jeudi 16 septembre 2021

BENJAMIN LEW & STEVEN BROWN "Douzième journée: le verbe, la parure, l’amour" (Crammed Discs/L’Autre Distribution/[PIAS]) – 17 septembre 2021


Le label belge Crammed Discs poursuit la réédition remastérisée de quelques albums clés parus chez Made To Measure (Vol.12, Vol.1, Vol.5), ponctuée de nouveaux albums (Vol.45/ Nova Materia, Vol.46/ Aquaserge), avec Douzième journée : le verbe, la parure, l’amour de Benjamin Lew & Steven Brown publié initialement en 1982 sur Crammed Discs et intégré à la série Made To Measure (Vol.15) en 1988.

En 1981, Steven Brown rencontre Benjamin Lew dans le bar La Papaye Tropicale à Bruxelles. Benjamin Lew travaille dans ce bar, mais il est surtout photographe, artiste dans l’art visuel et poète. L’américain Steven Brown et ses compagnons, membres du groupe Tuxedomoon (Peter Principale, Winston Tong, Blaine L. Reininger), nouvellement débarqué à Bruxelles, sont des clients réguliers du café qui possède notamment un piano. Tous artistes, ils ne pouvaient que se rencontrer. Benjamin Lew n’est pas musicien, mais il joue sur un petit synthétiseur analogique, un Korg MS-10 qu’il a trafiqué, pour créer des nouveaux sons. Il joue ses petites pièces sonores à Steven Brown. Tombé sous le charme de sa musique de poche, il propose à Benjamin Lew de travailler ensemble. C’est le point de départ d’une collaboration, le temps d’un album.

Pochette de l’édition vinyle publié en 1982

Avec ce titre d’album -Douzième journée : le verbe, la parure, l’amour- en référence à l’anthropologue Marcel Griaule et à sa célèbre étude du peuple dogon du Mali, un petit préambule, lecture de texte de la part de Benjamin Lew s’impose:

"Le sifflement, grave et continu, annonçait l’imminence  de la prochaine tempête. Les hommes, calmes et silencieux, accroupis, le dos appuyé sur le mur, dessinaient distraitement dans le sable. Les femmes achevaient l’entretien des tombes. Dans un coin, les enfants, seuls à être vêtus de cotons colorés, déplaçaient des cailloux d’un tas sur un autre. Tout était parfaitement blanc. Pas une ombre. Les chiens aboyèrent. Femme, homme, enfants se mirent en route. Le vent en mouvement polissait les dunes. Chacun avait regagné son habitation. Le sifflement s’éclaircit et s’amplifia. Les chiens se turent. Je fermai le dernier volet et encadrai le châssis interne de boudin de jute. La radio allait s’interrompre. Je m’assis. A nouveau le temps était gelé." (Texte écrit à l’intérieur de la pochette de l’album)

 

Ok, je le conçois, ce texte brouille encore plus les pistes. Le mieux est d’écouter religieusement avec attention la musique de l’album, entièrement instrumentale. Steven Brown ne chante pas, mais joue du saxophone, du piano, de l’orgue et Benjamin Lew des synthétiseurs et boites à rythmes. Le boss du label Crammed Discs, Marc Hollander (Aksak Maboul, The Honeymoon Killers) joue de la clarinette et des percussions, le tout avec Gilles Martin à la technique. Le résultat donne neuf morceaux à la fois étranges et cinématographiques (plutôt un film d’art et d’essais en noir et blanc qu’une comédie musicale en technicolor). On est au carrefour de la musique contemporaine, du jazz, de la musique minimale et ambient. La texture sonore des mélodies et harmonies est importante, ainsi plus le support d’écoute sera de qualité, plus la découverte des sons, ambiances sera grande. Le mot "surréaliste" a souvent été employé pour définir cet album hors du temps, hors des modes. C’est en effet le mot qui convient le mieux pour trouver un point de chute dans cette aventure musicale. On peut y rajouter "poésie", même si l’album ne contient pas de texte. Le son aérien du saxophone possède cette légèreté poétique qui donne aux compos une dimension sans limite. A travers des petites notes, des textures de son, pendant 40 minutes, on a l’impression de voyager à travers le monde et plus particulièrement en Afrique du Nord, Proche-Orient et Asie. On ferme les yeux, on ouvre grand les oreilles et on se laisse porter par le talent de ces architectes du son. Ici l’espace et l’amour sont infinis...


https://benjaminlew.bandcamp.com/album/made-to-measure-vol-15-douzi-me-journ-e-le-verbe-la-parure-lamour

http://www.crammed.be/index.php?id=37&rel_id=521



mercredi 15 septembre 2021

YAN WAGNER "Couleur Chaos" (Yotanka records/[PIAS]) – 03 septembre 2021


Nous sommes le 15 septembre, l’été s’éloigne à grand pas, laissant venir à nous l’automne. Pour passer ce capte saisonnier en douceur, quoi de mieux que d’écouter la musique synth pop et new wave du dandy Yan Wagner. Dès les premières notes de Brexit, on est instantanément dans l’air des vacances, non loin de la plage et du soleil (de la Manche ?). Sa musique est légère et pétillante, comme les bulles de champagne qu’il est conseillé de boire pendant l’écoute de l’album, histoire d’être 100% raccord avec l’ambiance synthé eighties -Palace/Bain Douche/Rose Bonbon- sans prétention de l’album. Telle une Boule de flipper (Corynne Charby),  Main dans la main  (Elli & Jacno), Gaby oh Gaby (Alain Bashung), Disco Rough (Mathématiques Modernes), Naufrage en hiver (Mikado), Bons baisers d’ici (Alain Chamfort), le tout passé sous le mixer visuel de l’émission Platine 45 présenté par Jacky (qu’on retrouve dans le clip Parfum), émission qui a fait les belles heures des clips maison Antenne 2 entre 1982 et 1986, Yan Wagner redonne vie avec tact et sans vulgarité, au son new wave funk synthétique, avec une touche « variété » qui passait au TOP 50, sur Radio 7, le tout avec une légèreté pop classieux et fun du meilleur effet. Car Yan Wagner prend soin de ne pas faire un pastiche retro vintage du « c’était mieux avant ». Non, malgré le son évident de la pop synthétique des années 80, ses compos chantés principalement en français, sont jeunes et moderne. Mention spéciale au morceau déchirant Take It All, avec le chant mélancolique qui évoque le groupe Depeche Mode. Ce morceau qui a tout d’un tube, donne l’arme à l’œil. D'ailleurs, aucune faiblesse dans les 11 titres gravés sur l’album, elles ont toutes leur singularité pop, qui fait plaisir à écouter. La voix, le style de Yan Wagner est au carrefour d’Alain Bashung, Alain Chamfort, Étienne Daho, Dave Gahan (Depeche Mode) époque 80-85. Mi 90, l’anglais Jacques Lu Cont (Les Rythmes Digitales) avait repris à son compte cette forme de new wave synthétique tubesque. Le producteur, auteur, compositeur, chanteur Yan Wagner poursuit avec talent cette forme de friandise pop, avec en prime des textes qui font mouche : "Ça fait longtemps déjà, Que je pense à écrire ces paroles, Pourtant ça sert à Quoi ?, Ça revient presque à parler tout seul, Et si t’aimes pas ça ?" (Des cieux plus cléments). T’inquiète Yan, on t’aime ! Car tu fais briller notre quotidien. Tien après avoir écouté ton album, je vais enchainer avec l’EP Tropi-Cléa 2 de Cléa Vincent avec le tube Du sang sur les congas, sa fera un bon enchainement après Dernière Fête qui clôt l'album.


https://yanwagner.bandcamp.com/album/couleur-chaos

https://www.facebook.com/yan.wagner.official/