Our Girl est un trio anglais formé en
2015 à Brighton, puis ils sont parti s’installer à Londres. Au sein du groupe
il y a Soph Nathan (chant et guitare) -également présente dans The
Big Moon, groupe féminin toujours en activité-, Josh Tyler (basse)
et Lauren Wilson (batterie). En 2018, Our Girl sort son premier
album Stranger Today produit par Bill
Ryder-Jones du groupe The Corals, qui regroupe les nombreux singles
et EP’s que le trio a publié depuis
2015. Cet album est un pur brûlot de musique rock pop indé, shoegaze avec une
touche de grunge. Malgré que cet album a tous les critères pour se faire
remarque à travers la multitude de formations indé anglaise, Our Girl ne
fera qu’un autre long format titré Bedroom
records, et après quelques tournées en 2019 et 2020 disparaitra du paysage musical.
C’est bien dommage, car quand on réécoute en 2023 l’album Stranger Today, difficile de ne pas résister au charme vocal de Soph,
qui peut alterner ballade pop et cri noise rock, baigné dans un mur de larsen
et riff de guitare bien lourd. C’est la force du trio d’alterner avec style fracas
rock et délicatesse pop. L’ensemble donne une fusion qui permet aux 11 compos
de l’album de nous tenir en haleine, tel le suspens d’un bon thriller.
C’est Soph Nathan qui compose chez elle à la guitare les chansons, qu’elle
envoie sous forme de démo à Josh et Lauren. Ensuite, ils se
retrouvent tous les trois pour finaliser ensemble les compos. Le résultat donne
bien un son élaboré à trois, on sent que chacun y a mis sa personnalité. On
imagine, que sur la durée, cette façon de travailler n’a pas collé, d’autant
que Soph est pas mal accaparé avec son autre groupe, The Big Moon.
Jouer en même temps dans deux groupes, le split était inévitable. Le choix
fait, Soph c’est donné à plein temps
au service de The Big Moon, -formé en 2014-, Josh avec trois
potes ont formés le groupe pop ligne claire Breathe Panel, et Lauren
a apparemment laisser tomber le milieu rock indé. Perso, je trouve la musique
de Our Girl, plus réussi, plus de singularité, que la musique de The Big
Moon (trop stéréotypé) et Breathe Panel, un unième groupe pop
gentillet. Soph, Josh et Lauren ensemble avait de l'originalité
sonore à nous proposer. Ils y avaient entre eux une osmose magique. Soit un instantané
photographique d’une époque lié à la jeunesse entre les études et la musique,
pour ensuite prendre d’autres chemins. Si en 2018, vous êtes passé à côté de l’album
Stranger Today (à noter qu’il existe
une version CD et vinyle qui regroupe les deux albums du groupe), il n’est pas
trop tard pour découvrir les 11 perles qu’il contient.
Malgré leur nom, Princess
Thailand est bien un groupe français, de Toulouse. Formé en 2017, après un
petit changement de line-up, Princess Thailand revient avec un troisième
album titré Golden Frames. Au chant
énervé et habité, Aniela Bastide, aux guitares tendues, prêt à sortir
des étincelles au contact de la soudure, Patrick Jeanson et Morgan
Casseau, à la basse et synthétiseurs, François Remigi et à la batterie
guerrière Jean Pellaprat. Ensemble, nos artisans du rock, compose une
musique noise HC, arty, menée à bras le corps par la voix écorchée vive d'Aniela.
Pas de temps mort sur les 33 minutes nécessaires pour écouter les 10
compositions. Tel un combat de boxe, la musique de Princess Thailand
frappe notre cerveau sans ménagement. Les riffs noise parsemés de larsens, de
distorts, ne sont pas en vacances, mais bien au travail pour la cause rock, pour
la satisfaction de l’amateur du style. On est ici dans le son urbain de Sonic Youth, Blonde Redhead, UT,
Live Skull, Garbage Collector. L’album s’achève avec Imperator, chanté en français (les textes
des autres morceaux sont en anglais). Sur ce final, avec un son indus en guise d’intro, le
chant en français d'Aniela apporte un peu de calme, mais les
guitares en tension se font vite entendre et la voix disparait dans les ténèbres.
Il ne reste plus qu’à revenir au début, pour un nouveau florilège de musique
noise pas sage.
Cela fait 19 ans qu’on
attendait le passage d’Holly Golightly à Paris. Son précédent concert
parisien remontait au 27 avril 2004 au Festival Les
Femmes s’en mêlent au Café de la Danse. Soit une éternité. Ainsi pas
étonnant que le Théâtre
Municipal Berthelot Jean-Guerrin situé à Montreuil
(ville considérée par certains comme le 21ème arrt. de Paris) soit
rempli comme un œuf. Depuis 2004, Holly
Golightly a
publié en duo avec The Brokeoffs, 10
magnifiques albums de country folk lo-fi acoustique, puis en solo à partir de
2015 deux nouveaux albums -le précédent Slowly But Surely, alors10ème
album remonte à 2004-. Bref elle n’a pas chômé. D’autant qu’en 2003 étant amie
avec les White Stripes (ils ont fait
des tournées ensemble), ceux-ci l’invitent à chanter sur le morceau Well It’s
True That We Love One Another qui clôt l’album Elephant, album qui va se
vendre comme des petits pains. Bref, un bon petit buzz pour Holly Golightly, plutôt discrète,
habituée à l’underground pur et dur. A ce jour, avons-nous luune page sur elle dans le mensuel Rock
& Folk ?
En ce soir du
17 novembre 2023, le public rock résistant (la moyenne d’âge est de 45-60 ans) s’est déplacé en masse pour retrouver l’esprit des labels Damaged Goods,
Sympathy For The Records Industry, Crypt Records-compiles Back
From The Grave, l’esprit du pionnier punk garage lo-fi anglais de Billy Childish, l’homme qui a joué dans
un nombre infini de groupes. Également figure liée à Holly Golightly avec Thee
Headcoats (une vingtaine d’albums entre 1989 et 1998), dont Holly et trois copines (Debbie Green, Kyra, Sarah J. Crouch) vont
créer la version féminine avec Thee
Headcoatees (six albums, plus deux albums avec Thee Headcoats entre 1991 et 1999), sans oublier l’album In
Blood (1999) réalisé en commun. Dans une certaine idée, de comment devrait
sonner la musique rock qui vient de l’âme, des tripes, qui donne
l’envie de prendre une guitare, d’y poser sa voix, de se servir de ce qui nous
entoure pour en faire des percussions et hop on se lance pour jouer avec foi et naturel.
Bref le blues à l’état brut, mais avec de la chair dans la façon de se
l’approprier. On n’a malheureusement pas toute la fibre, le talent musical pour
pouvoir jouer avec l’émotion communicative. Par contre c’est le cas pour Holly Golightly et toute la bande qui
entoure Billy Childish. Leur
musique, qu’elle soit sophistiquée ou primitive sonne toujours divinement bien.
C’est la classe des artistes, qui en prime trouvent un son identifiable à partir
de l’histoire de leurs aînés qui viennent du blues, de la country, du rock’n’roll,
du rockabilly, du R&B, de la folk, du garage, du surf, l’americana. Dans la
discographie d’Holly Golightly il y
a justement de nombreuses reprises (Ike &
Tina Turner,The Jaynetts, Little Walter,
The Kinks, Billy Myles…), mais ce sont évidemment les compositions originales qui
dominent sa discographie.
Lord Rochester -TMB- Montreuil- 17/11/2023 @ Paskal Larsen
C’est donc dans
un théâtre municipal que la soirée va se dérouler. Quand on entre dans la salle,
on retrouve les sièges rouges, couleur des salles de spectacle, mais aussi pas
mal d’espace entre la scène et le premier rang, ce qui permet de voir également le
concert debout. Si la salle est grande, c’est surprenant de voir que finalement
la scène n’est pas très spacieuse. L’entrée en matière commence avec le trio
écossais Lord Rochester.Au chant et guitare customisée, le monsieur
loyal Russell Wilkins aka Big Ross, à la basse la séduisante et
pétillante Saskia Holling (1), à la
batterie Florian Cité. Sur scène le
duo Russell Wilkins et Saskia Holling prend tout l’espace en
s’amusant à nous jouer du rock 50-60 inspiré de Bo Diddley avec l’insolence punk primitif des Cramps. Leur musique est joviale, donne instantanément envie de
danser, de faire le pitre. Ils ont un look cartoon où le personnage animé
serait un monkey. Avec eux, l’espace temporel mélange les années 1955, 1966,
1977 avec style. Inutile de faire un long discours, Lord Rochester est un groupe scénique qui fait remuer le public du
début jusqu‘à la fin du set. A noter que Russell
Wilkins n’est pas né de la dernière pluie, depuis le début des années
80,il a jouédans une pelletée de groupes, dont Thee Milkshakes, The Pop Rivets (deux groupes avec Billy Childish) et Delmonas.
Bref, jouer devant unpublic, il connaît,
ce qui explique sa facilité à se l’approprier pour participer à sa fête garage
rock.
Les musiciens de Holly
Golightly -TMB- Montreuil- 17/11/2023 @ Paskal Larsen
Après ce joli
tour de chauffe (qui a bien brûlé nos toxines), place au concert de Holly Golightly. Après 15 minutes
d’attente, elle arrive, tout de noir vêtu avec ses trois musiciens : Matt Radford à la contrebasse, Bradley Burgess à la guitare électrique
et le fidèle Bruce Brand à la
batterie. Matt Roadford et Bradley
Burgess jouent avec Holly Golightly
depuis 2015 sur l’album Slowtown Now !. Quand à Bruce Brand, c’est
depuis la nuit des temps qu’ils se connaissent, jouent ensemble. Il est
présent sur quelques albums de Thee
Headcotees, présent depuis le premier album solo de Holly, The Good Things sorti en 1995. Bruce Brand, fait partie de la grande famille Childish en jouant avec lui dans plusieurs groupes dont The Milkshakes et Thee Headcoats. En parallèle, depuis 1980, il a joué dans un nombre
infini de groupes garage. La date de ce soir, est la première de la tournée
2023. A noter qu’il y a 4 dates en province. Le groupe se met en place, ce sont
les retrouvailles, la précédente date de concert, remonte sûrement à plusieurs
mois. Tout le monde à sa place, et c’est parti pour 90 minutes de musique rock
et blues avec le parfum de l’Amérique d’avant les startups de la Silicon Valley.
Dès le premier morceau, la voix d’Holly,
forte, habitée, parfois mélancolique, légèrement nasillarde,nous enveloppe de son timbre vocal
unique, difficile à définir avec des mots écrits. C’est une voix qui n’a sa
place qu’à l’écoute et non pas à travers une écriture sur du papier ou sur la
toile du net -pas toujours net !-. On sent Holly heureuse de partager sa musique avec le public. Entourée de
ses musiciens d’excellence, chacun au top de son instrument de musique, Holly, également à la guitare déroule
son large répertoire où le rock et le blues sont rois. La guitare électrique de
Bradley Burgess (à noter qu'il sera sur le prochain album de Fabienne Delsol, elle aussi sur le label Damaged Goods) fait des miracles, tant son jeu est bluffant. Il a de l’or qui
coule le long de ses bras pour enflammer les cordes. Bruce Brand joue de la batterie avec une décontraction telle, qu’il
pourrait boire en même temps un verre de whisky, ou discuter quelque instant
avec vous. Il a la cool attitude et surtout une frappe unique. Sa force, c’est
d’avoir gardé la fraicheur de jeu des premiers jours, tout en ayant acquis de
l’expérience, sans en faire des tonnes. Juste la classe. Matt Radford à la contrebasse, fait également le job, en tenant en
prime la setlist. Entre chaque morceau, Holly
se retourne vers lui pour savoir la suite du set, et après quelque micro mise au
point (pour rappel, c’est la première date de la tournée), l’équipe joue
magistralement le morceau. Ce rituel sera là pendant tout le concert. Quand ça
joue, le public est bluffé par tant de brio juste naturel, comme porter un
t-shirt usagé des Sonics, des Cramps ou de
Nancy & Lee. Pour l’amateur de
la musique qui sent le bayou, le rock 50-60 sans poussière, ni toiles d’araignées,
bref du rock classieux comme un film en noir et blanc de Jim Jarmusch (dont on trouve la présence d’Holly sur deux morceaux de la B.O. du film -en couleur- Broken
Flowers). Avant que cette chronique ne devienne trop longue pour remplir le
chapitre d’un livre, on va juste conclure, avec le rappel où Russell et Saskia sont venus rejoindre
Holly pour un final festif. Cela valait la peine d’attendre 19 ans, en espérant qu’elle n’attendra pas autant pour
revenir, car là pour le coup le public présent au TMB -du moins une partie du
public- risque de venir avec un déambulateur.
Nota :
Remerciements à Philippe Migrenne
pour son aide érudite et à Gilles Barbeaux
pour les vidéos du concert. Sans oublier Cédric Caer qui a organisé le concert et Patrice Caillet, programmateur au TMB.