La semaine dernière, à la boutique Born
Bad à Paris, j’ai trouvé d’occas cet album du groupe Medical Tourists.
J’ai été interpelé par la pochette qui ne m’était pas inconnu. En allant faire
un tour sur la « vieille » page Facebook du trio, je vois une photo
avec Jérémy qui tient le disque dans sa main. Jérémy a travaillé
dans la boutique de Born Bad, qui venais de déménager de la rue Keller, quand il vendait des disques et des vêtements rétro, à la rue Saint-Sabin, toujours dans le quartier de Bastille. C’est donc finalement à Born Bad en 2012, que j’ai vu cette pochette. Si Jérémy montre fièrement la pochette, c’est parce qu’il
a créé le micro label Import Export
Records. Il va distribuer en France cet album sorti sur le label américain Rerun Records. Import Export Records aura une toute petite vie, car à part l’album
de Medical Tourists, Jérémy ne va publier que le single State Of Shock du groupe Leaders.
Mais en juin 2013, Jérémy va créer un autre label, Danger Records, et va publier et rééditer des musts de la scène
post punk et synth wave (Charles de Goal/C.O.M.A., Plastix, OTO,
Sex Crime, Mary Bell…). Depuis 2019 et la sortie du single Fire Me de Cry, soit la 36ème
référence, plus de nouvel de Danger
Records.
Jérémy à la boutique Born Bad en
2012
Medical Tourists en concert, peint par Johnie
Medical
Tourists est un trio de Saint Louis, ville américaine
situé dans le Missouri au bord du célèbre fleuve du Mississippi. A la permanence
médicale, il y a Ann (chant, basse), Doug (guitare, voix) et Jason (synthé, boite
à rythme et effets sonores). Cette permanence n’a duré que 5 ans, de 2010 à
2015. Pendant cette période, le trio n’a publié qu’un album de 11 titres, sorti
en 2012. Medical Tourists compose une musique synth punk, avec une
touche noise, riot grrrl, dans l’esprit de Devo, Pylon, X-Rey
Spex, Kleenex-Liliput, Delta 5, Bratmobile, Bikini
Kill, Chicks on Speed. La voix d’Ann est énervée à point, sa
guitare au son sec est virulente, insolente, la basse de Doug est bien
rythmique en mode lo-fi, et Jason s’amuse comme un fou avec ses notes
mono DIY de son synthé jouet qui crache des "bip-bip". Sa pulse comme il faut,
pas un seul temps mort sur l’album, c’est punk, c’est frais, c’est top !
Bref l’aventure Medical Tourists fut courte du point de vus
discographie, mais leur seul vinyle, mérite d’être écouté sans relâche et à fort
volume.
Incer and Cut Production publie depuis 2017 dans sa collection L’œil du témoin –Ciné-club TV des DVD avec des téléfilms français qui
méritent de passer à la postérité de par leur qualité artistique. A ce jour il
y a eu sept DVD de publiés, dont Le
Moustique de Maurice Fridland réalisé en 1981, avec le grand acteur
qu’on ne doit pas oublier Jean Bouise (1929-1989). Avec L’Alliance, la collection L’œil
du témoin passe au film français sorti au cinéma. C’est une belle initiative
de la part d’Incer and Cut Production,
car à ce jour, le film L’Alliance était
inédit en support DVD.
L’Alliance a été réalisée en 1970 par Christian de Chalonge. A cette époque,
c’est son deuxième long métrage en tant que réalisateur, mais en tant qu’assistant
réalisateur, il a derrière lui un joli CV, dont La Vie à l’envers d’Alain Jessua (1964). Le film L’Alliance est une adaptation du roman
de Jean-Claude Carrière (1931-2021), édité en 1963 chez Robert Lafont. Jean-Claude Carrière est
écrivain, scénariste, parolier, metteur en scène et parfois acteur. C’est
surtout en tant que scénariste que son nom va entrer dans les mémoires. Il a
notamment travaillé pour Pierre Étaix, Louis Buñuel, Louis
Malle, Jesus Franco, et parmi sa longue filmographie en tant que
scénariste, on peut citer La Piscine (1969)
et Borsalino (1970) de Jacques
Deray. Pour L’Alliance, le
chalenge va être différent pour Jean-Claude Carrière, car il va être au
poste de scénariste de son propre roman, mais aussi acteur dans le rôle
principal, celui d’Hugues le vétérinaire.
L’autre rôle principal est tenu par une des grandes figures de la Nouvelle
Vague, la belle Anna Karina dans le rôle de Jeanne, qui va être son
épouse.
L’Alliance raconte l’histoire de Hugues
un vétérinaire qui recherche un grand appartement pour ouvrir son cabinet et
faire des recherches, mais au lieu de passer par une agence immobilière, il passe par une agence
matrimoniale, pour éventuellement trouver avec l’appartement, une propriétaire
qui pourrait devenir son épouse.
Dans les bonus du DVD, il y a une interview de Sylvain Perret qui
dirige la collection L’œil du témoin.
Il nous lit un passage d’une interview de Christian de Chalonge -parue à
l’époque dans un quotidien (Le Cri ?)-, de sa réponse à la question :
"Pouvez-vous raconter à votre façon, en quelques mots, l’intrigue de L’Alliance ?". Réponse du réalisateur :
"C’est avant tout une histoire d’amour de deux êtres parcourant un long chemin
avant de se rencontrer. Cela nécessite pour l’un et pour l’autre des trésors d’imagination,
d’angoisse et de peur. D’habitude les histoires d’amour finissent là où L’Alliance
commence. Cette histoire existe aussi que par la présence envahissante des
animaux qui pourraient être comme un prélude à un nouvel art d’aimer, dans la
mesure où ses animaux nous indiquent une certaine sagesse… Histoire
fantastique, certes. Le familier est fascinent. Si l’on se pose la question :
qu’y a-t-il derrière ce familier ? Derrière des années d’univers
personnel, derrière la promiscuité, la routine, les silences d’un couple, les
mensonges d’une femme et la jalousie d’un homme ? On trouve un gouffre
vertigineux… Si j’avais à raconter L’Alliance en quelques mots, je raconterais
une fable : Un vétérinaire épouse un appartement de 300m² pour poursuivre
ses recherche et en même temps, une femme qui n’a pas assez d’argent pour entre
tenir cette maison. Ils essayent de vivre ensemble, mais l’imagination est plus
forte. Pour lui, au départ cette imagination est liée à la science : sa
femme est peut-êtreun animal plus
intéressant que ses insectes. Pour elle, c’est une série d’inquiétudes qui se
greffent les unes aux autres. Quand ces deux imaginations se sont rejointes
dans un délire de peur et de doute, la bombe explose et met un terme à l’amour
à peine éclos."
Pas d’inquiétude, ces propos ne dévoilent pas l’intrigue du film. Car ce
film est avant tout une expérience visuelle, à la frontière du surnaturel. L’atmosphère,
les rapports étranges entre le couple installent le spectateur dans histoire
surréaliste. Le couple se vouvoie, ce qui donne une distance. La présence des
animaux, notamment des reptiles, dans leur grand appartement parisien, est ici
magnifiquement mit en scène. L’appartement est grand, mais comme avec la bonne, jouée par Isabelle
Sadoyan (à noter qu’elle fut la femme de Jean Bouise), on a envie de
le quitter, tant la présence de tous ses animaux n’est pas rassurant. D’autant
que la B.O. composée par Gilbert Amy, contient beaucoup de cris d’animaux qui peuvent finir pas stresser.
A ce sujet, les amateurs du film Phenomena
de Dario Argento devraient aimer ce film. Oui, L’Alliance est un film atypique
dans le paysage Français, qui mérite d’être (re)découvert. Le couple Carrière-Karina
fonctionne bien. A noter qu’une fois de plus la photogénique Anna Karina
porte des jolis vêtements, bien sixties, ce qui donne une patine sympathique au
film.
A sa sortie en salle le 15 janvier 1971, L’Alliance a été bien accueillie par la critique, mais n’a pas eu
de succès. Par la suite, à part quelques rares passages dans des festivals,
cycles, notamment au Forum des Images à Paris, un passage sur Canal +, L’Alliance est resté invisible des
écrans. Ainsi la publication de ce DVD est un petit évènement. Comme L’Alliance, ainsi que son premier film
Le Saut (1968) n’ont pas eux de succès, Christian
de Chalonge retourne comme assistant réalisateur. Il faudra attendre 1978,
pour qu’il réalise un nouveau film, ce sera L’Argent
des autres qui là, rencontrera un joli succès, avec notamment deux césars,
pour "meilleur film" et "meilleur réalisateur". Dans ce film, il y a les acteurs Jean-Louis
Trintignant et Michel Serrault, qui deviendra son acteur fétiche. Il
va de nouveau jouer dans son film culte Malevil
(1980), Docteur Petiot (1990) et Le Comédien (1997). Christian de
Chalonge va également réaliser des films pour la télévision, notamment
plusieurs épisodes pour la série Maigret
interprété par Bruno Cremer. Justement, la télévision, L’Alliance a été produit par L’ORTF, ce qui prouve une fois de plus,
qu’à l’époque, les pontes de la télévision soutenaient les projets originaux,
et pas foncièrement commerciaux.
Pour clore cette chronique, le DVD contient 50 minutes de bonus avec des
interviews de Jean-Claude Carrière, Sylvain Perret et Roland-Jean
Charna, qui permettent de nous éclairer sur ce film singulier, chaudement
recommandé à visionner. Même les râleurs du tout Blu-ray ultra ultra ultra HD,
ne passez pas à coter ce DVD certes non restauré, mais l’image est plus que correct.
