Parade est un jeune groupe marseillais qui nous propose ici son premier EP 5 titres. Dans le groupe on trouve l’ex batteur de Quetzal Snakes. Parade compose une musique post punk qui nous évoque des groupes tels que Joy Division, The Sound, Echo & The Bunnymen, soit le son anglais du début des années 80 à la fois rêche, tranché avec une fine lame de riff, soutenue par une basse qui a beaucoup de caractère et en avant une voix inspiré et possédé. Certes Parade ne réinvente pas le style, mais de pars son énergie et sa poésie électrique, le groupe ne tombe pas dans le piège du plagiat et de la nostalgie pour faire plaisir aux jeunes cinquantenaires. Il ne reste plus qu’à attendre de voir si leur style se bonifiera sur le format album.
Enfin un petit mot sur la pochette. Pour un premier essai, Parade a reçu les services d’Elzo Durt pour leur concocter une pochette qui restera dans les annales graphiques. Depuis quelques années le belge Elzo Durt donne une image colorée, psychédélique et bizarroïde/surréaliste au petit monde du rock underground en leur concoctant des pochettes et affiches de hautes volé. Le premier client étant le label parisien Born Bad, qui a notamment publié un livre consistant sur la carrière graphique de cet artiste devenue incontournable.https://www.facebook.com/PARADE.MRS
https://www.facebook.com/lollipoplabel/
Je profite de cette petite chronique pour publier une interview d’Elzo Durt que j’ai réalisé en janvier 2015 pour le fanzine Abus Dangereux face 135 (mars 2015).
Autoportrait
En seulement quelques années, l’artiste bruxellois Elzo Durt a développé une identité visuelle très affirmée. Dans la sphère rock, son style de dessin ne passe pas inaperçu. Entre des pochettes pour le label Born Bad (La Femme, Francis Bebey, Frustration, Jack Of Heart), mais aussi les flyers, affiches, sacs, t-shirts, cartons pour l’Art Factory, pochettes diverses (Thee Oh Sees, Le Prince Harry), un jeu de carte et des expos, son coup de souris psyché remplit de têtes de mort, nous fascine, nous éblouit la rétine. Ses dessins sont remplis de menus détails. Le trait est très précis, c’est proche de la gravure. Les couleurs sont éblouissantes. Elles s’intègrent magnifiquement à l’intérieur du contour noir. Mais laissons parler l’artiste illustrateur.
Le goût pour dessiner t’est venu en voyant les pochettes de la collection de disques de ton père. Peux-tu nous dire quels sont les pochettes qui t’ont «émerveillé» ?
Oui, j’ai été baigné dès ma naissance dans les disques. Mon père m’a refilé sa maladie, l’achat compulsif de disques. Il écoutait beaucoup de punk, The Clash, Wire, The Cramps, Pere Ubu. Il y a plein de pochettes que j’adore, mais ce que je trouve génial avec les pochettes de disques, c’est que tu crées une image qui sera associée à tout jamais avec la musique. Tu as toutes les libertés que tu veux, il n’y a pas de règle ou de code, mis à part le format.
Ton style mixe avec réussite les affiches de concerts psychés à San Francisco dans les années 60 et le visuel constructiviste Russe des années 20. Comment ont fusionné ces deux styles?
Je travaille comme un sampler, je mélange plein de styles et j’en recrée de nouvelles images.
Je suis curieux, je regarde plein d’images, et je m’en inspire. Effectivement, les affiches psychés et les constructivistes m’ont influencé, mais plein d’autres styles aussi. Ce que j’aime dans ces deux-là, ce sont les compositions. C’est très léché, délicat et en même temps déconstruit.
Tu as fait des études à l’Ecole de Recherche Graphique de Bruxelles. Que t’ont apporté ces années d’études? Indispensables dans ton travail artistique ?
C’était super, ça date maintenant, c’était en 2003. A l’école tu n’as pas à te soucier de faire assez de pognon pour bouffer, tu as tout le temps pour créer. Et puis l’ERG est une école assez conceptuelle, du coup ça m’a obligé à réfléchir. On n’avait pas d’ordinateur et très peu de matériel, c’était à la débrouille. Au début, j’étais perdu, vu que je ne me sens pas très à l’aise avec le dessin. Il a fallu que je me trouve, que je trouve le bon moyen de m’exprimer. Il n’y avait pas vraiment de cours de Photoshop, donc il a fallu apprendre tout seul, ça a été laborieux.
Pochette du single “Midlife Crisis” de Frustration (Born Bad Records)
Ici en France, tu t’es fait connaitre à travers les pochettes de disques pour le label Born Bad et les flyers et affiches pour annoncer leurs soirées. Ton visuel fait maintenant partie de l’image du label. Peux-tu nous parler de ta rencontre avec JB, de ta façon de travailler sur les projets Born Bad?
J’ai rencontré JB à Bruxelles lors d’un concert de Frustration. J’avais fait l’affiche du festival où ils jouaient. Il m’a d’abord proposé de faire une affiche et petit à petit nous nous sommes très bien entendus. C’est super de travailler pour JB car il est très exigeant. Il me laisse toute la liberté que je veux, mais il ne me lâchera pas non plus tant qu’il estime que ce n’est pas abouti. Il me pousse dans mes retranchements. Et puis j’adore les choix qu’il fait, je suis très heureux de créer des images pour ses projets.
Ta dernière exposition à Paris (à la galerie 12Mail) avait pour nom Deus Ex Machina. Peux-tu nous parler de ce projet, de l’idée de départ?
Je voulais une thématique pour cette expo, que ce ne soit pas que des images disparates. Et bosser sur le thème de la religion était assez logique, vu que je travaille essentiellement à partir de vieilles gravures. J’avais beaucoup de documents sur ce thème et surtout ça m’inspirait. (1)
Ton travail est réalisé sur ordinateur. Lors du vernissage de Deus Ex Machina, tu m’as dit que tu ne savais pas dessiner à la main. Au final, cet « handicap » fait que tu dessines des œuvres très précises, avec beaucoup de détails. Peux-tu nous dire quelques mots sur ta technique (sans dévoiler tes secrets)?
C’est du collage sur Photoshop. Je scanne, je compose, je colorie, c’est assez simple comme technique. Mais du coup je dépends de mes documents. Sans documentation, je ne sais pas travailler.
A Bruxelles, tu as créé ta propre galerie. Peux-tu nous en parler, nous présenter la ligne artistique de ta galerie?
Hélas, c’est fermé aujourd’hui. J’ai tenu cette galerie presque quatre ans, ça s’appelait Plin Tub’. Je présentais essentiellement des illustrateurs, de la sérigraphie et puis il y avait un petit shop où tu pouvais trouver les livres du Dernier Cri, plein de fanzines, des disques que tu ne trouvais plus dans aucun magasin à Bruxelles. J’ai eu l’occasion de présenter dans la galerie beaucoup de mes illustrateurs préférés, comme Zeelot, Kerozen, Mike Diana, Bon Gout.
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En 2011, tu as créé, avec François (Froos), le label Teenage Menopause. Qu'est-ce qui t’a motivé à créer un label? Et quels sont maintenant les ambitions et l’avenir du label ?
Avant tout, c’est une histoire d’amitié et de passion : Froos, comme moi, est boulimique de musique. Nous avions envie de participer à cette scène que nous voyons et faire un label, défendre des groupes que nous aimons, nous semblait la meilleur solution. (2)
Ton travail est lié à l’image. Tu viens de Bruxelles, difficile de ne pas parler de BD. Enfant, étais-tu un lecteur de Tintin, Spirou, Gaston Lagaffe ?
Effectivement, gamin j’ai lu beaucoup de bd. Ces temps-ci j’ai moins le temps, mais j’adore ça. D’ailleurs je scanne pas mal d’éléments dans des bd pour mes images.
Elzo Durt est ton vrais nom, ou c’est ton nom d’artiste ?
C’est mon vrai nom.
https://www.facebook.com/elzo.durt/community/
(1) Extrait du texte de présentation de l’expo : « Les 15 images qui composent l’exposition d’Elzo Durt à la galerie 12 mail sont 15 facettes d’une seule et même obsession. 15 voyages dans une Bible de néon dont les versets auraient été écrits sur le comptoir d’un bar de Bruxelles par Elvis, les Sonics et Front 242. »
(2) Le label a édité des disques de Jessica 93, JC Satan, Le Prince Harry, Catholic Spray, Scorpion Violante…