vendredi 26 février 2021

HILLS "Hills" (Sulatron Records) et "Frid" (Rocket Recordings) - 2009 et 2015


L’ami Spear m’a suggéré de remettre en ligne les chroniques que j’avais écrites sur les albums de Hills pour foutraque.com. C’est en effet une bonne idée, car ce groupe spyché suédois est peu connu en France (à l’inverse des américains Black Angels), alors que leurs albums sont des pures réussites dans le genre psyché rock sous hallucinogène. Je profite de ses chroniques albums, pour remettre également en ligne celle écrite par Spear pour le concert du 6 août 2011 au Babel Club à Malmö.

Ce groupe suédois de Göteborg a publié entre 2009 et 2015 trois albums, plus un album confidentiel en 2016 (édité à 170 exemplaires  pour le vinyle, 70 ex. pour le CDr, 50 ex. pour la cassette) et deux doubles live. Est-ce que le groupe est toujours en activité ? Je pose la question, à bon entendeur... En attendant, le mystérieux Djinn (quel est son poste dans Hills ?) qui joue également dans le groupe Goat, a publié en 2019 un album S/T et en 2020 l’album Avant de Servir, mais uniquement au format cassette. En solo, Djinn compose une musique free jazz et expérimental.  

Ci-dessous la chronique du premier album S/T sorti en 2009 sur Sulatron Records.


Attention : CHEF D’ŒUVRE ! Si vous êtes fan de musique psyché/krautrock/prog/hippie, vous allez prendre votre pied à l’écoute des 7 titres qui composent cet album. Chaque morceau de cette rondelle est une fresque sonore de 6 minutes mini et principalement instrumentale. Comme une montée d’adrénaline ou du plaisir/acte sexuel, il émane de Hills des sensations jouissives, des effets cosmiques qui portent au corps et à l’esprit. Oui, Hills est un groupe habité, surdoué.

Hills est un trio suédois (deux gars, une fille) qui nous vient de Göteborg. Mais à l’écoute de leur musique, on pourrait croire qu’ils nous viennent d’une autre galaxie, d’une terre retirée bien loin des bruits de la ville. En effet, leur style de musique est un voyage inter galactique remplit de couleurs psychédéliques. Chaque titre est construit comme une méditation pour s’élever vers l’au-delà. Si vous êtes fan de Spacemen 3, Can, Pink Floyd et autres artistes amateurs de drogues, il vous faut acheter d’office Hills de Hills. A l’intérieur, rien que du bon: Guitare acide, flûte vaudou et hippie, batterie en transe, piano mélodique, élément sonore de la terre comme l’eau qui coule, cloches d'église et rythmique ensorcelante. Oui, ici tout y est pour les amateurs exigeants de musique psychédélique.
Hills est leur 1er album sorti en 2009. Le 2ème, Master Sleeps, est sortie en 2011. A l’inverse de Hills, Master Sleeps est plus brut (Loop/Wooden Shjips), mais le style psyché/krautrock (Neu !/Cluster) n’est pas en reste, voire même plus présent. Ici pas de dimension folk mais ça fuzz bien entre les oreilles. Bref moins de nuance, mais toujours des surprises sonores ici et là, notamment sur le 2ème titre Bring Me Sand bien marqué Black Angels.
 


Mais revenons à Hills. Comment s’est passée la réalisation de ce disque? Un bœuf après avoir absorbé des substances ou, au contraire, des heures de mise au point et de recherche sonore pour obtenir un tel résultat? Une des particularités de Hills est de ne donner aucune info. Les jaquettes de leurs pochettes n’aiment pas les textes et préfèrent les photos et illustrations. Du coup les Hills sont aussi mystérieux que les Residents.
Le summum de l’album est le titre Schlaraffenland. Pendant 12 minutes c’est la fièvre des sens. Echo, réverb, la batterie qui ne s’arrête pas, (sauf si l’on coupe le jus) et ce riff de guitare qui ne nous quitte plus. Ce titre aurait eu fière allure sur un album des Spacemen 3 ou de Sonic Boom. Rien à dire, cet album aura de la prestance dans votre discothèque aux côtés de Meddle (Pink Floyd), Soundtracks (Can), The Perfect Prescription (Spacemen 3) et Passover (The Black Angels). Bref, visitez la Suède en 2011 avec ce merveilleux groupe drogué jusqu’à l’os (en témoigne les champignons sur leur page Myspace -j’ai écrits la chronique en 2001-). Vivement un passage live en France ! Enfin, à noter que sur leur label Sulatron records il y a pas mal de groupes psyché. Un label à découvrir.


Nota : Merci au disquaire (magasin en voie de disparition) de nous avoir fait découvrir ce groupe. C’est bien joli Internet, commander en ligne, mais entrer chez un disquaire et entendre une musique qui nous plait, c’est autre chose, un plaisir très agréable. Ok, on serait arrivé 15 minutes avant ou après le passage du disque en écoute, on l’aurait loupé. Mais comme le dieu des passionnés est là, ce n’est sûrement pas un hasard : Paskal Larsen se devait d’écouter Hills et ainsi le faire découvrir à son pote Spear. Le disquaire ici évoqué est Gibert Joseph à Paris qui possède un très bon rayon psyché/sixties/funk et indé.


 

Ci-dessous la chronique du troisième album Frid sorti en 2015 sur Rocket Recordings.


Si vous êtes amateurs de musique psyché aux couleurs hallucinogènes, ce 3ème album de Hills est pour vous. Ce groupe suédois de Göteborg réalise depuis 2009 des albums majestueux avec des fresques sonores qui vous attaquent le cerveau. Les 6 titres de Frid sont tout simplement exceptionnels. Chaque seconde est un régal. Telle l’aventure chaotique des films Apocalypse Now ou de The Sorcerer, on est transporté pendant 40 minutes dans des visions colorées à en perdre la raison. Des voix de sorciers, de la fuzz, du sitar, de la flûte de pan, une rythmique entêtante, des solos habités et hantés et enfin des balades hippies enivrantes. Entre le krautrock, le prog et le psyché rock, la musique sous acid de Hills est une vraie bénédiction sonore qui trouve son salut en 2015. Dans le renouveau du psyché, Hills place la barre très haute. Ils ont une imagination tellement débordante. Ils ont tout bon, ils ont tout compris dans l’art de composer des fresques sonores qui portent très loin. Au fil des écoutes, on se dit : « Mais cet album est un chef d’œuvre ». Frid est un disque indispensable dans votre collection. Enfin à noter la belle pochette qui prendra plus d’éclat en format 33t avec à l’intérieur un poster bien psyché époque flower power.




Ci-dessous la chronique écrite par Phil Spear sur le concert du 6 août 2011 au Babel Club à Malmö.


En vacances chez les hippies de la communauté de Christiania à Copenhague avec mon pote Christophe, nous ne pouvions décemment pas manquer les psychédéliques suédois de Hills en concert à Malmö. D’autant que les deux villes ne sont séparées que par une petite demi- heure de train et le grand pont de L’Öresund. 


Les festivités se déroulaient au Babel club, ancienne église recyclée en haut lieu du psychédélisme local. Entrée gratuite de 21h à 22h, puis 80 couronnes suédoises (environ 10 euros). Très raisonnable. Après être passé au travers d’une première averse orageuse, nous entrons par un couloir avec vestiaire qui donne sur un salon cosy avec parquet et bar, Ravi Shankar en musique d’ambiance pour nous accueillir, cool man ! Dans le prolongement de ce salon, une seconde salle où se déroulera le concert mais à notre arrivée elle est fermée. Il est vrai qu’il est encore un peu tôt, les Hills ne devraient pas entrer en scène avant minuit. On s’installe donc en sirotant une petite mousse (elle n’est pas donnée, 6/7 euros environ) et on sympathise avec l’un des organisateurs, le régisseur son et lumière du concert. La nouvelle que deux fans français sont présents se propage auprès du groupe et de leurs proches et, très vite, les rencontres amicales se multiplient. C’est bon, la grande salle est ouverte. Une salle toute en largeur avec d’un côté la scène en forme de balcon, de l’autre la projection du film Fellini Roma. Sur les deux murs perpendiculaires, deux kaléidoscopes géants tournent inlassablement, sans oublier quelques lasers multicolores, cool man ! Sur le côté de la scène, un escalier monte vers un second bar. Je suis « high » et la musique psyché/easy listening que nous proposent les DJ’s, le frangin du sonorisateur et la belle Emily, sosie de Joan Jett version « glam », me font perdre la notion du temps. Il est tout de même minuit largement passé lorsque les Hills font leur entrée sur scène. 


Face au public, Pelle et Kalle, respectivement à la guitare et à la basse/chant. Sur le côté, un nouveau venu au look hard rock, Tobias au clavier et, dos au public, un petit bout de femme à la batterie, Hanna. Elle n’aura de cesse, tel un chef d’orchestre, de mener les garçons à la baguette. Impressionnante ! Six morceaux, dont trois nouveaux, pour un show statique mais hypnotique d’une heure très marqué Can, avec une bonne pincée de Wooden Shjips, un soupçon de Kraftwerk, sans oublier un gros clin d’œil au Interstellar Overdrive du Pink Floyd.
Un show un peu court qui ne permettra malheureusement pas une découverte plus large sur scène de leurs deux LP’s. La soirée se poursuivra jusqu’à trois heures, le service d’ordre hargneux et omniprésent ne prenant pas de gants pour signifier au public encore présent que la soirée est terminée. Il pleut des cordes et les organisateurs proposent à nos petits français de poursuivre la soirée chez la charmante Emily et sa petite communauté. Chez elle, l’analogique règne en maître(sse) et la platine vinyle joue d’obscures galettes des années 70. Seuls quelques portables nous rappellent que nous sommes en 2011… Il est 8 heures du matin lorsque Christophe et moi rejoignons Copenhague. Emily, jag älskar dig ! 

Photos du concert @ Christophe Calmes

https://hillsband.bandcamp.com/

https://www.facebook.com/Hills-812382378831213/

AUTOMATIC "Signal" (Stones Throw Records) –27 septembre 2019


 

Le label Soul Jazz Records vient de publier une compilation qui a pour titre Two Synths, a Guitar (and) a Drum Machine. Cette compilation est la première d’une série consacrée aux groupes actuelles qui puise leurs influences dans le post punk minimal, l’indus et le hip-hop old school de la période faste 1978-1983, soit les dignes héritiers de ESG, Suicide, Cabaret Voltaire, Bush Tetras, A Certain Ratio. Pour ce premier rendez-vous, - et venant de la part d’un label aussi respectable que Soul Jazz, avec son boulot de défricheur pour réaliser depuis plus de 30 ans des compilations à thème à chaque fois réussi-, c’est le trio Automatic qui est choisi pour ouvrir les festivités avec le morceau Too Mush Money qui veut dire en VF "Trop d’argent". En réécoutant ce morceau, j’ai eu envie de me replonger dans leur unique album (à ce jour) nommé Signal. Lors de la sortie de l’album en septembre 2019, Automatic avait fait une tournée en passant par Paris. Le concert prévu initialement à Mains d’œuvres, mais pour cause de souci de fermeture demandé par la mairie de Saint-Ouen, le concert a eu lieu le 17 octobre au Supersonic à Paris. Je ne garde pas un grand souvenir du concert, car les trois jeunes filles d’Automatic étaient un peu timide, un peu "vert" pour rendre justice à leur musique plutôt convaincante à écouter sur disque. Malgré tout le concert était plaisant.


Formé en 2017, Automatic (nom en référence au morceau Automatic des Go-Go’s) est un groupe féminin de Los Angeles, avec au chant et au synthé Izzy Glaudini, à la basse Halle Gaines et à la batterie Lola Dompé. A noter que Lola Dompé est la fille du batteur Kevin Haskins des groupes Bauhaus, Tones and Tail, Love and Rockets et parmi tous ses autres faits d’arme, il a joué sur Coming Down (1988), premier album solo de Daniel Ash, disque fortement conseillé, où l’on trouve aussi une petite nouvelle nommée Natacha Atlas. Ainsi tout comme son père, Lola c’est mise à la batterie, espérons pour elle que sa carrière sera aussi étonnante. Avec Automatic, il est clair quelle continue le chemin tracé par son patriarche, car le style du trio est dans le son synth-wave et cold des années 80. De plus en signant sur le label Stones Throw Records, qui a distribué en 2018 la réédition The Bela Session EP de Bauhaus, les raccourcis sont rapides. L’album contient 11 morceaux au son sec, groove (style ESG, Liquid Liquid) et froid (style Closer de Joy Division). Les mélodies lo-fi sont efficaces et surtout la rythmique dub de la basse mise bien en avant, donne un tempo imparable. A l’intérieur de l’album il y a une photo tramée en noir et blanc où l’on voit les trois filles. Sur le bras de la bassiste Halle Graines, il y a un tatouage avec l’inscription "Cheree", titre d’un morceau du premier album culte de Suicide. L’héritage consommé de Suicide est bien présente sur l’album, sans devenir pesante. Sur la face B du 45t Calling It, il y a la reprise de Delta 5, Mind Your Own Business. Malgré ses références bien affichées, Automatic a bien son univers musical, et son aura communicatif, auquel il est impossible de résister. Bref, ce premier Signal fait vraiment plaisir à écouter.  


https://automatic-band.bandcamp.com/album/signal

https://www.facebook.com/automaticbandla/








jeudi 25 février 2021

ALTIN GUN "Yol" (Glitterbeat/Modulor) –26 février 2021


Il est clair que pour presque tous les groupes de rock, ne plus pouvoir partir en tourner jouer devant un public est une déchirure certes financière, mais surtout sentimental envers leur public, qui sont constitué d’hommes et de femmes fait de chair, de sang et d’émotion. De parts les styles musicaux très divers, tous les groupes n’ont pas le même contact avec leur public. Certains sont posé, d’autres sont porté vers le contact charnel qui appelle à la danse, à l’union des corps. La musique d’Altin Gün est dans la deuxième catégorie. A remember, comment oublier ce concert torride du 28 mars 2018 au festival Banlieues Bleues à Bagnolet. Ainsi à cause de la pandémie qui a changé depuis bientôt un an notre vie culturelle, les concerts live ne se passent plus dans les salles, mais dans notre salon à travers l’écran du Net. Pour un groupe comme Altin Gün c’est une déchirure de ne plus pouvoir transpirer de joie en direct à leurs coté. Le moment de convivialité live a changé pour les groupes, mais la façon d’enregistrer a aussi changé. Au lieu d’être tous ensemble avec leurs instruments de musique dans un studio, ils sont chacun c’est eux à s’échanger des fichiers via l’internet. Avec ses nouvelles donnes, Altin Gün va utiliser pour ce nouvel et 3ème album l’échange de fichier, donnant ainsi un élément électro, mais aussi new wave/80 pour les synthés (sur Ordunun Dereleri on pense un peu au tube Don’t You Want Me d’Human League) qui n’était pas présent dans les albums précédents, chargés d’instruments vintages et traditionnels pour être au plus près du son psychédélique des années 70. Le mix entre le son synthétique des années 80 et le psyché rock turc 60-70 passe très bien sous la baguette magique d’Altin Gün. Sur certain morceaux, comme Hey Nari, le son oriental pop qui les a fait connaitre est bien présent et fera mouche instantanément dans le cœur et dans les jambes du public.


La voix aux sonorités orientales de Merve Dasdemir fait une fois de plus des merveilles, tant son chant ensoleillé apporte la joie et l’envie de danser. Sa voix joue au ping-pong avec celle du leader Erdinc Ecevit, donnant ainsi à l’album beaucoup de couleurs festives. Bref un album moins marqué par le son vintage oriental des années 60-70, mais tout aussi efficace, car Altin Gün a le groove dans la peau et l’étincelle du bonheur dans la tête. Bref, Yol (qui veut dire chemin) est l’album anti déprime du moment!


https://altingun.bandcamp.com/album/yol

https://www.facebook.com/altingunband/