dimanche 10 juillet 2022

LAURENCE VANAY "Ghost Notes From the Stone Vessel" (Music Box Publishing) – 18 juin 2022

Le label français Music Box Publishing a publié lors du Disquaire Day du 18 juin 2022 une compilation en vinyle blanc sur l’auteur-compositeur-arrangeur et interprète Laurence Vanay. La version digitale sortira le 16 septembre prochain. La sélection des 12 morceaux a été faite par sa fille Marine Thibault. Petit bémol sur cette publication, aucune info sur les morceaux, pas d'incert pour présenter l'artiste.

C’est en 2016 que j’ai découverts les compositions de Laurence Vanay, grâce justement à sa fille qui venait de publier son troisième album A Dream In Red Mansions sous le nom d’artiste Cat’s Eyes, dont ma chronique a été publié sur foutraque.com (site aujourd'hui "out").

En 2013, grâce à la ténacité de Cédric Chaillet, le label américain Lion Productions a réédité l’album Galaxies, -avec 12 morceaux en bonus-, sorti initialement en 1974 sur le label SFP (Société Française de Production.), l’album Evening Colours -avec 10 bonus alternatifs-, sorti sous le nom de groupe Gate Way, en 2015 les albums inédits Le Soleil de la Vie enregistré en 1978 et La Petite Fenêtre enregistré en 1980. Ainsi, c’est un label américain (grâce à Internet, au début des années 2000 ses albums 70’s font le buzz chez les diggers du globe) qui a ouverts une fenêtre sur la française Laurence Vanay, passé dans les maillons de l’espace-temps des années 70, soit le genre d’artiste qui fait partie des trésors cachés de la pop française. La nouvelle compilation titrée Ghost Notes From the Stone Vessel, -titre en référence à Mon Vaisseau de Pierre, une chanson d’adieu écrite par Laurence Vanay au moment de son départ du Château d’Hérouville-, contient deux inédits, les dix autres morceaux proviennent des quatre albums studio et du Best Of sorti en 2001 sur le label maison Assyel Production.

Alors qui est ce trésor caché de la pop française ? Laurence Vanay est le pseudonyme de Jacqueline Thibault, ex-femme de Laurent Thibault (ils ont divorcés en 1988) qui fut bassiste et fondateur du groupe Magma, également ingénieur du son et actionnaire avec sa femme Jacqueline du Château d’Hérouville, acheté par le compositeur Michel Magne. Ce château est devenue emblématique (une BD Les Amants d’Hérouville est sortie en 2021 chez Delcourt/Mirages) car des artistes tels que Fleetwood Mac, T-Rex, Hawkwind, Iggy Pop, David Bowie, Jacques Higelin… ont enregistrés des albums dans ce lieu qui avait un mythique studio d’enregistrement. En parallèle à ses diverses activités liées aux Château d’Hérouville, Jacqueline Thibault compose dans son petit coin, des morceaux en multipistes sur son Revox. L’enregistrement se fait avec des amis musiciens disponibles, mais faute de temps, la captation se fait en une seule prise, ainsi les défauts ne sont pas effacés, ce qui donne un charme lo-fi et fragile juste divin. 

 

En 1974 elle publie son premier album Galaxies sous le pseudo Laurence Vanay, car son nom Jacqueline Thibault avait déjà été utilisé par d’autres artistes répertoriés par la SACEM. Malheureusement, et malgré sa belle pochette bien psyché, son album ne va pas rencontrer le public. C’est bien dommage, car cet album, malgré les moyens de poche, est d’une richesse musical à donner le tournis. C’est un mélange de psyché acid folk, de lo-fi, de pop music hippie, mélangé à de la chanson française avec une touche de rock progressif, de jazz dans l’esprit de Cortex et Placebo (le groupe 70 belge). Cet album est un voyage bucolique parsemé d’effets cosmiques et cinématographique, le tout avec un son analogique 70 qui donne une patine vintage du meilleur effet. Son chant est d’une fraicheur intemporelle. Comment résister à ses paroles: Réveille toi, réveille toi, Voilà un autre jour (…), Réveille toi, réveille toi, On ne vit qu’une fois, Il faut en profiter (Demain). Les anges sont proche…


Comme l’album n’a pas marché, le label Galloway Records propose à Jacqueline de changer une fois de plus de nom d’artiste, de mettre celui d’un nom de groupe qui sonne anglais, ainsi l’album Evening Colours enregistré en 1975 est publié sous le nom de Gate Away. Mais la chance n’étant pas du côté de notre artiste, pourtant remplit de talent, quand l’album sort dans le commerce, Laurence Vanay (on va rester avec ce nom d’artiste devenue culte) est dans le coma suite à un accident de voiture et le producteur n’a pas réglé les droits SDRM, ainsi l’album est retiré de la vente. Il sera réédité en 1977 sous une autre pochette sur le label de library music, CAM. Evening Colours est également un magnifique album, tant les arrangements créés par Laurence Vanay sont étonnants et riches en sonorités, en harmonies. On est ici dans du grand art, école Jean-Claude Vannier, Alain Goraguer.


Toujours en 1975, sous le pseudonyme de Maire Mennesson elle publie sur SFP l’album Magic Slows qui contient des reprises et des morceaux originaux. Cet album épuisé depuis fort longtemps n’a pas été réédité. A noter que la pochette est magnifique.


 

Malgré le manque de reconnaissance, Laurence Vanay continu de composer avec suffisamment de matière pour remplir deux albums qui vont se nommer Les Soleils de la Vie (1978) et La Petite Fenêtre (1980). Mais à cause d’une production pas assez abouti pour les labels approchés, et ne trouvant pas les techniciens pour finaliser les morceaux, le mixage final ne verra le jour qu’en 1985, et la publication de ses deux albums attendra 29 ans, soit 2014 grâce Cédric Chaillet et au label américain Lion Productions. A noter que les albums réédités sur Lion Productions sont remastérisé à partir des masters originaux et contiennent un magnifique livret avec une interview, des annotations, les textes des chansons et des photos d’archives.


Comme les découvertes d’albums tels que Obsolete de Dashiell Hedayat (1971) et Maison Rose de Emmanuelle Parrenin (1977), les quatre albums de Laurence Vanay sont des paradis (re)trouvés qui montrent la richesse musicale d’artistes français qui n’ont pas trouvé un écho lors de la sortie de leurs disques C’est  avec le temps, que ces albums sont devenues des chefs d’œuvres intemporels qui continu de délivrer leurs richesses musicales.

En 1981, après la naissance de sa fille Marine, Laurence Vanay reprend son nom Jacqueline Thibault et publie de nombreux albums en parallèle à son travail d’arrangeur et compositeur pour Jacques Higelin, Patrick Coutin, Albert Marcoeur entre autre.

Évidemment les quatre albums réédités par Lion Productions sont chaudement recommandés, mais pour une première approche, pour les bourses attaquées par la hausse du prix de l’énergie, et pour les complétistes, cette nouvelle compilation de 12 morceaux publiés par Music Box Publishing est une belle « petite fenêtre » à ouvrir dès maintenant. A noter que pour la sortie de la compilation, il y a une vidéo réalisé par Virginie Naudillon. La patine 70 de la musique sur des images actuel donne un rendu un peu spécial. A vous de juger.

http://www.laurencevanay.com/

https://musicboxpublishing.fr/catalogue/laurence-vanay/

https://www.discogs.com/fr/artist/1526664-Laurence-Vanay




samedi 9 juillet 2022

"ENNIO" de Giuseppe Tornatore – 6 juillet 2022


D’une durée de 2 heures et 36 minutes, il est clair qu’il est bien difficile de tout raconter sur la longue et belle carrière du maestro Ennio Morricone (1928-2020), soit plus de 60 années de créations avec 500 bandes originales de films. Mais l’essentiel de son parcours est là, et surtout à la fin de la séance, le spectateur à l’impression d’avoir vécu « une parenthèse enchanté », tant voir défiler sur l’écran de cinéma, tant de grands films, que nos souvenirs d’enfance, suivie des étapes de notre vie reviennent à la surface. Comme le dit de nombreux intervenants, la musique d’Ennio Morricone fait partie de notre vie. Quelque part, Ennio Morricone est un membre de la famille, tant la présence de sa musique nous accompagne continuellement. Que cela soit les thèmes pour les westerns réalisés par Sergio Leone, le thème du film Le Clan des Siciliens d’Henri Verneuil (1969), le thème du film Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon de Elio Petri (1971), le morceau Here’s to you écrit et chanté par Joan Baez, -devenue, un hymne, tube mondial- pour le film Sacco et Vanzetti de Giuliano Montaldo (1971), dès qu’on entends ses notes, cela nous évoques des souvenirs.

La force du documentaire de Giuseppe Tornatore (collaborateur de Morricone depuis le film Cinéma Paradiso de Giuseppe Tornatore -1988-), ce sont les révélations, explications, anecdotes (il a failli faire la BO du film Orange Mécanique de Stanley Kubrick -1971-) du maestro pour la création de ses morceaux. C’est très passionnant, tant pour le néophyte que pour le spectateur musicien. Il est interviewé chez lui à Rome, dans son bel appartement bourgeois. Quand il raconte son parcourt, il a souvent l’arme à l’œil (transmit direct au spectateur), dut aux souvenirs qui lui reviennent. Il a une mémoire étonnante du détail. Chaque explication, est richement illustrée d’extraits de films, de concerts, d’archives (famille, télévision, remise des Oscars...). Giuseppe Tornatore a également interviewé de nombreux réalisateurs, techniciens, acteurs, compositeurs, chanteurs, chanteuses, dont Edda Dell’Orso qui aurait mérité plus de place, tant sa voix enchante de nombreuses BO du maestro. Autre regret, l'absence de son chef d'Orchestre et co-auteur période 60-70, le brillant Bruno Nicolai.

Le montage du documentaire est fluide. Avec les 40 heures de rushes, la partie n’était pas gagnée pour montrer un doc qui captive le spectateur, sans le gaver d’images en forme de zapping. Ici le fil du récit tient la bonne mesure.

Quand on pense qu’à l’âge de 8 ans, Ennio Morricone rêve de devenir médecin, et c’est son père trompettiste de métier, qui décide que son fils sera musicien comme lui. Belle initiative qui a permis à Ennio Morricone d’être le compositeur de musique de films le plus important  du 20ème siècle. Ennio, à voir en salle au plus vite, tant que c’est à l’affiche.