jeudi 1 juillet 2021

HELENE BARBIER : Spontanée !


J’ai découvert Hélène Barbier grâce à Tom d’Howlin Banana Records et de Fun Club, une nouvelle agence de relation public, créé en juillet 2020. Connaissant les goûts de Tom, il y a peu de chance qu’il défende un ou une tricard.e, on est à coup sûr d’avoir une heureuse surprise, comme avec Regulus, le 2ème album d’Hélène Barbier sortie le 18 juin dernier. Comme j’ai beaucoup aimé l’album (1), j’ai envoyé des questions à Hélène Barbier, via le Fun Club. Merci à Hélène d’avoir pris le temps de répondre avec des détails et anecdotes à mes questions. Allo Montréal ? ici Paris !

Vous êtes née en Picardie. Vous pouvez en quelques mots nous retracer votre parcours musical avant votre départ en 2012 pour Montréal. Ce départ était lié à votre travail ?

La première fois que je suis venue à Montréal c’était pour un stage de fin d’études chez un éditeur musical. J'avais l’impression que tous les gens que je rencontrais faisait de la musique, et c’était toujours sans prétention même quand il s’agissait de ‘têtes d’affiches’ ou de personnes qui vivaient de leur musique, et puis on parlait souvent de commencer un groupe avec ma colocataire de l’époque, c’est comme ça que Moss Lime (mon premier groupe) a pris forme. Une amie d’ami nous a proposé de jouer en première partie de son groupe, nous n’avions que deux chansons, et elle nous a dit que nous n’avions qu’à en faire deux ou trois autres et ça suffirait pour le show. Et ensuite Fixture records (https://fixturerecords.bandcamp.com) nous a proposé de sortir une cassette de nos chansons. Avant cela, j’étais convaincue que pour devenir musicienne, il fallait maîtriser la technique et le solfège, et je n’aurais pas osé penser la pratique de la musique comme je la pense aujourd’hui. C'est-à dire que maintenant je suis musicienne, je ne connais pas la technique et je n’en ai pas besoin. Quand j’étais petite mes parents me faisaient prendre des cours de violon, mais je trouvais ça très ingrat et je ne me souviens pas avoir éprouvé beaucoup de joie avec la méthode par laquelle cela m’était enseigné et j’étais mauvaise.  Et contrairement à la médecine ou l’aéronautique, être musicienne autodidacte ne fait de mal à personne et ça m’apporte beaucoup de joie.  

Moss Lime

De 2012 à 2019, vous avez jouez dans deux groupes, Moss Lime et Phern. Vous pouvez nous décrire le style, différences entre ces deux groupes, et nous raconter cette expérience ?

Moss Lime c’était le premier groupe de chacune des membres, c’était spontané et vraiment le point de départ pour moi. C’était décrit comme un groupe post-punk, et je me souviens que nous ne voulions aucun effet sur nos instruments et voix, on voulait que cela soit brut et naturel. C’était aussi très surprenant pour nous que des gens nous proposent de jouer si souvent, et nous avons fait une tournée en Europe, c’était vraiment une chouette première expérience.


Avec Phern c’était différent, j’ai commencé le groupe avec mon ami Ben Lalonde, qui est un excellent guitariste et puis très vite nous avons demandé à Christian Simmons, notre ami excellent batteur (Couleur Dessin, Each Other, Sheer Agony …) de nous rejoindre. C’était la première fois que je jouais avec de très bons musiciens, et ceci étant dit, ils ne m’ont jamais fait sentir que je n’étais pas à la hauteur techniquement, je pense que c’est aussi à ça qu’on reconnait un bon musicien ! Il y avait aussi beaucoup de spontanéité avec ce groupe. J'enregistrais une ligne de basse, et pendant que Ben écrivait et enregistrait ses parties de guitare, j’écrivais les paroles, ensuite nous donnions le tout à Christian qui ajoutait la batterie. Notre amie Sarah avec qui nous aimions beaucoup passer du temps nous a rejoint au clavier et au chant pour les concerts, et puis Mike qui jouait avec Christian dans Each Other nous accompagnait à la guitare. Le son du groupe était plus travaillé, c’était une histoire de compromis constant lors du mixage, mais on y arrivait quand même ! Ensuite certains membres du groupe avaient des projets différents et c’était le moment d’arrêter.

Qu’est-ce qui vous a motivé, l’élément déclencheur qui vous a donné envie de partir en solo, après ces années en groupe ?

Après Phern, j’avais toujours envie de faire des chansons et mes amis m’ont offert une carte son pour mon anniversaire, et j’ai pu commencer à enregistrer des démos toute seule.

Les morceaux du premier album en solo ont vu le jour au moment de réaliser ce disque ? Ou bien certains étaient déjà écrits depuis des années ?

Oui. En général, dès que j’ai fini des chansons, je souhaite les sortir le plus vite possible, c’est très rare que je garde une chanson sous le coude pour plus tard. Sur le premier album, il y a une adaptation d’une chanson que l’on jouait en live avec Phern, mais que nous n’avions pas encore enregistré, Where is The dog ? je suis contente de l’avoir enregistrée pour mon album solo car sinon elle serait perdue.

Quel était le message, la ou les thématiques que vous vouliez faire passer avec Have You Met Elliott ?

Je ne me souviens plus très bien de l’état d’esprit dans lequel j’étais pour le premier album, mais Elliott c’est l’enfant de mes amis qui a dû subir de nombreuses opérations chirurgicales à la naissance, (il va très bien aujourd’hui !) et dans ce contexte je n’avais aucune tolérance pour les comportements hostiles ou futiles, les comportements de cours de récréation.


C’est vous enfant sur la pochette de Have You Met Elliott ?

Oui, pour mon premier album solo, je voulais mettre une photo de moi sur la pochette mais je n’avais pas envie de faire de photoshoot pour l’occasion, ça me semblait artificiel, et je trouve que j’ai l’air super cool sur cette photo avec mon petit téléphone rouge.

On en arrive au nouvel album. Sous quelle optique avez-vous abordez Regulus ? Il y a une signification sur le choix de ce titre et la photo de la pochette ?

Avec Regulus, je voulais essayer des choses nouvelles, je chante en français sur certaines chansons. Regulus ça renvoie à plusieurs choses, d’abord c’est le ‘petit roi’ en latin, c’est aussi l’étoile qui brille le plus dans la constellation du lion, alors qu’elle est faite de débris. Je trouve que c’est une belle analogie avec le mandat de Trump par exemple, celui qui prend le plus de place mais qui est en fait une poubelle. Et ce n’est pas sur Trump en particulier, mais sur tous les gens qui me font penser à Trump, du petit chef mesquin à ton job pourri au tyran de la bonne morale des réseaux sociaux (mais qui dans la vraie vie n’a rien sous le pied), je suis chanceuse, je n’en côtoie plus dans mon entourage proche.

 


Regulus a été facile à réaliser, ou au contraire ce fut le parcours du combattant ?

Disons que j’ai dû interrompre l’enregistrement avec le début de la pandémie, et donc les chansons se sont reposées un peu, et je les ai laissées de côté pour un temps, alors que d’habitude je préfère finir une chanson avant d’en commencer une autre. Cette fois ci je travaillais sur plusieurs chansons en même temps et j’avais peur qu’elles perdent leur jus.

Certes se sont des albums sous votre nom, mais vous avez de nombreux musiciens. Comment se passe la composition avec les musiciens ? Ils vous proposent des idées ?

Oui, bien sûr ! J’écris et je compose toute seule chez moi, mais j’aime vraiment que les personnes qui m’accompagnent en live soient présentes sur le disque, et c’est pour ça que je cède à certaines de leurs idées. Mais à la différence d’un groupe égalitaire, je choisis à la fin, haha. Et puis je leur propose quelques chansons sur lesquelles ils auraient envie d’essayer quelque chose et je m’en garde quelques-unes pour moi toute seule.

Le son de l’album possède un côté lo-fi, fragile. A l’écoute de l’album, on a l’impression d’être dans la même pièce que vous. Vous pouvez nous parler de votre travail sur le son, les mélodies et harmonies ?

Je comprends tout à fait que ma musique soit perçue comme lo-fi et fragile mais ce n’est pas vrai, pour le lo-fi en tous cas. J’enregistre sur du matériel très Hi-fi. Ce sont les choix que je fais au mixage qui donnent cette impression d’être dans la pièce et cette fragilité. Je pourrais tout à fait compresser davantage les chansons, ajouter des tonnes d’effets et les formater pour la radio, mais elles perdraient tout leur charme. La fragilité dont vous parlez est la force de mes chansons. Je trouve, et c’est le genre de musique que j’aime faire. Mes mélodies rudimentaires y sont pour beaucoup aussi. Je ne connais pas beaucoup d’accords à la guitare, et j’aime énormément les notes jouées seules.

Vous pouvez nous en dire quelques mots sur vos textes, notamment les morceaux La Peur et Les Orties ?

Ce sont mes premières chansons en français, avec Palissade, et j’ai vraiment eu plus d'appréhensions qu’avec mes chansons en anglais. En anglais je peux dire à peu près tout ce que je veux, car on ne me comprend pas bien. Un jour avec Phern, quelqu’un était venu nous voir pour nous parler de notre chanson sur le Père Noel, il avait compris ‘Stick it up on Santa’ et en fait je disais’ Stuck up in the center’. La Peur, grossièrement c’est une chanson sur le regard de l’autre qui ne regarde que lui.

Les Orties, c’est ma chanson gothique, je sais que c’est faux mais je l'appelais ma chanson à la Evanescence au moment du mix. C'est en fait une chanson sur ma mère et son enfance tragique dont je commence seulement à connaître les détails horribles. Parmi toutes les choses atroces qu’on lui a fait subir, le truc qui passerait presque pour un jeu si on était tous des psychopathes, c’est qu’on la lançait tout le temps dans les orties alors qu’elle était toute petite. 

Pochette du 45t "Bug House Waterbug And Roach Traps" de The Gories (Get Hip Recordings -1995-)

Il y a la reprise You Little Nothing des Gories. Pourquoi cette reprise garage ?

Sans grande surprise, j’aime beaucoup cette chanson et quand je l’écoute c’est toujours plusieurs fois à la suite, et j’ai eu envie de me l’approprier. Elle fait partie de la liste des chansons que j’aurais aimé avoir écrit.

L’album est publié sur les labels Michel Records et Celluloid Lunch Records. Vous pouvez nous dire quelques mots sur ses labels ?

Celluloid Lunch à la base c’est le zine imprimé que fait mon copain, le 6ème numéro sortira dans le courant de cet été, et ensemble nous avons commencé une petite distro et un label au début de la pandémie. C’était un bon moyen de rester occupé et d’aider des artistes qu’on aime. Et Michel Records, c’est le label qui me soutient depuis longtemps, et je n’avais pas envie de les quitter parce que je commençais mon propre label et je leur fais confiance. Ils ont sorti mon disque en CD et s’occupent du digital, et puis nous avec CL ne faisons que du vinyl.

Qui sont les artistes qui vous ont donnez envie de composer ? Quel sont les artistes auquel vous êtes resté fidèle sur la longueur des années ? Qui ont été vos premiers coups de cœurs en musique ? Et vos coups de cœurs actuels ?

A l’adolescence j’écoutais beaucoup Bjork, PJ Harvey et Tori Amos, et j’y retourne souvent. Surtout vers PJ Harvey et les demos de tous ses albums qui sont sortis cette année, c’est génial de pouvoir écouter Stories from the City, Stories from the Sea sans Thom Yorke ! (J’aimais bien Radiohead à un moment mais je n’écoute plus). Et pour ce qui est des artistes qui m’ont donné envie de composer, je dirais sans hésiter Gashrat. Mes coups de cœurs qui durent sont tous les disques de Cate Le bon, tous les disques de Mega Bog, tous les disques de Freelove Fenner, tous les disques de Deliluh et le dernier disque de Jack Name. Mon premier coup de cœur c’était France Gall, et mes parents m’avaient emmenée à son concert à Bercy en 1993, il me semble, mon premier concert. C’était grand !

Cela va faire bientôt dix ans que vous vivez à Montréal. Que représente cette ville pour vous ? Le milieu rock alternatif est très actif ? La France ne vous manque pas ?

La ville idéale n’existe pas, mais pendant longtemps Montréal permettait de travailler peu, d’avoir du temps pour être créatif et avoir une bonne qualité de vie. Ces dernières années, cela a beaucoup changé et c’est bien triste. La gentrification y est particulièrement rapide, les loyers ont considérablement augmenté, et la 'rénoviction' touche beaucoup de monde, les propriétaires prétextent des rénovations pour expulser les locataires et ensuite louer bien plus cher, c’est tellement fréquent, et on voit pousser partout des lieux pour jeunes cadres dynamiques. Encore une fois, il n’y a pas d’endroit idéal, et je me plais ici mais je me verrais bien vivre à la campagne en France plus tard peut-être, ou à la campagne au Canada. Certains habitants de la France me manquent beaucoup et j’ai hâte de recevoir mon deuxième shot du vaccin pour y aller en vacances !

S’il y un message à faire passer aux lecteurs c’est ici !

Merci de m’avoir lue, j’espère que vous passez une bonne journée !

(1) Chronique de l’album Regulus ici : https://paskallarsen.blogspot.com/2021/06/helene-barbier-regulus-celluloid-lunch.html

https://helenebarbier.bandcamp.com/

https://www.facebook.com/hlnbrbr

https://www.michelrecords.com/helene-barbier




mercredi 30 juin 2021

YANN CLEARY "Tokyo Anniversary Edition" - "Chiba" (Autoproduction) – 10 mai 2021


Yann Cleary vient de re publier en numérique son mini-LP Tokyo (1) paru initialement en vinyle en 2016 sur SLY!, le label de Laurent Garnier, avec en bonus 5 morceaux inédits ("enregistrés dans des petites chambres japonaises"), soit un total de 14 morceaux. En parallèle, également en numérique, un nouvel album titré Chiba qui contient 10 morceaux enregistrés entre 2007 et 2011. Le pitch de Chiba, (ville où Yann Cleary a officié pour célébrer des mariages, il a ainsi marié 368 couples), est très similaire à celui de Tokyo avec des histoires spécifiques sur chaque chanson dans lesquelles on traverse la Sibérie, y croise Bradley Cooper, la DJ coréenne Naone, un flic véreux, le tout via le Japon interposé. Sur Chiba, le style musical de Cleary est un mélange d’électro, de pop synthétique, de bip-bip solaire, le tout avec une voix aérienne et posé qui accentue le coté pop en apesanteur de ses compos. Les sons sur Chiba évoquent par instant le Yellow Magic Orchestra et le groupe Japan. Le lien entre Tokyo et Chiva se veut être « la chronique de 5 ans au Japon, de la lune de miel au cauchemar total. »


(1): Ci-dessous la chronique que j’ai écris en janvier 2016 sur foutraque.com lors de la sortie de Tokyo.

Yann Cleary est auteur compositeur franco-irlandais. Comme un homme-orchestre (de traviole), Yann Cleary est un touche à tout qui réalise et produit de A à Z toutes ses chansonnettes. Le résultat donne des morceaux pop et ludiques comme bricolés et assemblés entre la chambre et la cuisine. Il utilise des instruments jouets avec des instruments conventionnels pour réaliser des collages mélodiques, presque fragiles qui donnent au final une couleur enfantine agréable à écouter. Entre Etienne Charry, Pascal Comelade, le groupe Chapi Chapo et l’imagerie des films La Science des rêves et Soyer sympa rembobinez de Michel Gondry, Yann Cleary crée des mondes lunaires et rafistolés proches de l’éveil. La voix de Cleary possède un côté Beatles à la campagne, en vacances suite à de longues tournées devant des fans excités prêts à s’évanouir. Les 8 titres de ce mini LP racontent les 5 années de Yann au Japon, de ses relations amoureuses, de son travail (avec succès) dans le showbiz jusqu’à son départ brutal pour la France à Aix en Provence, pour revenir chez lui dans l’anonymat, soit 8 années pour réaliser ce disque. Ainsi, derrière la musique ludique et le chant « pop », se cache des textes plus sombres, qui parlent de son expérience, de la société. Sur les 8 titres, à noter la voix de petite fée de Yamsy sur Candyland et la reprise du refrain du tube Baby Love des Supremes sur Sorta Baby Love. Au final Tokyo est un joli disque (malgré des sujets parfois graves) à écouter sans modération.


https://yanncleary.bandcamp.com/album/chiba

https://fr-fr.facebook.com/clearyofficial