Stéphane Grégoire, boss et fondateur du label nancéen Ici d’ailleurs… (Yann Tiersen, Dominique Petitgand, Matt Elliott, Chapelier Fou, Zéro, The Third Eye Fondation, Gablé, Miet…) est un fan du duo anglais Coil. Le 13 novembre 2004, il est attristé par la disparition de John Balance, mort à seulement 42 ans suite à un bête accident de chute. Sa mort entraine la fin de Coil. Peter Christopherson (ex Throbbing Gristle, Psychic TV), l’autre binôme de Coil, préfère ne pas continuer l’aventure sans la présence de John. Par contre il suivra de près la réédition des albums et la publication de morceaux inédits. Stéphane Grégoire, à l’échelle de son label indépendant, décide de rendre hommage à Coil en mettant au point un album concept dans l’esprit des compilations This Mortal Coil créé par Ivo du label 4AD, où des artistes du label et autres invités reprennent des morceaux sur un thème global, dont ici ce sera des reprises de Coil choisies par Stéphane Grégoire. Le projet à pour nom This Immortal Coil (1). Avec l’aval de Peter Christopherson plus que séduit par l’écoute des interprétations, arrangements, en 2009, l’album The Dark Age Of Love voit le jour et la nuit enveloppé d’une magnifique pochette avec un ciel au lever du jour. Parmi les invités présents dans cet album, notant la présence de Matt Elliott, Chapelier Fou, Christine Ott, Yann Tiersen, Bonnie Prince Billy, Sylvain Chauveau, DAAU. The Dark Age Of Love est une pure réussite qui rend plus qu’un hommage à la musique de Coil, tant les versions sont sensibles, à fleur de peau. On sent que tous les participant à ce disque voulaient que les deux membres de Coil soit heureux d’écouter ses nouvelles versions venue de France, pays voisin de l’Angleterre relié par l’Eurostar et pas encore séparé par la douane lié au Brexit. L’album reçois un bon accueil auprès des médiats, du public à la fois fan de Coil, et d’un nouveau public qui découvre ce groupe essentiel, par l’intermédiaire de ce projet.
The Dark Age of Love (2009)
Le 24 novembre 2010, c’est au tour de Peter Christopherson de passer dans l’autre monde des mortels à seulement 55 ans. Après un album hommage à John Balance, un album hommage à Peter Christopherson ? La question taraude, hante l’esprit de Stéphane Grégoire. Il a pris tellement à cœur de mettre en place et en scène de bout en bout le projet This Immortal Coil, dont le titre résonne encore plus, avec en prime la bénédiction de Peter pour ce travail accomplit, pourquoi pas à son tour rendre hommage à ce grand homme qui a tant créer, apporté les bases dans la musique industrielle, électronique et dark, néo folk. Mais la tristesse est trop grande pour de nouveau, au moment du deuil, penser à une suite à This Immortal Coil. C’est en 2017, lors du projet ambient Ordcard avec les musiciens Aidan Baker, Gaspar Claus, Franck Laurino et Maxime Chalmin et du compositeur interprète Matt Elliott, que le projet d’un 2ème album prend naissance avec la composition du morceau Where are you. L’enthousiasme est là, "l’esprit de Coil est toujours vivant !".
Nous voici en décembre 2022 et l’accouchement dans le plaisir du deuxième bébé titré The World Ended a Long Time Ago. L’album contient 10 reprises interprétées par de nombreux musiciens et chanteurs.es, dont : Maxime Tisserand, Matt Elliott, Aidan Baker, Gaspar Claus, Kristoffer Rygg, Massimo Pupillo, Elisa Bognetti, Christine Ott, Shannon Wright, Aho Ssan, Eric Aldéa. Tout comme le précédent album, le choix des morceaux de Coil ne provient pas des albums expérimentaux à base de bourdonnement, de drone, et sons électroniques répétitives (Constant Shallowness Leads To Evil, Time Machines, How To Destroy Angels), mais d’albums et singles plus portés vers une atmosphère teintée de blues, de mélancolie, non loin de la prière, du recueillement païen. La couleur des albums Music to the play in the dark (1999-2000), Love’s Secret Domain (1991), The Ape of Naples (2005) et le single Winter Dolstice (1999) sont au menue de ce deuxième RDV avec la lune et les étoiles. Par contre, pas de reprises des albums cultes de la première époque de Coil, Scatologie (1985) et Horse Rotorvator (1986). L’ensemble des morceaux glanés dans la longue discographie de Coil, donne une unité de son, de style à l’album. La pochette noire, avec un des logos de Coil qui provient du verso de la pochette de l’album Scatologie, reflète bien l’ambiance sombre et lunaire qui se trouve à l’intérieur du disque. Dès l’introduction, avec l’instrumental Corybantic Ennuit joué à la clarinette par Maxime Tisseraud, on sait qu’on entre dans un monde à part, auquel, une fois qu’on y est installé, on n’a aucune envie d’en sortir. Le magnifique morceau Where Are You, chanté par Matt Elliott est tout simplement puissant, tant l’ombre de la voix de John Balance est présente. Ce morceau teinté de spleen, va donner la tonalité des 56 minutes de l’album. A savoir un blues cinématographique, hérité du cinéma muet expressionniste-hivernal en noir et blanc. L’esprit du film Les Ailes du Désir de Wim Wenders, avec la musique de Crime and The City Solution, Tuxedomoon se fait sentir. Mais aussi la musique contemporaine, néo-classique, spacieuse d’Arvo Part, dans le blues de Sixteen Horsepower et les compilations This Mortal Coil avec la merveilleuse reprise Song To The Siren de Tim Buckley et la série Made To Measure chez Crammed Discs. Oui, dans la musique électronique de Coil, il y a de nombreux styles qui sont là par pointillés pour former un ensemble unique et novateur. Ce deuxième volume est une belle réussite musicale, car l’âme du duo s’y trouve au plus profond du corps, pour le bonheur des amateurs de Coil (devenues orphelins) et surement rallier de nouvelles personnes vers ce groupe iconique de la musique contemporaine.
A noter que The World Ended A Long Time Ago est disponible en solo et en coffret/BOX couplé avec la réédition de The Dark Age Of Love et de Twisted by love qui contient des remixes et versions instrumentales.
Une partie des artistes avec Stéphane Grégoire @ Franck Loriou
(1): Ci-dessous les différentes étapes de la création et publication du projet This Immortal Coil raconté par Stéphane Grégoire. Texte issu du dossier de presse et retranscrit sur le site internet de Ici d’ailleurs… :
Novembre 2004 : Jhonn Balance quitte définitivement notre planète, mettant un arrêt définitif à Coil. Je suis ébranlé par cette nouvelle, la tristesse de la disparition de cet homme que j’admire et la fin d’un groupe unique que j’aime par-dessus tout. Pour la première fois dans ma carrière de label manager je décide de rendre hommage à cette cruelle disparition en formant un faux groupe où se retrouve des musiciens pour la grande majorité non habitués à la musique de Coil et d’en faire des versions «classiques».
2008 : Je rencontre Peter Christopherson lors de son concert avec Throbbing Gristle au festival Sonic Villette, je lui remets un disque gravé avec les premiers titres de This Immortal Coil. Quinze jours après, je reçois un e-mail de sa part me disant «It is the first time somebody with musical sensibility and talent has put so much time and effort into covering Coil songs. It totally passes my hairs on the back of your neck standing up !». Que pouvais-je espérer de mieux ? Le reste ne sera que du bonus…
2009 : This Immortal Coil «The Dark Age Of Love» voit le jour, sous la forme d’un super groupe composé de Yaël Naim, Bonnie Prince Billy, Matt Elliott, Yann Tiersen, DAAU, Christine Ott, Oktopus de Dälek, Sylvain Chauveau et bien d’autres encore. Peter Christopherson le met immédiatement en vente sur le site de Coil : The Threshold House, Il écrit pour celui-ci «The Most extra-ordinary, beautiful and moving re-interpretations of Coil I have ever heard!»
Novembre 2010 : mois funeste ! Peter Christopherson meurt dans son sommeil. Ce fut un choc pour moi, une perte incommensurable. Dois-je lui rendre hommage à son tour? Je l’avais fait durant son vivant, la question m’obsède mais la tristesse est forte, je ne m’en sens pas le courage.
2011 : Matt Elliott enregistre «The Broken Man», je rencontre à cette occasion David Chalmin et sa compagne Katia Labèque, tous deux me parlent de This Immortal Coil comme un projet sur lequel ils auraient aimé travailler. David deviendra un partenaire précieux pour le label Ici d’ailleurs.
2017: Je regroupe quatre musiciens de cœur Aidan Baker, Gaspar Claus, Franck Laurino et Maxime Tisserand pour un projet ambiant nommé «Orchard», nous évoquons différents groupes et Coil revient tout naturellement, nous parlons de «Where are you» pour sa rythmique. Contre toute attente, Il nous reste une matinée d’enregistre[1]ment libre, je fais appel à Matt Elliott et le titre «Where are you» est dans la boîte. Magnifique, sombre, puissant. L’esprit de Coil est toujours vivant ! Dois-je revenir sur ma décision de ne faire qu’un album? Je n’aime pas l’idée de surfer sur la popularité grandissante de ce groupe qui restera à jamais l’un des plus grands à mes yeux. Le projet «Orchard» est mixé d’une main de maître par David Chalmin, il est enchanté de pouvoir mixer «Where are you» et m’encourage à continuer.
2018: David me fait rencontrer Massimo Pupillo (Zü) pour parler d’une sortie de son projet en collaboration avec Thighpaulsandra -Uruk- sur notre division Mind Travels Series. Massimo est un grand admirateur de Coil, et me dit tout le bien qu’il pense de This Immortal Coil. Thighpaulsandra me raconte que Peter Christopherson diffusait This Immortal Coil dans les salles avant ses concerts, je suis extrêmement touché.
2020: Confinement. Je vis dans une petite cabane dans mon verger, un dimanche torride, enfermé dans le noir pour préserver un peu de fraîcheur, j’écoute «Where are you» version Orchard en boucle, ce titre me hante. Je fais une sélection de titres de Coil dans l’après-midi. Je sélectionne les premiers artistes qui pourraient y participer. J’envoie le tracklisting à David Chalmin pour en discuter, il est très enthousiaste. Dans le même temps, je retrouve dans un carton à la suite de mon déménagement la montre de Coil «The World Ended A Long Time Ago». Le message est là… C’est reparti ! Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis dit-on. Massimo Pupillo s’occupe d’enregistrer et de sélectionner des musiciens pour certains titres dont l’acteur Márton Csókás grand admirateur de Coil et belle surprise il m’annonce que le groupe Ulver seraient très heureux d’y participer. Ce nouvel album sera international et pluriel comme le premier. Cette fois-ci, This Immortal Coil sera composé d’amoureux de Coil, mais je veillerai à ce que ce ne soit pas fait avec un respect «transit», ce serait aux antipodes de l’image de Coil.
Juin 2022 : l’album est enfin mixé par David Chalmin, le second opus de This Immortal Coil «The World Ended A Long Time Ago» est finalisé. Ce fut à nouveau un long projet, mais tout comme le premier j’en suis très fier. Je pense que Jhonn et Peter le seraient aussi.
Décembre 2022 : sortie en LP, CD et coffret limité [comprenant la réédition du premier This Immortal Coil «The Dark Age of Love», Le second album, «The World Ended A Long Time Ago» et «Twisted By Love» comprenant remixes et versions instrumentales
Stéphane Grégoire
Chroniques des albums Music to play in the dark 1 et 2 ici: https://paskallarsen.blogspot.com/2021/02/coil-musick-to-play-in-dark-dais-27.html
https://paskallarsen.blogspot.com/2022/04/coil-musick-to-play-in-dark-dais.htm
https://thisimmortalcoil.bandcamp.com/
https://www.facebook.com/profile.php?id=100048828456431
https://icidailleurs.fr/world-ended-news/