Les Chiens Enragés (Cani Areabbiati en VO et Rabid Dogs/Kidnapped en anglais) est un film singulier dans la carrière du réalisateur italien Mario Bava (1914-1980). Réalisé en 1974, ce film n’est pas sorti en salle car le producteur Alfredo Leone a fait faillite suite à la mort accidentelle de l’investisseur Roberto Loyola. Le film a été saisi par les tribunaux, restant invisible sur les écrans de cinéma. Ainsi de son vivant, Mario Bava ne verra jamais son film sur les écrans. En 1997, l’actrice Lea Lander (Maria dans Les Chiens Enragés) achète les droits du film pour une sortie en DVD. A cette occasion il y aura une projection à la Cinémathèque française, dans une version dite "provisoire", car Bava n’avais pas eu le temps de finaliser le montage à cause de la saisie du film, ainsi Lea Lander s’est référée au montage provisoire de Mario Bava. D’où au début des années 2000, à l’initiative d’Alfredo Leone qui rachète les droits à Lea Lander, un autre montage réalisé avec Lamberto Bava, destiné au marché américain sous le titre Kidnapped. Ce montage -en bonus dans le combo Blu-ray/DVD qui nous intéresse ici-, contient des incerts réalisés par Lamberto Bava et une nouvelle musique composée à nouveau par Stevio Cipriani (1937-2018). Cette version n’a aucun intérêt, surtout à cause la nouvelle B.O. linéaire devenue sans intérêt. Ce combo édité par Sidonis Calysta, est la première édition française en Blu-ray/DVD master Haute Définition de ce film resté invisible sur les écrans de cinéma et invisible en vidéo sur les écrans de salon français. On est en 2022, on peut dire qu’on vient de loin, la patience a été récompensé, car ce film est un CHOC frontal !
Autre point singulier, Les Chiens Enragés n’est pas un film fantastique gothique, ni un Giallo, soit deux genres qui ont fait la renommée de Bava, mais un polar/thriller très violent et oppressant qui s’inscrit dans la tradition des Poliziottescos italiens très en vogue dans la botte en cette première moitié des années 70. Après les échecs de La Baie Sanglante, Baron Vampire et Lisa et le diable, Mario Bava veut réaliser un autre type de film. Avec Les Chiens Enragés, fini les couleurs tableaux/photos/picturaux chère à Bava et place aux couleurs naturels, dans un décor naturel avec moins d’esthétisme, d’érotisme fétichiste, mais une histoire cru et brutale, filmé d’une façon réaliste, plus proche du cinéma vérité, du reportage sur le terrain.
Synopsis :
"En plein centre-ville, des gangsters commettent un hold-up sanglant avant de prendre la fuite. Après avoir assassiné froidement une femme, ils en prennent une autre en otage, sous le regard impuissant des forces de l'ordre. Rapidement pris en chasse, ils investissent alors un nouveau véhicule, conduit par un brave père de famille qui emmène son enfant malade à l'hôpital. Dans la voiture, la tension est à son comble. Entre l'homme et les gangsters s'engage un véritable affrontement psychologique."
La performance du réalisateur, est que les trois quart du film se passent dans une voiture lambda avec six passagers (cinq adultes et un enfant), le tout en racontant une histoire en temps réel, soit 96 minutes en compagnie rapprochée de trois bandits avec deux otages et un enfant malade, pour échapper à la police. Le spectateur est également pris en otage et se retrouve à la fois voyeur, impuissant face à la situation. La caméra filmant les personnages à même le corps, on sent les odeurs de transpiration, car la course se passe sous un soleil de plomb, en ressent la tension nerveuse entre les bandits et les otages. Ici le mot "confiné" à tout son sens, tant on étouffe au contact de ces voyous. Ce qui surprend avec ce film de Mario Bava, c’est le coter crut des situations (notamment la scène où l’on voit Maria pisser par obligation devant les bandits Bistouri (car il n’arrête pas de jouer avec son cran d’arrêt) et Trente-deux (la taille de son sexe), du langage, de la violence et cette sensation d’étouffement, dut à la place réduite dans la voiture et ses voleurs turbulents et insolents. Le tout soutenu et porté avec la magnifique partition de Stevio Cipriani, présente tout au long du film. Sa musique est proche des compos de Ennio Morricone époque 70. Le thème joué au synthétiseur est prenant et fait monter l’adrénaline.
Pochette du vinyle 33 tours de la B.O. de Stelvio Cipriani (Spikerot Records – 2018)
Différent du Mario Bava qu’on connait, Les Chiens Enragés est un film étonnant qui s’inscrit dans les films dérangeants du style Avoir Vingt ans de Fernando Di Leo, La Proie de l’autostop de Pasquale Festa Campanile, La Dernière maison sur la gauche de Wes Craven et Comme des Chien Enragés de Mario Imperoli, où là le réalisateur ne cache pas qu’il s’est inspiré du film de Bava. Si vous avez les nerfs bien accrochés, prenez place dans cette voiture sans confort, sans clim mais avec des vilains garçons !
En bonus de ce film
inédit en France, il y a la version américaine du film, titré Kidnapped,
une interview d’Olivier
Père d’Arte, de Gérald
Duchaussoy et Romain
Vandestichele qui ont écrit le livre Mario
Bava, le magicien des couleurs (Lobster Films), le documentaire Con la
Bava alla bocca, le générique alternatif du début, la bande annonce et un livret de 24 pages
écrit par Marc
Toullec. Tous ses bonus donnent une flopée d’informations sur ce film, ses
versions et remake. Bref ce combo est chaudement recommandé aux amateurs de Mario Bava et du cinéma déviant.
Affiche du film "Comme des chiens enragés" de Mario Imperoli (1976)
Nota : Les images de la bande annonce ci-dessous n’ont rien a voir avec le combo, qui lui a une qualité top HD.
