Brune est le nom d’artiste de la
lyonnaise Caroline Bayenbrian. Après deux albums, Brune (avec le single pop Rupture
Song) en 2010, Sombre Animal en
2019, voici l’EP 5 titres Vendetta.
Si ses albums avaient une couleur chanson pop avec une touche variété, augmenté
d’une touche d’électro sur Sombre Animal,
ses nouvelles compos sur Vendetta se
sont durci pour flirter avec le rock. Sa démarche, on pourrait la rapprocher à
celle de Buzy et ses tubes eighties Dyslexique,
Engrenage, Adrénaline. Dans le
dossier de presse, on nous informe que "Brune sort ses griffes". Nous
voilà prévenu ! Ainsi, riff de guitare tendue aux abois, le chant en
français de Brune c’est durci pour y envoyer de l’adrénaline (tient,
tient…) et chanter dans le texte que "Le
corps est chaud comme de la braise" (C’est
tous les jours). Riffs saignants certes, mais aussi des sons synthétiques trempés
dans de l’acide FM, Brune en 2023 n’est pas calme, n’y mélancolique (ça
c’était avant), mais tout en énergie en rêvant du "chaos" (Des vagues et des avalanches). En 1986, Lio chantait Les brunes comptent pas pour les prunes.
Brune nous prouve avec son nouvel EP, qu’il faudra compter sur elle pour
faire du bruit, et faire bouger les lignes en secouant la tête. Après quatre morceaux bien relevés, l’EP s’achève
avec A l’abri, une ballade amoureuse
qui permet d’éliminer, de plus penser à la vengeance (vendetta en italien,
notamment dans le milieu de la mafia), à la rancune. Peace.
Petite remarque graphique, l’œil
sur la pochette de Vendetta évoque la
pochette du premier album éponyme du groupe pop anglais The La’s. Pour les plus anciens, spectateurs de la "petite lucarne", les yeux en noir et blanc (quand la pochette du CD de Vendetta est dépliée) évoquent aussi le générique de Les yeux des étoiles diffusé sur FR3 dans les années 70, sous une musique de Francis Lai.
La Cible (Targets en VO) est le film
type de la méthode Roger Corman, dont le titre de son autobiographie
prend ici tous son sens : Comment
j’ai fait 100 films sans perdre un centime (Capricci/HarmoniaMundi-2018). Réputé pour être très radin, Roger
Corman a la possibilité d’avoir le GRAND acteur Boris Karloff à sa
disposition suite à un accord avec l’agent de Karloff qui désire
récupérer une part des bénéfices du film L’Halluciné
– où Le Château de la terreur (The Terror en VO) sortie en 1963. Ce
film est déjà une tambouille réalisé sur les économies du film Le Corbeau (The Raven en VO) avec Boris Karloff. A la fin de la
réalisation du Corbeau, Corman
découvre que Boris Karloff peut rester deux jours de plus sur les
plateaux, avec les magnifiques décors, dont un château, ainsi pourquoi pas les
réutiliser pour un autre film. Ainsi en un week-end, avec l’aide des
techniciens toujours sur place, Roger Corman va une nouvelle fois
tourner avec Boris Karloff alors âgé de 76 ans, pour jouer le rôle du Baron Von Leppe. Jack Nicholson
également à l’affiche du Corbeau remet
le couvert pour L’Halluciné. Évidemment,
un week-end pour faire un film, ce n’est pas suffisant, mais toutes les scènes
avec Boris Karloff sont tournées, il ne reste plus qu’à la seconde
équipe de tourner les scènes supplémentaires (géré par trois réalisateurs en
plein apprentissage, soit Francis Ford Coppola, Monte Hellman, Jack
Hill, Jack Nicholson) et enfin au montage de faire de la magie pour
rassembler les scènes et rendre le film visible et compréhensible. Au final, la
réalisation de L’Halluciné n’a pas
coûté cher et va rapporter beaucoup d’argent grâce à la présence de Boris
Karloff à l’affiche. C’est sur le tard, que l’agent de Boris Karloff
découvre que L’Halluciné a rapporté
beaucoup d’argent, ainsi c’est seulement en 1967 qu’il demande sa part du
gâteau avec un bon pourcentage en prime.
Mais avec Roger Corman,
on n’a pas rien pour rien. Ok pour une part du gâteau bien énumérée, mais en
contribution, avoir deux jours de tournage avec Boris Karloff,
qu’importe qu’il soit âgé de 80 ans, qu’il ait des problèmes de santé,
notamment à sa jambe. L’agent a réussi à convaincre Karloff pour ces deux
jours. L’argent donne de la motivation! Il ne reste plus qu’à écrire un
scénario qui puisse utiliser deux jours de tournage avec Boris Karloff. Roger Corman aux finances fait appel au jeune Peter Bogdanovich qui
lui a déjà pas mal rendu des services en tant qu’acteur et scénariste,
notamment pour le film Les Anges sauvages (The
Wild Angels en VO), The Trip. De plus, pour Peter Bogdanovich alors
acteur, c’est l’occasion de devenir réalisateur pour le cinéma (pour la
télévision il a déjà réalisé un documentaire consacré à Howard Hawks) et
d’avoir un acteur légendaire à diriger. Corman lui donne un conseil en
or : "Tu prends un vingtaines de
minutes de L’Halluciné et ensuite tu tournes deux jours avec Karloff pour
obtenir vingt minutes supplémentaires. Rien de compliqué, j’ai tourné des films
entiers en deux jours. Puis tu tournes avec les autres acteurs pendant dix
jours, tu filmes encore quarante minutes et j’obtiens un tout nouveau Karloff
de 80 minutes." (Page 76, L’Ecran
Fantastique vintage n°14, spécial Roger Corman, juillet 2023). La
méthode Corman, c’est tout un art !
Âgée de moins de 30 ans,
c’est l’âge pour relever des défis, Peter Bogdanovich va faire
travailler ses méninges et trouver sans trop de difficulté un scénario qui
tient compte du conseil de son mentor Corman. Notre cinéaste en herbe va
imaginer un vétéran du Vietnam qui a perdu la tête. Il va tirer sur des gens
dans un drive-in. Le drive-in permettant de projeter le film L’Hallucinée. Au commande de La Cible, Peter Bogdanovich sera aux postes de
réalisateur, au scénario, au montage et acteur.
Synopsis de La
Cible :
"Byron Orlok
(Boris Karloff), célèbre acteur de films d’épouvante, a décidé de mettre un
terme à sa carrière. Sa dernière apparition publique aura lieu le lendemain à
un drive-in où il présentera son dernier film. Ce jour-là, Bobby Thompson (Tim
O’Kelly), un assureur fasciné par les armes à feu, abat de sang-froid sa mère
et sa femme. Bien décidé à ne pas s’arrêter là, le jeune homme poursuit sa
route, jalonnée de cadavres, jusqu’au drive-in…".
Le réalisateur Samuel Fuller va aider Peter Bogdanovich pour finaliser,
améliorer le scénario. Sur sa demande il ne sera pas crédité au générique,
Fuller ne voulant pas faire de l’ombre au débutant Bogdanovich. Le résultat donne un magnifique thriller bien monté,
qui ne ressent pas les contraintes de la réalisation, le côté bout de ficelle qui n'est heureusement
pas du tout visible à l’écran. Au contraire, on a ici affaire à un vrai film
qui tient le spectateur en haleine. Le film est tellement bien réalisé, bien monté, que Boris Karloff le considère comme son
dernier film, balayant La Maison ensorcelée de Vernon Sewell (1970), The Snake People de Jack Hill (1971), The Incredible
Invasion de Jack Hill (1971), El
Coleccionista de Cadaveres de Edward
Mann (1971). Boris Karloff rejoint
les étoiles le 2 février 1969 à l’âge de 81 ans.
La force de La
Cible est de faire cohabiter la vrais histoire de l’icône du film d’horreur
Boris Karloff alorstrès âgé, qui désire se retirer du monde du
cinéma, d’autant que le style horreur en 1968 n’est plus le même que celui des
années 30 avec les films Universal. En 1968, sur les écrans, c’est La nuit
des morts-vivants réalisé par George
A. Romero qui bouscule les codes avec ses images sales avec de la violence, du sexe,
pour un budget dérisoire de 114 000 dollars. Dans La Cible, il y a deux trois scènes qui
montrent l’humour de Karloff face à
son statut de monstre d’Horror films, notamment quand il sursaute quand il se
voit dans un miroir. La partie « tireur psychopathe » qui tire sur la
foule est inspirée de la fusillade de la
tour de l’Université du Texas à Austin le 1er août 1966 par Charles Whitman âgé de 26 ans, qui fera
16 morts et 32 blessés, après avoir tué sa mère et sa femme. Au bout de deux
heures, Charles Whitman sera tué par
les tireurs d’élites. Dans La Cible, notre tueur aura un autre sort.
La Cible fait
sa première en salle à New York le 13 août 1968, puis en septembre au festival
du film d’Édimbourg. La Cible n’aura pas de succès, car la même année, il y a
eu aux États-Unis deux assassinas importants, Martin Luther King le 4 avril, Robert
Francis Kennedy le 6 juin, ainsi le public américain n’a pas envie de voir
des films violant avec un tireur fou. En France La Cible sort en salle
le 31 mars 1971. La Cible n’a pas rencontré le
succès, mais a permis de montrer le talent de Peter Bogdanovich en tant que réalisateur. Ainsi en 1971 il va
réaliser le film La Dernière séance (The Last Picture Show en VO) qui va avoir plus de succès. Ce film avec le jeune acteur Jeff
Bridges est chaudement recommandé !
Carlotta Films vient de publier le film en Blu-ray, en DVD, le tout restauré en 2K
effectuée à partir d’un scan 4K supervisée par Peter Bogdanovich. Coté bonus, il y a le commentaire audio et une
présentation du film par le réalisateur, le doc Sidération par Jean-Baptiste Thoret et la bande
annonce. Pour les amateurs de goodies qui prennent de la place sur l’étagère,
il y a une version « prestige » limité à 2000 exemplaires avec fac-similé, jeu
de photos de tournage, affiche. A noter que la précédente version DVD, date de
2003 avec déjà le commentaire audio et la présentation du film.