Depuis 2015, l’Adami, FIP et le Disquaire Day
s’associent pour produire une série inédite de 45 tours en édition limité de
300 exemplaires numérotés. Chaque 45 tours est une association entre deux
artistes ou groupes de la scène française. L’enregistrement de la session a
lieu au studio 104 de la Maison de la radio à Paris. A ce jour, il y a eu 25 45
tours, soit 25 collaborations. Juste quelques noms : Moriarty avec Irshad &
Nishad Ali Kawa (2015), Arthur H
avec JP Manova (2016), Dionysos avec Emily Loizeau & Baptiste W. Hamon (2017), Rodolphe Burger et Arnaud
Rebotini (2018), Fred Pallem &
Le Sacre du Tympan avec MC Solaar
(2019), Magma et Chassol (2020) et Pierre Daven-Keller avec Barbara
Carlotti (2021). Chaque année il y a trois 45 tours, soit trois
collaborations. Elles sont publiées lors du Disquaire
Day dans le réseau des disquaires indépendants, la Fnac n’en fait pas
parti.
Parmi les trois publications de 2021, j’ai choisi de
vous présenter l’association entre Pierre
Daven-Keller et Barbara Carlotti.
En 2019, Pierre Daven-Keller a
publié le magnifique album Kino Music, qui rend hommage a une certaine idée de
la composition pour un film imaginaire qui aurait pu être illustré par Jean-Claude Vannier, Michel Colombier et François de Roubaix, le tout avec une
touche de Library Music du style Roger
Roger. Cet album a été une des bonnes surprises de l’année 2019. Depuis
2005, Barbara Carlotti publie des disques avec des chansons stylés et exotiques,
qui pourraient tourner autour de Les moulins de mon coeur de Michel Legrand et
passer un Week-end à Rome avec Étienne DahoElle fait partit des chanteuses françaises
qui plait a un public à la fois pop, rock et chanson.
L’association entre Pierre Daven-Keller (composition, basse et chœurs) et Barbara Carlotti (chant) sur les deux
morceaux du 45 tours est une réussite, car les deux univers ont en commun, de
produire une certaine sophistication de la chanson et musique française, dans
la tradition de Gainsbourg, Hardy, Christophe, Bashung, Daho. En face A il y le morceau Dakota Jim 2 et en face B la reprise Bang Bang. L’original a été composé en
1966 par Salvatore Bono pour Cher, puis reprise par Nancy Sinatra qui en a fait un tube et
enfin adapté en France par Claude Carrère
pour sa protégée Sheila qui en a
fait un tube francophone.
Dakota Jim 2, car le 1 titré Dakota Jim est sur l’album Kino Music de Pierre Daven-Keller. Le 1 est instrumental (mais avec en voix chœur
d’ange la grâce vocale de Claire Tillier) et le 2 est chantée par Barbara
Carlotti. La basse en avant, les sons 70 qui scintillent, on est bien dans la
combinaison Jean-Claude Vannier, Serge Gainsbourg, Jane Birkin, la Melody
intemporelle qui s'appelle ici Barbara, oui Barbara. Quelque part, ce 45 tours est le prolongement de l’album Kino Music qui avait déjà réunie de
belles voix féminines : Helena
Noguerra, Arielle Dombasle, Marena Galantier et Claire Tillier.
Évidemment, pour la reprise de Bang Bang, difficile de ne pas avoir en tête la version iconique de
Nancy Sinatra (la version de Sheila est plus discutable), mais une
fois posé la version du vinyle interprété par Barbara Carlotti, on se laisse rapidement séduire pas son timbre de
voix feutré et détendu. On pense un peu à Melody Gardot pour ce côté détaché et
stylé. L’instrumentation est soigné, l’acoustique du studio 104 est idéale pour
ce type de compo 60’s style Burt
Bachararch. Bref, un bien joli single qui n’a que le défaut d’être trop
court.
Les Loulous, -à ne pas confondre avec Loulou de Maurice Pialat-, sortie sur les écrans en 1977 est pour ainsi dire
l’unique long métrage de Patrick Cabouat.
En 2007 il réalise son deuxième film titré 1945, France année Zéro. Patrick
Cabouat a réalisé de nombreux court-métrages et surtout des documentaires
pour la télévision. En 1980 il a créé avec Jean-Luc
OrmièresOrca Production. Ils
vont produire quatre films, dont Rue
Casse-Nègres d’Euzhan Palcy.
Ainsi, réalisateur de documentaires, Les
Loulous serait-il juste une fantaisie dans la carrière de Patrick Cabouat ? Dans l’interview qui
est en bonus dans le Blu-ray, Patrick
Cabouat raconte qu’il a reçu une avance sur recette pour son scénario Les Loulous (titré Furie, puis changé pour ne pas faire l’amalgame avec le film de Fritz Lang) et un financement certes
modeste avec la productrice Véra Belmont.
Le film achevé, il est projeté en 1976 au festival de Cannes. L’accueil est
bon. Idem dans les médiats, sauf chez Télérama.
Malgré que le film ai une interdiction pour les moins de 18 ans (?), Les Loulous fait plus d’un million
d’entrées. Surprit de ce succès, Patrick
Cabouet n’a pas un autre scénario en poche pour embrayer. Il retourne à son
activité de réalisateur de film documentaire.
Ce coup d’épée dans l’eau est une déception pour le
spectateur qui aurait bien vu d’autres films du réalisateur, vu la qualité
scénaristique et visuel des Loulous.
Malgré un petit budget, le film est très soigné, les acteurs sont bons. On est certes
dans une série B, mais de bonne qualité, car dirigé et mené avec une équipe qui
connait son travail.
Synopsis :
"Dans les
années 1970, en banlieue parisienne, quand elle ne passe pas le temps à faire
de la moto dans les terrains vagues, une bande de jeunes paumés menée par Ben
joue les terreurs dans les quartiers. Ses exactions provoquent régulièrement
des conflits avec la population, notamment avec Tramoneur, le patron du café
servant de quartier général aux loubards. Jusqu'au jour où l'inévitable se
produit : à la suite d'une rixe, Dédé, le frère de Ben, est tué d'un coup de
fusil par Tramoneur. Ben jure alors de le venger… quelles qu'en soient les
conséquences !" (Retranscription du texte au dos de la jaquette du Blu-ray)
Les Loulous nous permettent de se
balader dans la banlieue parisienne en 1975, soit sept ans après mai 1968. Il
reste encore des traces de révolte, face à la société libérale des adultes et
des dirigeants. Les jeunes veulent vivre, trainer comme bon leur semble, et non
pas aller au travail à l’usine comme leur vieux. La moto, le rock, le flipper,
draguer, fumer, faire le con, voilà la vie à 18-20 ans. Mais pour la hiérarchie,
pour l’état, pour le bon déroulement de la société, ce mode de vie, n’est pas
envisageable sur le long terme. Il faut faire des études, son service
militaire, travailler, fonder une famille et consommer. Passer ses journées
entre un terrain vague, une place désertique, s’amuser à faire quelques
freinages en moto (ça fait du bruit) et passer le reste du temps au troquet où
l’on consomme juste une bière, car on n’a pas de pognon, sa fait jazzer les
adultes qui doivent allez au charbon et se farcir des heures de transports en
commun.
Jean-Louis Robert joue le
rôle de Ben, le chef de la bande. Valérie
Mairesse joue le rôle de Marie,
sa petite copine. Ben et Marie se rencontre lors d’un concert du
groupe Little Bob Story. Cette séquence permet de voir ce groupe
légendaire du Havre en concert. A noter qu’au milieu des années 70, Little
Bob Story avait la côte en Angleterre. Il faisait partie de la scène pub rock
du style Doc. Feelgood et Eddie And The Hot Rods. De par la
présence de Little Bob à l’affiche du film (leur nom est justement écrit
sur l’affiche), on aurait pu penser que la B.O. soit écrite par le groupe. Et
non, la B.O. est signé Horacio Vaggione et Elisabeth Wiener. Le
réalisateur a préféré mettre une bande son différente de la musique rock, ce
qui est une bonne idée, car la partition du duo est excellente. Du moins pour
l’amateur de musique ambient, électronique et électro acoustique, dans l’esprit de Tangerine
Dream, Klaus Schulze, Terry Riley et Pierre Henry. La composition crée une
ambiance/climat onirique proche du fantastique, surtout sur les séquences où Ben rêve et quand il se retrouve en
hôpital psychiatrique, car on le sait, pour mettre un jeune rebelle dans le
droit chemin, il faut lui faire des électro chocs et lui donner des calmants. C’est
dommage que la B.O. n’ait jamais été publié, car elle mérite d’être gravé sur
un support disque vinyle. (NDLR : cette chronique est une bouteille à la mer,
si un label li ses lignes, écouter attentivement la B.O. inédite des Loulous)
Mais
revenons aux acteurs. Patrick Cabouat a découverts Jean-Louis Robert
(à ne pas confondre avec Jean-Louis Aubert de Téléphone) au théâtre. Ainsi Les Loulous est son premier film et
apparemment le dernier. C’est dommage, car il à une bonne gueule de Loulou, il
tient bien son rôle. A ces côté, il y a l’actrice Valérie Mairesse qui a
déjà en 1977, quelques excellents films derrière elle, certes dans des petits
rôles : L’Agression de Gérard
Pirès, Sept Morts sur Ordonnance de
Jacques Rouffio, Adieu Poulet
de Pierre Granier-Deferre, Calmos
de Bertrand Blier, On aura tout vu
de Georges Lautner, René la Canne
de Francis Girod, un court métrage avec Agnès Varda, et par la
suite encore beaucoup de bons films, dont des succès populaire comme Banzaï de Claude Zidi. Pour la
petite histoire (source interview du Blu-ray), c’est Miou-Miou qui
devait jouer le rôle de Marie, mais
elle s’était engagée sur le film D’amour et
d’eau fraiche de Jean-Pierre Blanc. Pour se faire excuser, elle
présente au réalisateur Valérie Mairesse. Bonne « pioche »,
car elle joue d’une façon si naturelle (quel soit habillée ou nue), qu’on aimerait
qu’elle soit également notre petite amie. Ainsi Ben et Marie forme un joli
couple qui fait son nid dans la banlieue parisienne sous l’empire du président Valéry
Giscard d’Estaing et des présentateurs télé Léon Zitrone et Guy
Lux. Parmi les autres acteurs, notons la présence de Philippe Brizard
dans le rôle du commissaire Aubry.
Cet acteur a une filmographie impressionnante, dont de nombreux films réalisés
par Jean-Pierre Mocky et José Giovanni.
A ce stade
de la chronique, on a compris que la B.O. et les acteurs principaux sont
excellents. Qu’en est-il de la réalisation ? L’affiche est trompeuse, ne
vous attendez pas à voir un film de motards qui foutent la zone avec leurs
bécanes bruyantes. Certes, il y la zone, une bande de potes pas sage, qui aime
le rock, mais la mise en scène nous emmène ailleurs, vers le drame social (et
non pas le film de genre façon Roger Corman), comme un constat sur les
classes sociaux, dont la classe moyenne qui voit son pouvoir d’achat fondre et en sujet central, le
mal-être de la jeunesse. Il ne reste plus qu’à trainer, glander, passer le
temps en poussant quelque coup d’accélérateur.
Après l’extérieur en zone
urbaine situé en périphérie de Paris, la seconde moitié du film se passe dans
un hôpital psychiatrique, mais en moins trash que dans Vol au-dessus d’un nid de coucou de Miloš
Forman (1975). De part
ce lieu clôt et clinique, le film bifurque dans le drame/expérience mental, parfois
surréaliste (la fin du film), magnifiquement mi en image. On n’en dira pas
plus, pour ne pas spolier le film.
Le Chat qui Fume publie
avec Les Loulous un film perdu,
apparemment jamais édité en vidéo. Le film a été restauré en 2K par Le Chat qui Fume à partir des négatifs
image et son d’origine. Le Blu-ray est limité à 1000 exemplaires. Il n'y en aura pas pour tous les Loulous !
Il n'y a pas de bande-annonce du film. Si dessous un lien YouTube avec un court passage où l'on voit le groupe Little Bob Story. Évidemment la "qualité" de l"image ci-dessous n'a rien à voir avec l'édition Blu-ray.
Les deux musiques ci-dessous ne sont pas dans la B.O.du film. C'est juste pour vous donnez une idée de la musique composé en 1976 par Horacio Vaggione et Elisabeth Wiener.