lundi 8 juin 2020

TEQUILASAVATE Y SU HIJO BASTARDO "Samba Apocaliptica" (Les Disques La Face Cachée/Chupacadabra Records/Banana Juice) - 01 mai 2020



Le duo infatigable Tequilasavate Y Su Hijo Bastardo revient avec un nouvel album rempli à bloc comme dab de son garage brut, décomplexé et festive. Avec eux c’est la fête des morts tout au long de l’année ! Par contre avec les mesures barrières actuelles, on imagine mal revoir de sitôt ce duo en concert, vu le contact frontal et de proximité qu’ils ont avec le public. Par contre coté masques, ça va vu qu’ils sont masqués. Par contre avec leur énergie, la sueur et les postillons transformés en eau bouillante, dégouline à travers leurs masques. Bref en attendant des jours et soirées meilleurs pour les concerts de rock joués dans des bars et des caves voutées (avec des toiles d’araignées) on va écouter chez soi, du salon au jardin (pour les chanceux !) et faire profiter les voisins, avec les 13 nouvelles compos (dont le dernier du disque a pour titre La Chili Cheese Salsa) leur rock garage primitif, qui devrait être remboursé par la Sécu pour les personnes en chaise roulante. Car on peut dire que la musique brut du duo déménage sévère les articulations et décrasse bien les oreilles pour ceux qui n’aiment pas utiliser les cotons tiges. Bref cette Samba Apocaliptica est un album anti morosité et anti geste barrière ! Aller on se fait la bise et on se prend dans les bras en écoutant ces furieux joyeux lurons élevés au pinent d'Espelette. 


 


 
Je profite de la chronique de ce nouvel album pour sortir de mes archives une interview que j’avais réalisé en juin 2018, au moment de la sortie de l’album Dale !Dale !Dale !. L’interview a été publiée dans le fanzine Abus Dangereux face 138 (octobre/décembre 2018) et sur le site foutraque.com

 Un moment de spleen ? Oubliez vos soucis, vos regrets et écoutez le rock garage trash et primitif de ce duo fun looké en costume de squelette. Tequila, mojito et burrito (titre de leur tube en live) pour tout le monde !

Tequilasavate est au départ un one man band, et maintenant un duo. Pour les personnes qui ont raté le début, vous pouvez nous rafraichir la mémoire sur la création de Tequila Savate (lieu, année, contexte…) et l’évolution du groupe, les moments marquants ?
Tequilasavate a été fondé en 2010 à Nancy, sur une formule one man band, après le split d’un groupe dans lequel j’étais batteur. La volonté était de ne plus dépendre des autres et d’être autonome pour développer un projet musical et visuel dans le temps. Mais comme c’est plus rigolo de jouer avec d’autres personnes quand même, il y a eu une première collaboration avec Mojitorangers entre 2011 et 2014 puis avec El Hijo Bastardo depuis 2015. Plus quelques collaborations avec des invités sur les enregistrements du groupe depuis les débuts. Depuis 8 ans donc, on a tout fait ou presque, entre des CD, vinyls, K7, concerts dans les rades, dans les gros festivals ou des squats, dans le réseau garage ou plus mainstream, de l’autoprod ou des sorties sur labels, seul sur scène ou à 8, avec toujours la volonté de proposer un univers graphique fort en complément de la musique, une forme presque théâtrale (sans le côté « arty ») de spectacle.

Votre musique est un agréable « foutoir festif » qui sent bon la téquila et la bière Corona bien citronnée. Vous pouvez nous parler de l’origine de votre son (trash primitif garage ?) ? car du côté de Nancy je ne crois qu’il y ait des cactus et des mariachis qui jouent dans des centres commerciaux ?
La Lorraine c’est un peu le Texas français, on a aussi une frontière avec des migrants teutons qui veulent nous piquer notre boulot et le Rhin c’est un peu notre Rio Grande, nos chardons sont des cactus, les pâtés lorrains sont des burritos. Les éléments du folklore mexicain sont d’une richesse musicale et graphique fascinante, ça fait tout de suite référence à des films, des séries, des images certes stéréotypées mais bien réelles. Dès le départ de Tequila Savate, il y a eu la volonté de proposer quelque chose de spectaculaire et de visuel et le son qui en découle est aussi lié à la formule one man band, très primitive par nature et à mes propres limites techniques. Il faut y ajouter des influences comme Beat-Man, Asil Hadkins, Haunted George, The Mummies, The Sonics et un goût prononcé pour les sons sales et les exécutions approximatives et hop, c’était parti !

Est-ce que petit, vous regardiez l’émission « La dernière séance » présenté par Eddy Mitchell sur FR3 ? Si oui, les westerns et films fantastiques (style La créature du lac noir) vous ont-ils inspirés pour créer votre musique ? Par instant on trouve aussi dans votre son, des éléments qui pourraient coller à la BO d’un western spaghetti au moment du gros plan sur la sueur du cow-boy mal rasé.
Moi oui parce que je suis assez vieux pour ça mais El Hijo Bastardo ne doit même pas savoir qu’Eddy Mitchell a fait autre chose de sa vie que des ballades country sirupeuses ! Mais oui, l’influence des musiques de films est très présente dans notre son, on a d’ailleurs quelques instrumentaux qui collent à ces ambiances-là et on s’applique à faire des clips plutôt cinématographiques. L’un de nos derniers morceaux s’appelle d’ailleurs « Mexican Stand Off » qui fait référence à une figure de style des westerns, ce moment ou 3 protagonistes se tiennent en joue respectivement. 




 Vous jouez essentiellement dans les bars et petites salles qui sentent encore la clope, malgré l’interdiction de fumer en salle depuis 2006. Quand vous arrivez dans un bar pour jouer votre répertoire, que ressentez-vous ? Vous aimez le contact frontal avec le public ?
On ne devrait pas le dire, mais y a encore des bars, des squats ou ça clope pendant les concerts ! On aime jouer le plus proche possible des gens, voir au milieu d’eux quand c’est possible, même dans de plus grosses salles, ça nous est arrivé de demander à jouer dans la fosse plutôt que sur une grosse scène derrières des crashs barrières. Il y a toujours un moment dans le set ou on va chercher le contact avec les gens, on va les bousculer un peu pour créer une ambiance, pour les sortir de leur zone de confort, les faire danser, bouger… c’est tout l’intérêt du live, de proposer aux gens de faire partie du truc plutôt que d’être passifs. Ça ne marche pas toujours mais c’est comme ça que nous on envisage le truc, déjà pour que nous on rigole un peu.

Vous pouvez nous parlez de vos costumes. C’est vous qui les avez créés ou bien vous avez fait appel à Jean-Paul Gautier où à Ed Wood ? Avec ces costumes, vous donnez à vos prestations un aspect fête foraine, freaks, vendeur de breuvage pour trouver l’amour, c’est le but recherché ? Une communion entre les morts et les vivants ?
On est DIY jusqu’au bout des ongles, on crée les costumes, la déco de scène, les pochettes d’albums, les affiches de concert, le merch… Tout fait main ! Et oui, ce côté freaks, voodoo artisanal, barnum c’est complétement l’objectif, si un jour on arrive à réveiller des démons ou à faire sortir des morts de leur tombe pour qu’ils viennent faire une danse sexy avec nous, on aura réussi notre truc.

Quels sont vos groupes et artistes costumé préférés ? Lesquels connaissez-vous personnellement ? Que pensez-vous de Cannibal Mosquitos ?
Screamin’ Jay Hawkins, Beat-Man et Mummies déjà cités, Hell-O-Tiki (un groupe de surf belge qui sont des copains, mais qui ont splitté), Puta Madre Brothers, King Khan, Sex Organs, et dans le surf c’est effectivement une tradition de jouer costumé, histoire d’ajouter un aspect visuel à une musique instrumentale parfois chiante (#ohçavaonrigole), donc oui, Cannibal Mosquitos, The Irradiates… Y a un genre d’internationale du groupe à costume, comme y a une communauté du one man band, c’est assez rigolo.






Le Mexique, du moins l’esprit « fête des morts » est très présent dans votre univers. Vous avez visité ce pays ? Que représente le Mexique pour vous ?
Ça fait partie des rêves, vois des projets, d’aller jouer là-bas ! Un genre d’accomplissement ! Après on a des images d’Epinal de ce pays, la mythologie est parfois plus intéressante que la réalité, on pourrait être déçus. Mais c’est marrant, on a plusieurs fois eu des mexicains dans nos concerts et ils réagissent plutôt positivement à l’exploitation que l’on fait de leurs clichés et de leur imagerie traditionnelle, peut-être parce qu’on la détourne et qu’on la mixe avec d’autres choses aussi.

Votre tube incendiaire est le morceau Burrito. Vous pouvez nous parler de ce morceau, sa naissance, ce qu’il vous procure quand vous le jouez en live ? Ce morceau, c’est pour décoincer le public au cas où ?
« Burrito » fait partie de ces moments de grâce dans une répète ou tu lances un truc et 2 minutes après c’est un morceau quasi-fini. Une connerie, un truc débile qui marche instantanément, qui est presque devenu un tube (bon, toutes proportions gardées hein !), ça reste un temps fort du show mais heureusement, le public se décoince bien avant quand même la plupart du temps.

Votre morceau Rainbows possède un air à la Cramps. Que représente ce groupe pour vous ? Sinon qui sont vos artistes préférés, tout genre et chapelles confondues ?
C’est marrant cette référence aux Cramps qu’on nous sort régulièrement parce que ce n’est pas un groupe qu’on écoute beaucoup. On voit la filiation dans le côté décadent et dans la voix surjouée mais elle est plus indirecte, y a un côté trop rockabilly dans les Cramps pour nous, même si on respecte énormément. Maintenant qu’on est deux, les influences sont moins stéréotypées « garage », moi j’ai une culture plutôt hard rock/métal et Mi Hijo vient plutôt de la pop et du Hip Hop, on se rejoint sur le rock’n’roll, le garage mais aussi sur Kylie Minogue ou Francky Vincent !




 Vous avez édité une K7, The voodoo tapes avec pleins de goodies. Vous pouvez nous présenter cet objet esprit pochette surprise ?
Comme on est à la pointe de la technologie, on s’est dit qu’une K7 c’était une bonne idée ! En fait c’est la 2° qu’on sort après une édition spéciale « Burrito » avec des versions alternatives (à la bouche, 8bits, bluegrass) de cette chansonnette culinaire forte appréciée. Et donc cette nouvelle K7 6 titres est effectivement accompagnée de petites linogravures, stickers, badges, incantations magiques, plumes, cartes de tarot mexicain et d’un code de téléchargement pour les geeks. Toujours dans l’idée de proposer un complément visuel à la musique. C’est une édition limitée à 50 ex parce que c’est chiant de se taper la copie de K7 à la main et surtout c’est un EP prologue au prochain album qui sera un peu sur le même thème du Vaudou, mais avec plein de surprises et dans un registre un peu différent.

Vous réalisez aussi des affiches aux pochoirs. Vous pouvez nous parlez de ce travail ?
Alors ce n’est pas du pochoir, c’est de la linogravure. C’est une technique proche de la gravure sur bois, on grave un motif dans une plaque de linoléum et on peut ensuite imprimer ce motif plusieurs fois avec des encres spéciales. Du coup on fait des éditions limitées de posters qu’on vend en concert pour financer nos activités (disques, etc), ça nous évite de faire des ulule à la con, on n’aime pas ça. Si tu veux sortir un disque, tu te bouges le cul pour trouver un financement ou pour faire ça avec des potes, ça ne coûte pas si cher et si c’est bien ça se vendra en concert, on n’aime pas l’idée de demander aux gens de payer pour un truc à l’aveugle.

Photos ©-Damien-Boyer