mercredi 23 février 2022

"DAHOVISION(S)" de Sébastien Monod (Médiapop & Chicmédias éditions) – 19 novembre 2021

De par sa longue carrière -remplie de succès- commencée en 1981, il y a eu tout au long des quatre précédentes décennies de nombreux livres et articles consacrés à Étienne Daho, l’icône de la pop à la française. Les livres les plus connus et mieux référencés sont, Une histoire d’Étienne Daho par Christophe Conte, L’éden retrouvé de Frédéric Tallieux, Portraits et entretiens de Benoît Cachin, Étienne Daho de A à Z par Hervé Guillemot et le livre sur ses fans, car sans eux pas de succès, Paroles de fans par Nathalie Pillet. Pour ne pas se répéter, écrire sur Étienne Daho (ED) en 2021 demande un angle, une autre approche via lesquels le chanteur n’a pas été évoqué à travers sa longue et généreuse carrière. Ce qu’a tenté de faire Sébastien Monod dans son ouvrage titré Dahovision(s).

Pochette de l’album "Mythomane" (1981)

Avant de présenter sa démarche éditoriale, une petite présentation de l’auteur. Sébastien Monod n’est pas journaliste musical (à l’inverse de l’ex Inrockuptibles Christophe Conte), mais un écrivain. Après des études de cinéma, de langues étrangères, il travaille dans la communication et commence en parallèle l’écriture de romans (près d’une vingtaine à ce jour) de nouvelles (une dizaine à ce jour), ainsi que des textes pour des chansons, de la poésie, le théâtre, des scénarios pour ses courts métrages, un livre avec ses photos, un autre sous forme d’essai sur l’acteur Montgomery Clift, l’enfer du décor qui obtient le prix de la Biographie 2019. Dans ce joli éclectisme accouché par le bout de la plume, Dahovision(s) est son premier livre consacré  à un chanteur compositeur, un artiste lié à la musique.

On arrive au contenu de Dahovision(s). Dans l’avant-propos, l’écrivain nous donne les éléments qui vont être la ligne directrice de ses mots en lettres noirs imprimés sur du papier blanc : "(…) nourris de références moins évidentes transparaissant au gré d’une image ou d’un mot qui révèle aux seuls cinéphiles ou littéromanes leurs origines. L’ambition de cet ouvrage est de livrer quelques-unes de ces citations savamment distillées par un auteur, compositeur, interprète, qu’un adjectif défini à merveille : esthète. Esthète, mais aussi fan avant de devenir lui-même idole." (Page 14)

Autre information qui a son importance, dans l’introduction, Sébastien Monod écrit : "Je ne suis ni musicologue, ni critique musical. Aussi cet ouvrage s’attachera aux autres arts plus en accord avec ma formation et mon métier : le cinéma et la littérature." (Page 24). 

Pochette de l’album  "La notte, la notte" (1984)

Ainsi tout au long des 300 pages, l’écrivain et fan d’ED, Sébastien Monod va décrypter le travail artistique d’ED à travers ses chansons, ses visuels (pochettes, clips) sous l’angle des références liées au cinéma, la peinture, la littérature, la photographie. Par contre les influences musicales (Françoise Hardy, The Velvet Underground, Syd Barrett, Serge Gainsbourg, Elli & Jacno…) sont justes en filigrane, car Sébastien Monod juge que ce domaine a longuement été traité dans les précédents livres et interviews parus dans les médias (presse, télévision, radio, internet). Le sommaire est rédigé sous la forme de l’ordre de sortie des albums de Mythomane (1981) à Surf (2020), un album de reprises. La compilation Singles (1998) fait également partie du sommaire. Toutes (ou presque toutes) les phrases des chansons qui évoquent un lien/source artistique passe sous la plume des références, décryptés par Sébastien Monod. Idem pour les visuels des pochettes et clips qui n’échappent pas au regard affuté de l’auteur, avec en preuve le face à face du visuel de ED mis à côté de l’œuvre en référence. Parfois, le rapprochement n’engage que la sensibilité de l’auteur, tout comme le fan de Daho qui voit ici et là des influences, pas spécialement validé par le cowboy lunaire. Parmi les influences évoquées dans le livre, on trouve côté cinéma, Les Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot (1955), Le Testament d’Orphée de Jean Cocteau (1960), La Dolce Vita de Federico Fellini (1960), Diamants sur canapé de Blake Edwards (1961), La Nuit de Michelangelo Antonioni (1961), Scorpio Rising de Kenneth Anger (1963), L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison (1968), Querelle de Rainer Werner Fassbinder (1982), Stranger Than Paradise de Jim Jarmush (1984), Twin Peaks de David Lynch (1990). Il y a beaucoup d’autres réalisateurs, acteurs, mais aussi écrivains, peintres, photographes qui sont cités au fil des pages : Francis Bacon, Edward Hopper, Pierre & Gilles, Yves Klein, Victor Vasarely, Guy Peellaert



La pochette de l’album "Corps & Armes" (2000) fait de l’œil à l’affiche  de Milton Glaser (1966)

Le côté positif, de toutes ces références évoquées,  c’est évidemment l’envie de voir ces films, de voir ces tableaux dans des expositions, galeries, de lire les livres de chevet d’ED, soit une soif de culture stylée, bien référencée. Le côté négatif de Dahovision(s), est justement la multitude de références données sur toutes les pages. Il faudrait avoir un carnet de notes, pour inscrire les titres, les noms -attention n'utilisez pas le Stabilo pour marquer les passages, ce serait un sacrilège, vue la qualité du papier-. Sans oublier de revisionner les clips après avoir vu les films nommés. Il y a, à la lecture de Dahovision(s), une boulimie d’informations, de références, qui peuvent parfois donner des maux de tête. Là on repose le livre, pour le reprendre quelques heures plus tard, ou le lendemain, avec de nouveau le cerveau disponible pour reprendre des notes. Sébastien Monod étant un écrivain, sa plume, son style d’écriture permet de parcourir ces 40 années de passions pour le cinéma, la littérature, la peinture, la photographie avec à la fois pertinence et érudit. On cale le rétroviseur, pour mieux appréhender le présent, le futur.

ED à l’Hôtel La Louisiane @ Ph. Nicolas Comment

Après les 300 pages consacrées à l’œuvre d’ED, la seconde partie du livre contient des entretiens précieux avec Étienne Daho imself et des proches autour de la musique, qui répondent aux questions concernant les influences, références artistiques, passions esthétiques d’ED: François Poggio, Jean-Louis Piérot, Jade Vincent (du groupe Unloved), Fabien Waltmann, Jean-Éric Perrin (connu pour sa célèbre rubrique Frenchy But Chic dans les pages de Rock & Folk), Jane Birkin (dont Étienne a produit le magnifique album Oh ! Pardon tu dormais…), Romain Winkler, Frédérique Veysset, Bertrand Fèvre, Héloïse Chouraki, Arnaud Valois, Ivan Beck, Malik Djoudi, Antoine Carlier. En prime « c’est cadeau ! » un portfolio couleur de 14 pages réalisées par Nicolas Comment le 14 juin 2021 à l’Hôtel La Louisiane à Paris. Cet hôtel situé en plein cœur de Saint Germain des Prés a vu passer des grands artistes aussi divers que, Charlie Parker, John Coltrane, Chet Baker, Archie Shepp, Billie Holiday, Miles Davies, Juliette Gréco, Boris Vian, Salvador Dali, Ernest Hemingway, Jim Morrison, Gene Vincent, Quentin Tarantino, Leos Carax… et oui, on respire un bon coup, car la liste des personnalités donne le tournis ! La photo en couverture du livre provient de la journée du 14 juin 2021 à La Louisiane.

On arrive à la page 367, avec le résumé d’un master class d’Etienne Daho en Suisse à Fribourg le mercredi 26 mai 2021. Ce rendez-vous avec le public s’est passé lors de la 35ème édition du FIFF (Festival International de Films de Fribourg). Si la musique à une place importante chez ED, le cinéma est également au coude à coude avec ses héros Lou Reed et Syd Barrett.

Sébastien Monod a-t-il réussi à percer tout ce qui trotte dans la tête de l’icône de la pop ? En partie oui, du moins son livre permet d’avoir en main de nombreuses références qui  confirment qu’ED, éternel passeur, a une connaissance artistique bien affutée et toujours en éveil. Bonne lecture !

ED à l’Hôtel La Louisiane @ Ph. Nicolas Comment

 https://sebastienmonod.com/

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https://mediapop-editions.fr/catalogue/dahovisions/

https://photodays.paris/Hotel-La-Louisiane