Best renait une fois de plus de ses cendres. Les moins de 35 ans n’ont pas connue ce mensuel consacré à la musique pop, rock et folk. Créé en 1968, avec en sous-titre La meilleure actualité de l'évolution musicale, le magazine Best est le concurrent direct à Rock & Folk. Best a connu son heure de gloire côté vente de numéros en kiosques, tout au long des années 70 (100 000 exemplaires en 1974) et en grande partie dans les années 80 (185 000 exemplaires en 1980). Alors que Rock & Folk était un peu à côté de la plaque quand la musique punk est arrivé, Best était quand à lui bien porté sur ce mouvement, puis sur l’after punk, le hard rock, le reggae, le ska, la new wave et même le rock français avec la célèbre rubrique Le rock d’ici, sans oublier la rubrique In the city rédigé par le correspondant en Angleterre, Bruno Blum.
Couverture Best n°156, juillet 1981
Rock & Folk prenait moins de risque avec les nouveaux courants, pour continuer (comme aujourd’hui en 2022) avec The Rolling Stones, The Beatles, David Bowie, Pink Floyd. A partir de 1985, les ventes de Best commencent à chuter, jusqu’à la fin de la publication en 1994. En décembre 1998, il y a une première tentative de renaissance, mais qui fera flop en 2000 après la parution de quelques numéros. En 2000, c’est la musique électro qui a le vent en poupe, le rock, résiste comme il peut. Côté magazine musical, c’est surtout Les Inrockuptibles qui tire le mieux son épingle du jeu, avant de connaitre à son tour le déclin en devenant un hebdomadaire qui se rapproche de Télérama.
2ème de couverture du Best #1 Hiver 2022
Nous voici en 2022, avec une
nouvelle tentative de re-lifting de la revue Best. Ici rien à voir avec la version mensuel des années 70 et 80.
Le numéro, -devenue trimestriel-, et son prix (15 euros) s’apparente à la
formule mook (mi livre/mi magazine) avec 162 pages de pop culture et non plus
exclusivement consacré à la musique. "Cela
n’aurait aucun sens de nos jours" selon l’édito de Patrick Eudeline, journaliste
renommé de Rock & Folk et Best ancienne version, qui devient le
rédacteur en chef de Best version .22.
Si la musique est bien là, il y a aussi des pages mode (styles, fringues,
objets), de la photo, de la consommation, phénomènes de société avec des
dossiers, des articles de fonds, des chroniques et découvertes. Avant d’entrer
dans le sommaire de ce #1, commençons par une critique de forme : la
qualité du papier. Certes le papier recyclé, c’est cool pour la planète, mais
nettement moins cool pour mettre en valeurs les photos pleines pages du
photographe Markus Klinko (David Bowie, Pharrell, Tommy Lee, Lady Gaga,
Beyonce), les photos glamour de Dita Von Teese, en couverture glacée, en poster (souvenir de l’ancienne version de Best) du numéro et les photos clubbing de Jeanne Boulet. A cause
du papier recyclé et non glacé, les photos sont ternes, comme absorbés par le papier buvard. Il faudrait que David
S. Kane directeur de la publication se procure un numéro du FANZINE Persona, pour voir que la qualité du
papier a son importance. Pourtant lui (sans jeu de mot) qui a racheté Playboy et Photo, devrait savoir que le glamour rock et cuir, aiment le
relief, le toucher et non pas l’impression mat tout triste avec un papier au
fort grammage. D’autant qu’en décembre 2010, les éditions Le Castor Astral ont publié le livre Best of Best : Les années 1968/1979 avec un papier, mise en
page qui était plus proche de la photocopie que le papier offset. Best aurait dû en prendre note, car il
n’y a pas eu le Tome II sur les années 80-94, qui aurait du paraitre en
2011. Aussi la ressemblance "physique" de ce #1 avec le mag. Gonzai est trop flagrante, d'autant que le sommaire de ce Best n'arrive pas jusqu'au zizi de Gonzai.
Pages intérieures et poster du Best #1 Hiver 2022
Justement, on passe au sommaire. Déjà le texte est aéré. Certes, cela fait plus de pages, mais surtout du bien aux yeux. Dans la liste des collaborateurs, on voit quelques plumes connues, en commençant par Gérard Bar-David, Philippe Lacoche (monsieur Rock d’ici) et Bruno Blum qui ont fait partir de Best à partir de la belle période des années punk. On continu avec Yannick Blay (New Noise, ex D-Side, Elegy, Obsküre papier devenue webzine) qui écrit sur la musique/mouvement qu’il aime, le gothique. L’ex parolier et manager du groupe Bijou, Jean-William Thoury a écrit un article de six pages sur Gilbert Bécaud. A ce titre, je vous conseille de regarder sur le net, l’émission Bécaud and co (1968) de Jean-Christophe Averty consacré à ce monsieur 100.000 volts. L’ami de Zemmour, Eric Naulleau chronique deux livres (sic), le dandy Jean-Emmanuel Deluxe chronique deux albums, mais n’écrit pas sur les Sparks, laissant ce sujet, avec une interview (de 2014) à Bar-David qui signe aussi un papier sur… un concert des Stones. Décidément même en 2022, on y échappe pas, d’autant que David Bowie via le photographe Markus Klinko est aussi au sommaire, du moins en photo. Patrick Eudeline écrit plusieurs articles, dont un sur trois Rock critics qui ont publiés un livre, sujet qu’il connait bien : "Mon Dieu, que ce mot est ridicule !" en intro et "Wedding Present que je n’ai, bien sûr jamais écouté" -référence au livre Passeur de JD Beauvalet- en fin de texte. Comme il est le rédacteur en chef, Eudeline se fait plaisir, et consacre quatre pages au blouson en cuir avec une interview du psychologue et créateur de mode, Jean-Claude Jitrois. Perrie Hecker a écrit un article sur la danseuse et scandaleuse Janie Jones, dont les Clash en font le titre d’une chanson gravé sur leur premier album (1977).
Je passe à la vitesse supérieure avec au sommaire pêle-mêle : The Faces (le groupe avec Rod Stewart), Bruno Blum défend Eric Clapton au sujet de l'antivax, Plastic Age, Feu ! Chatterton, Barbara Carlotti, Reverend Beat Man, la rubrique Nouvelle scène avec Sabine Happart, Marc Mélia, Bernardino Femminelli, Reymour, Naomie Klaus, Jumbo Layer (avec Gilles Riberolles, ex plume de Best et ex Casino Music)… et Zombie Zombie qui existe depuis 2006, soit 15 ans et bientôt le 8ème album sur Born Bad,. On complète les pages avec le producteur et tourneur Alain Lahana, le chanteur/compositeur Marc O (à ne pas confondre avec Marc‘O réalisateur du film culte Les Idoles -1967-), les tribute bands (sic), le Vélosolex (re-sic), la rubrique Flashback avec un fac-similé de 10 pages de deux anciens numéros avec une interview de Serge Gainsbourg (Best de 75), les Sex Pistols (Best de 77). Enfin pour finir, des chroniques (disques, livres, lieux). Soit au final, un numéro qui mélange vintage, tendance, dans un style coincé entre la pub pour une marque de vêtement rue du faubourg Saint-Honoré à Paris et une marque de son hi-fi à 35 000 euros la paire d’enceinte.
Bref, j’ai testé le #1 et ma foi, il y a peu de chance qu’à 15 euros en kiosque et un sommaire "fourre-tout" imprimé sur un papier bas de gamme, j’en reprends pour un #2. Best, (le retours) pour moi, c’est bel et bien fini.
Nota du 20/02/22: Le journaliste Jean-Eric Perrin a tenu la célèbre rubrique Frenchy But Chic dans Rock & Folk. Ensuite il a écrit et tenu le poste de rédacteur en chef adjoint dans Best pendant 12 ans. Il a posté sur sa page Facebook, un longue critique titré "Worst" (Pire) sur ce Best #1. Autant dire que suite à la lecture de ce #1, il n’est pas contant du tout, il a bien raison. Ces remarques sont justes, on y apprend qu'il y a des journalistes proches de la droite de la droite (le mensuel Causeur). La cocarde tricolore sur le visage de Dita en couve, non présente sur le poster, aurait-elle un sens politique ? https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=10159472115366855&id=812806854
Reverend Beat-Man
https://www.facebook.com/groups/28885638622/