PascaleBesse du groupe [kilkil], nous envoie une petite carte postale de La
Réunion de son projet solo Tuelipe en gestation depuis 2019. En
attendant la sortie de son premier album 10 titres en septembre prochain sur le
label Maudit Tangue, Pascale nous
propose les deux titres Chien et Loup et Drugs.
Si en groupe avec [kilkil],
Pascale compose une musique after punk énergique, en solo, c’est plus minimal
pop et new cold wave lo-fi. Les deux chansons sont mélancoliques, minimales et
brumeuses, le tout passé sous le scalpel d’un jeu vidéo vintage 8 bits aux saveurs 80.
Notre corps en métal se met à bouger sur le rythme répétitif et dansant des
compos de Tuelipe, pour empêcher l’apparition de la rouille, l’ennemie de
notre état en tant que robot mécanique. We are not the robot!
Je profite de cette news,
pour ressortir de mes archives une chronique de l’album In Vain de [kilkil] sorti en janvier 2019 sur Maudit Tangue
Label.
[kilkil] est un trio de l’ile de La Réunion
qui existe depuis 2012. Le groupe est composé de Pascale au chant et à
la basse, Charlou au synthé et au saxophone et Johny à la
batterie. [kilkil] compose une musique post punk et synth wave indus
assez redoutable. Une bonne rythmique pour porter la voix de Pascale et
hop ça fonctionne comme 1+2=3. Les morceaux de ce premier album, qui font suite
à trois EP, sont carrés, entrainants et zinzins. Nico du groupe Pamplemousse
a produit l’album avec tact. Les notes de synthé portent à la danse du robot
désarticulé et le sax donne une insolence free électrique des plus
communicatives. Parmi les 10 morceaux, il y a Eisbaer, une reprise du
groupe suisse Grauzone (duo du début 80 avec Stephan Eicher et
son frère). La version 2019, sous le soleil de l’île de La Réunion est une
belle réussite glaciale auquel on a envie de lever le poing. Le choix de cette
reprise donne un bel aperçu de l’esprit sonore du trio. Car les autres morceaux
originaux sont à la hauteur de cette reprise culte = chair de poule électro
punk sans perdre les plumes -iroquois-. Bref, si vous êtes fan de ces sons
entre Siouxsie, Ptose, Ideal et Charles De Goal (pour ne citer
qu’un échantillon), laissez-vous porter par les beats entrainants et envoutants
de [kilkil].
Enfin, notons la belle pochette réalisée par l’artiste sud-africain Conrad
Botes.
Et pour conclure cette petite chronique, Pascale Besse fait partie de
l’asso/label Ravine des Roques/Maudit Tangue et avec ses amis elle organise le
festival Rock à La Buse qui permet d’inviter des groupes comme Frustration,
Le Prince Harry, Magnetix, The Ex et Usé. Quant au label du groupe, Maudit
Tangue édite des compilations de groupes de l’île de La Réunion. Bref [kilkil],
ne reste pas les bras croisés entre eux, ils n’hésitent pas à faire bouger la
scène rock local sur cette île qui n’est pas juste une destination de vacances
pour les habitants de la métropole.
Le label Ace
Records, spécialisé dans les rééditions, compilations de groupes des années
60, 70, nous gâtes une fois de plus avec une compilation qui regroupe l’intégralité
des 45 tours du girl group Goldie And
The Gingerbreads. Ce quatuor féminin américain adulé par tous les groupuscules
mods du globe a eu une courte carrière qui a commencé en 1962 et fini en 1967.
En cinq ans elles ont publiés dix 45 tours sur des labels de renom, Spokane, Decca
et ATCO une subdivision du géant Atlantic. Elles ont fait des tournées avec les
Rolling Stones, Kinks, Yardbirds, Hollies, Animals, mais elles sont restées inconnu du public. Ainsi pas d’album
pendant leur courte existanse. Le label Ace
a publié des morceaux dispersés sur les compilations Girls With Guitars et Where
The Girls some… Par contre, bizarrement il n’y a aucun morceau sur les
compilations Girls In The Garage,
surement à cause des droits. Ainsi, près de 60 ans plus tard, voici la première
compilation, anthologie consacrée à Goldie
And The Gingerbreds, édité en vinyle rouge (16 titres) et CD (20 titres)
avec inclut dans le CD un livret de 40 pages avec une interview fleuve des
membres du groupe, le tout avec de nombreux documents d’archives.
En 1962 à New-York, la jeune Genya Zelkowith (ses parents sont des émigrés polonais), mais son
surnom est Goldie, va avec des amis
passer une soirée dans un club. Le groupe local de Doo-wop The Escorts anime la soirée. Après quelques verres, Genya décide de rejoindre le groupe
pour chanter. C’est la révélation, tant sa voix a du coffre, de la prestance.
Le leader et claviériste du groupe Richard
Perry (futur producteur de Captain Beefheart, Barbra Streisand, Ringo Starr,
Carly Simon, Diana Ross) décide de congédier leur chanteuse et d’embaucher
direct Genya dans son groupe et d’être
par la même occasion son amant. La nouvelle formation est rebaptisé Goldie and The Escorts. Mais l’aventure
va tourner court, quand Genya voit
en concert un groupe avec la jeune batteuse âgée de 16 ans Ginger Bianco. C’est le coup de cœur artistique, elles décident de
créer un groupe exclusivement féminin qu’elles nomment Goldie And The Gingerbreads.
Reste à trouver les autres filles, ce
qui ne sera pas facile car nous somme en 1962. Ok, pour voir des femmes faire des
cœurs/voix dans des groupes dirigés/créés par des hommes, mais un groupe
féminin affirmé-elles portent des pantalons!-, géré par des femmes, c’est
autre chose. Après quelques musiciennes de passages, la formation va se
stabiliser avec l’arrivée de Margo Lewis
au synthétiseur orgue Hammond B3 (oui le même modèle utilisé par Ray Manzarek dans les Doors à partir de 1965) et
Carol MacDonald à la guitare. Ainsi,
pas de bassiste dans la formation, le son de la basse est joué avec l’orgue.
Ce sera cet instrument qui va donner la touche singulière et rock’n’roll au
groupe, Pour leurs premiers concerts en ville, le groupe est présenté comme
étant :« The Only All-Girl Twist Band in the
World ». Ce slogan n’est surement pas faux, car voir en 1962-63 un groupe
féminin blanc et indépendant jouer du
rock, tenté de popet de R&B, ça ne
devait pas courir les salles. Depuis, ce type de formations a fait son chemin (The Runaways, The Go-Go’s, The Bangles,
The Slits, Les Calamités, L7, Massicot …).
Le groupe joue
régulièrement dans le club Wagon Wheel. Le bouche à oreille se répandant sur la
qualité musical du quatuor, notamment grâce à Eric Burdon du groupe The
Animals, les voilà qu’elles se retrouvent à jouer lors d’une fête organisé par le photographe Jerry Schatzberg, en l’honneur des Rolling Stones pour leur première
tournée américaine de 1964. A cette soirée il y a avait aussi Andy Warhol et Ronnie Spector. De cette rencontre, Goldie And The Gingerbreads se retrouve embarqué à jouer en
Angleterre en première partie des Stones. Elles feront d’autres premières
parties pour The Kinks, Yardbirds, The Hollies, The Animals. En 1965 elles
publient le single Can’t You Hear My
Heartbeart, pensant pouvoir en faire un tube pour passer à l’étape
supérieur. Malheureusement elles se font couper l’herbe sous le pied par le
groupe Hermans Hermits qui publie
également ce morceau. Le jack pot sera pour eux, du moins sur le marché
américain où le groupe obtient la 2ème place dans les charts. Malgré leur
succès d’estime et la reconnaissance auprès des plus grands groupes du moment,
Goldie And The Gingerbreads n’arrive
pas à percer. Le comble, aux states, les radios qui diffusent la soul et le
R&B ne passent pas leurs morceaux, car elles sont blanches et les stations
de radios dirigés par des blancs ne veulent pas leur musique R&B destiné au
public noir. Toujours des histoires de cultures et de couleur de peau ! Le succès
ne venant pas, le groupe se sépare.
Goldie
fera quelques singles produit par Andrew
Oldhan, dont Goin’ Back. Là
encore des problèmes, car le morceau était destiné à Dusty Springfield qui en fera un succès. Décidément quand l’herbe
ne veux pas pousser … Il y aura une
tentative de reformation en 1967, en pleine période hippie et psyché avec la
sortie du single Walking in Different Circles, mais pas plus de succès. C’est
définitivement la fin du groupe. En 1968, de retour au states, Goldie qui retrouve son nom civil Genya Raval, va rejoindre le groupe masculin
Ten Wheel Drive qui sortira quatre
albums de soul bien trempé. Dans les années 70, elle va fréquenter le CBGB et
produire le premier album des Dead Boys avec Steve Bator. Quand à Ginger Blanco et Carol McDonald elles ont formés le groupe funky Isis, également exclusivement une
formation féminine avec cuivres, soit sept musiciennes. Quand à Margo Lewis et son orgue magique, il n’y
a pas eu d’autres groupes, ni disques en solo.
Comme tous les précurseurs, le groupe
Goldie And The Gingerbreads n’a pas
eu le succès mérité. Elles ont défrichés le rôle de la femme dans la musique
rock et la femme blanche dans la musique R&B, se trouvant coincée pour être
juste une curiosité musicale, alors qu’elles ont donné les bases de ce qu’allais
devenir les « girls with guitars » avec la scène du CBGB (Patti Smith, Lydia Lunch) dont Genya Raval sera la marraine officielle,
le punk et le rock indé. Cette belle compilation permet de rendre justice, même
60 ans plus tard (c’est mieux que jamais) à ce quatuor unique et essentiel.