mardi 6 septembre 2022

"MAIS NE NOUS DÉLIVREZ PAS DU MAL" de Joël Séria (Editions Montparnasse) – 1er juillet 2022


Mais ne nous délivrez pas du mal est le premier film du réalisateur Joël Séria. Avant ce film, Joël Séria est comédien, mais suite à un accident, il décide de faire un autre métier dans le domaine du cinéma. En 1969 il réalise le court métrage Shadow qui se passe dans le milieu de la boxe, ensuite pour son premier film, il décide de régler ses comptes avec l’église, car il a passé 8 années en internat dans plusieurs écoles religieuses. Il se souvient d’un fait divers où deux jeunes filles tuent leurs parents, il est amateur de Lautréamont et plus particulièrement du livre Les Chants de Maldoror. Tous ses éléments vont se retrouver dans son premier film qu’il a écrit et réalisé.

Synopsis : "Deux jeunes filles (Anne et Lore), pensionnaires dans une institution religieuse, décident de vouer leur vie au mal. Filles de nobles, elles s’adonnent à diverses lectures perverses, contraires à la bienséance. En vouant un véritable culte à Satan, elles répandent le mal autour d’elles. Entre autres transgressions, elles provoquent des hommes, avec des conséquences progressivement dramatiques."

Pour Joël Séria, Mais ne nous délivrez pas du mal est un film très personnel qui parle beaucoup de son adolescence, mais à travers deux jeunes filles et plus particulière de Anne, la brune qui fait le mal en testant les pulsions des adultes. Le personnage d’Anne est interprété par Jeanne Goupil (Goupil est le nom de son chat). Elle est alors âgée de 20 ans, n’est pas encore comédienne, elle fait des études en Arts décoratifs. Elle s’est retrouvée dans ce projet grâce à un ami, -un chef opérateur qui vient de rencontrer Joël Séria lors d’une séance de court-métrage-, qui lui a dit que ce rôle est fait pour elle. Après la lecture du scénario, elle confirme que ce personnage d'Anne, c’est elle. Certes, elle n’a pas eu une éducation religieuse, mais communiste, mais pour elle, au final c’est la même chose, avec ses règles strictes. Pour faire le mal, Anne va utiliser, manipuler sa copine, Lore la blonde interprétée par Catherine Wagener (1952-2011). A la différence de Jeanne Goupil, Catherine Wagener est actrice. En 1970 (l’année du film), âgée de 18 ans, elle a déjà joué au cinéma dans le film Les risques du métier d’André Cayatte avec Jacques Brel et le film érotique Désirella (où Les Chattes pour la sortie en province-sic-) de Jean-Claude Dague. A noter qu’au cinéma,  Catherine Wagener va surtout jouer dans des films érotiques, dont Je suis frigide… pourquoi ? de Max Pécas (1973). Sa facilité pour se déshabiller, va lui permettre d’interpréter sans équivoque le personnage de Lore, surtout pour les deux scènes de viol.

L’histoire se passe en France, en province à la campagne au début des années 70, dans le milieu d’une famille bourgeoise. Le cadre de l’école catholique n’est présent qu’au début et à la fin du film. La grande partie de l’histoire se déroule l’été, pendant les vacances scolaires. Les parents d'Anne, un comte (Jean-Pierre Helber) et une comtesse (Véronique Silver), partent en vacance en laissant seule leur fille avec Léon le jardinier interprété par le grand acteur Michel Robin (1930-2020) et le domestique (René Berthier). Avec sa copine et voisine Lore, Anne va faire les 400 coups avec le panache d’une adolescente déterminée qui découvre Satan à travers les lectures de Lautréamont et Baudelaire et le pêcher. On n’en dévoilera pas plus, pour mieux découvrir ce premier essai réussi de Joël Séria en tant que réalisateur. Sans oublier la première prestation de Jeanne Goupil en tant qu’actrice qui illumine l’écran de pars son jeu d’un naturel sans filtre. A noter la présence dans le rôle du vacher, de l’acteur Gérard Darrieu (1925-2004) qu’on a vu en second rôle dans de nombreux films populaires et, une autre figure du cinéma français, Henri Poirier (1932-2005) dans le rôle du père de Lore.

S’attaquer à l’église, mais aussi aux bourgeois, même en 1970, en pleine révolution sexuelle, va évidemment faire les foudres de l’office catholique. Le film est censuré, est interdit en salle pendant 8 mois, mais aura malgré tout quelques projections, dont à la quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en mai 1971. Malgré des bonnes critiques, mais la censure à la dent dure, le film ne sera diffusé en France qu’à partir du 26 janvier 1972 et à l’étranger, notamment en Angleterre, Allemagne, Italie, États-Unis et Japon, où le film va devenir culte.

La rencontre entre Joël Séria et Jeanne Goupil va tellement bien se passer, qu’ils vont vivre ensemble, avoir deux enfants et Jeanne va jouer dans cinq films réalisés par son compagnon, dont le film culte Les Galettes de Pont-Aven avec Jean-Pierre Marielle. A noter que les peintures qu’on voit dans ce film sont de Jeanne Goupil, qui signe sous son vrai nom Jeanne Krier. Pour rappel le personnage de J.P. Marielle est Henri Serin, le représentant en parapluie qui vient en Bretagne pour se consacrer à sa passion, la peinture. L'union entre Joel et Jeanne est tellement forte, qu’ils sont toujours ensemble. On a pu les voir lors de la séance de dédicace du Blu-ray à Metaluna Store à Paris le 3 septembre 2022.

Joël Séria et Jeanne Goupil à Metalula Store le 3 septembre 2022 @ Éditions Montparnasse

Coffret 4 DVD -Studio Canal- 2006

DVD anglaise/américaine éditions Mondo Macabro -2006

 


DVD allemande éditions Bildstorung - 2012

La sortie de ce film en Blu-ray et DVD est un évènement, car a ce jour, ce film n’était trouvable en vidéo édition française que dans un coffret 4 DVD avec les films Charlie et ses deux nénettes, Les galette de Pont-Aven et …Comme la lune. Ce coffret sorti en 2006 chez Studio Canal était devenue hors de prix. Pour voir ce film en DVD seul, il fallait se rabattre sur l’édition anglaise puis américaine avec le titre Don’t Deliver Us From Evil publié en 2006 par l’excellent Mondo Macabro . En 2012, c'est l'éditeur allemand Bildstorung qui publie le film en DVD. 10 ans plus tard, voici le film en édition Blu-ray et DVD publiées par les Éditions Montparnasse dans une version restaurée en 4K. Côté bonus, il y a deux interviews de Joël Séria réalisé en 2006 et en 2022, une interview de Jeanne Goupil réalisée en 2006 et Le journal de l’année 1970, supplément non essentiel. A noter que Mondo Macabro va également le rééditer en Blu-ray avec d'autres bonus. Cette info est évidemment destinée aux collectionneurs pas rassasié avec la belle édition des Éditions Montparnasse.

VHS française éditée par  Master Production - 1982

Pour être complet côté sortie du film en vidéo, en 1982, l'éditeur Master Production l'a publié en VHS, mais seulement disponible à la location. Il fallait avoir de la chance pour la trouver, car cette vidéo était peut disponible dans les vidéos clubs. (Merci à Bruno de Metaluna pour cette précision). Petit nota: Apparemment Master Production a eu une vie très courte, et n'a publié que cinq VHS en 1982: Raspoutine de Georges Combret, Los Machos de Georges Hilton, Zorro, Marquis de Navarre de Jean Monty, Un de la légion de Christian Jacques et Ne nous délivrez pas du mal. Cet éditeur est tellement petit, qu'il ne figure pas dans le livre VHS Story de Lucas Baldo.

Joël Séria et Jeanne Goupil au début des années 70 @ DR

https://www.editionsmontparnasse.fr/p1969/Mais-ne-nous-delivrez-pas-du-mal-DVD

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lundi 5 septembre 2022

ANN PEEBLES "This is Ann Peebles" (Fat Possum Records/Hi Records) – 20 mai 2022


 

Le label indépendant américain Fat Possum Records (R.L. Burnside, Bob Log III, The Black Keys, T-Model Ford) d’Oxford dans le Mississippi, a racheté en 2008 le catalogue Hi Records. Ce célèbre label américain de Memphis, de soul music a publié des perles tout au long des années 60 et 70 : Al Green, Syl Johnson, Otis Clay et Ann Peebles, dont son premier album This is Ann Peebles, sortie en 1969, vient d’être réédité pour la seconde fois par Fat Possum Records.


Ann Peebles est née à Saint-Louis (Missouri) le 27 avril 1947. Septième d'une famille de onze enfants, elle est la fille d'un pasteur et d'une chanteuse et fait ses débuts dans la chorale de l'église et dans le groupe familial The Peebles Choir, fondé par son grand-père. Autant dire qu’elle est née dans un environnement 100% musical. Formée à l'école des clubs du sud des États-Unis, elle entre chez Hi Records par l'intermédiaire du trompettiste Gene Miller et enregistre sous la houlette de Willie Mitchell son premier album titré tout simplement This is Ann Peebles. Elle a 22 ans, les présentations sont faites ! Pour les amateurs des compilations Pebbles -près d’une trentaine parues dans les années 80’s-, spécialisées dans le psyché, garage rock, ce nom de famille -certes avec un "e" à la place du "b"- ne peut pas laisser insensible. Mais avec Ann Peebles, point de garage rock. Avec elle il s’agit de la soul, plus précisément du Memphis Soul, de haute qualité qui parle à l’âme, à l’esprit dès les premières notes de  musique cuivré et surtout de sa voix chaude et habitée. Elle a fait l’école du gospel, cela s’entend, mais elle apporte en plus la fougue « rock’n’roll ». Il suffit d’écouter le morceau My Man, He’s a lovin’man avec son rythme qui donne une gifle aux jambes. La voix d’Ann fait le reste pour nous emballer. C’est du TOP and the SOUL sans fioriture ! Le son de l’album fait trembler les murs. Les 12 morceaux sont enregistrés au Royal Studios avec un Ampex 8 pistes sous la main experte du producteur Willie Mitchell. Et oui, sur un 8 pistes, pour être au plus près de l’artiste, pour être au cœur du rythme sans triche, sans faux semblant. La voix d’Ann Peebles est excellente pour l’exercice des reprises. Sur This is Ann Peebles, elle ne fait pas pâle figure pour reprendre avec sa force vocale, les morceaux Chain Of Fools d’Aretha Franklin, Respect d’Otis Reeding, Crazy About You Baby composé en 1951 par Sonny Boy Williamson et repris en 1969 par Ike & Tina Turner, It’s Your Thing des Isley Brothers. Ce n’est que du bonheur, non pas dans le pré, mais le long du Mississippi. En prime, la pochette au graphisme psychédélique en impose, tant elle est classieuse et divinement sixties.


Petit nota de clôture : En 1974 Ann Peebles publie son 4ème album avec le morceau titre I Can’t Stand The Rain. Ce morceau, écrit par Ann Peebles et son mari Don Bryant est sorti en single en 1973 et va atteindre la 38ème place au Billboard 100, la 6ème place au Hot R&B/Hip-hop Songs et la 41ème place du classement des singles en Angleterre. Ce morceau sera son plus grand succès. Justement en Angleterre, ce tube a laissé des traces, ainsi en 1978 le groupe anglais The Eruption reprend ce morceau en version disco, du style Boney M. C’est un succès international, faisant presque oublier la version originale. Mais évidemment, avec le temps, c’est la version originale qui va rester, grâce à sa patine intemporelle. La disco commerciale, face à la soul, ne fait pas le poids face au compteur des années qui passent.

https://fatpossum.com/collections/hi-records

http://hirecords.com/