du tire déconcertante, les vagues de guitare et
de Rhodes hypnotiques, les cordes, les paroles… bref.
Ton album
culte de tous les temps ?
Aujourd’hui,
disons Grace (Columbia-1994) de Jeff
Buckley.
Seul disque
de son vivant et… un chef d’œuvre absolu qui donne envie de tout et son
contraire : crier, susurrer, sortir la disto, la ranger pour un jeu de guitare
tout en subtilité. Puis, les reprises qui deviennent plus Jeff Buckley que les compositions… c’est très fort.
Ton single
parfait de tous les temps ?
Méga Méga
tube : Hey Jude (Odeon-EMI-1968), les Beatles (Revolution en Face B, rien que ça). Du genre des
titres que l’on connait tellement qu’on en oublie la version d’origine.
La fin me rend fou (avec les plus célèbres paroles au monde : « Na na na
nanana »). Loin de l’ambiance de célébration festive des fins de concert
de P. McCartney et autres chants de
stades, se joue quelque chose de plus subtil lorsque l’arrangement magistral de
George Martin entre : cuivres majestueux
dans le registre grave (très très grave…), puis cordes, quelques bois et,
progressivement, une ouverture dans les aigus… Plus complexe, en lutte, ambigu
et même rageur, je ne me lasse pas de ce final.
Tes deux LP's
sont comme des concepts album. Ton concept album de référence ?
Laissons de côté les grands (et très beaux)
classiques, avec néanmoins une petite mention de L’enfant assassin des
mouches (1972) de Jean-Claude
Vannier, puisqu’il y a un clin d’œil direct à ce disque dans la plaquette
vinyle des Magnifiques : un petit conte écrit d’après la musique.
Parlons plutôt de Aus Der Reihe Derrick (Eine
imaginäre musikballade in 10 Liedern) de Tempomat (Viro Major-2022) qui compose sans moquerie aucune une
nouvelle bande originale imaginaire à la mythique série Derrick. Résultat : des titres au rythme effréné d’une moyenne de
deux minutes trente où le Korg MS 10 est roi.
Tempomat c’est, au départ, Jonathan Lieffroy (qui joue sur
quelques titres des Magnifiques) rejoint sur scène par Nicus et Fred Campo (de Frustration)
pour un ciné-concert actuellement en tournée. A ne pas manquer.
L’album/single d’un artiste/groupe français qui t’émerveille ?
Me viennent
en vrac : MDTG (2019) d’Inigo
Montoya, Amor Infini de Manuel
Adnot (2020, sublime…) et Aux solitudes (2008) de Jean-Philippe Goude !!
Toutefois,
j’arrête mon choix sur Paix (Philips-1972) de Catherine Ribeiro + Alpes pour la grande liberté d’écriture et
d’interprétations des textes pour l’époque, et pour le génie de créatif de
lutherie par l’invention de nouveaux instruments mécaniques totalement magiques
de Patrice Moullet.
Ta musique évoque les B.O. de film, musique pour
spectacle. Ta BOF ou musique pour spectacle préféré ?
Paradoxalement, j’écoute peu de B.O. Plus que la
composition musicale, ce qui me semble compter, c’est l’utilisation qui en est
faite : la répétition du thème principal et du traitement à l’image de In
the Mood for Love (2000, Wong
Kar-wai) est une masterclass dans le genre. Je pense aux B.O. du
cinéma muet bien sûr qui laisse une place première à la musique (tout Chaplin,
c’est formidable).
S’il ne faut en garder qu’une pour la sélection, je
choisis la riche BO de Wojciech Kilar
(et J. Kosma et J. Prévert pour les chansons) du Le Roi et l’oiseau (WEA-1980).
La fusion son et image est totale, ce film est un ovni.
Ta musique est principalement instrumentale, avec de nombreux instruments,
digne d’un orchestre, mais avec aussi des collages sonores. Ton album
instrumental, sonore préféré ?
Mary Casio :
Journey To Cassiopeia de Hannah Peel (My Own
Pleasure-2017) où les sons électroniques dialoguent avec des cuivres et
percussions classiques. Tout se mélange et se nourrit, c’est très beau.
Et sinon,
dans le désordre je pense à Never Were the Way She Was (2015) de Colin Stetson & Sarah Neufeld, Island
Songs (2016) d’Ólafur Arnalds, Naphtaline
(2007) d’Ez3kiel, Riceboy
Sleeps (2009) de Jonsi & Alex
et The Honey Bear (2018) deHamsphire
and Foat…
La pochette
de disque la plus classieuse ?
Ones and Sixes (Sub Pop-2015), Low.
Une pochette
inséparable de son contenu musical : c’est simple, épuré. La texture de l’arbre
est tellement subtile qu’elle met fin au début physique vs. numérique. Cette
pochette résonne tellement avec la musique. Parce Mimi Parker (NDLR : elle vient de nous quitter, le 6 novembre
dernier à seulement 54 ans), aussi.
J’aime
beaucoup les pochettes, alors : le Velvet
Underground, la trilogie Revolver / Pepper / Album blanc des
Beatles (une pochette, un style, une
révolution stylistique), les énigmes de Blackstar de Bowie (indissociable de son contexte de
parution), The Much Much How How and I de Cosmo Sheldrake et Racines de C’mon Tigre.
Tu travails à radio France. Le vinyle le plus top, le plus précieux que tu
as eu entre les mains ?
La
collection est absolument folle, et indescriptible en peu de mots.
J’ai travaillé sur le fameux 45t Octopus / Golden Hair de Syd Barrett mais il y a des choses bien
plus magiques encore : la collection de 78t, des pressages d’origines de
grandes collections (Blue Note, Folkways, Collection Prospective 21e siècle, etc.), des
choses improbables (Sonorama, Barbie
California des Beach Boys, des
Picture-disc kitch au possible, etc.).
Dans ma
collection personnelle, je suis très heureux d’avoir le magnifique LP Wake
Up Calls (Tardigrade-2020) de Cosmo
Sheldrake (pressage limité et maintenant assez difficile à trouver). Un
disque intégralement composé de chants d’oiseaux (en voie de disparition) samplés.
Je ne connais pas une personne à qui j’aie recommandé ce disque qui n’a pas
aimé.
L’album parfait pour passer un agréable moment avec la personne qu’on
chérie le plus ?
Rodrigo Amarante, Drama (Polyvinyl-2021). Un
disque absolument « tout-terrain » : comme ambiance musicale, pour
une écoute attentive, pour chanter ensemble, danser, il supporte tout. Il y a
également une lettre (en portugais) et un petit livre avec les crédits dans le
vinyle. Um Milhao est un titre que je suis capable d’écouter en boucle
sans me lasser.
Question bonus, le disque que tu n’es pas fier d’aimer, du moins vis-à-vis
des autres, mais que tu adores malgré les ricanements ?
Richard Gotainer, Vive la Gaule (Virgin-1987).
Le contre-exemple
: daté, d’un goût douteux…Aucune excuse. Tout simplement un disque d’enfance.
Je le place sur la platine uniquement lorsque je suis seul (minium une fois par
an) pour une écoute religieuse.