La Cinémathèque de Paris met à l’honneur le
compositeur François de Roubaix (1939-1975)
avec la projection de 10 films, dont Les
Lèvres Rouges de Harry Kümel (1971), Le
Samouraï de Jean-Pierre Melville (1967), La grande lessive de Jean-Pierre Mocky (1968), Dernier domicile
connu de José Giovanni (1969), Les
Aventuriers de Robert Enrico (1967). Également au programme, deux courts
métrages réalisés par François de
Roubaix (1), trois documentaires, un portrait musical animé par Stéphane Lerouge (2) suivi d'un mini
concert de Benjamin de Roubaix qui
interprètera trois chansons de son père.
Ci-dessous un extrait de la présentation du cycle par
Stéphane Lerouge :
"Pendant dix ans, de 1965 à 1975, François
de Roubaix a été l'un des plus fascinants compositeurs du cinéma populaire
français. Chez lui, il n'y avait pas de frontière entre la vie et la création.
Son existence pivotait autour de trois éléments-clés (la musique, la mer, les
copains), que l'on retrouve dans les films de ses metteurs en scène fétiches,
Robert Enrico et José Giovanni, nourris d'amitié et de grand large. Cette
vertigineuse imbrication entre la réalité et le cinéma donne une dimension
unique, presque mythique, à la fulgurante trajectoire de François de Roubaix,
compositeur-aventurier épris d'océan et de fraternité." (Stéphane Lerouge)
Toutes les infos du programme dans le lien ci-dessous :
MES DISQUES A EMPORTER SUR UNE ILE DÉSERTE: Chronique
n°16
Cette compilation en
double CD est très importante pour moi. Sortie en 1998, c’est avec cette
compilation que j’ai découverts la musique de François de Roubaix (1939-1975).
Certes je connaissais le générique de l’émission pour enfant Chapi Chapo,
ainsi que les thèmes des films Le Vieux Fusil et Les Grandes Gueules
de Robert Enrico, les musiques pop de L’Homme Orchestre de Serge
Korber, mais je ne connaissais pas le nom du compositeur. Je ne m’étais pas
arrêté à son nom lors du générique des films. Depuis cette découverte, dès que
je vois le nom de François de Roubaix apparaitre sur l’écran, mes
oreilles frétillent, jusqu’à parfois n’apprécier le film qu’à cause de la bande
originale.
C’est l’ami Cyril
Hoffmeyer de Songs Of Praise qui
m’a fait découvrir cette compilation, sortie en même temps que celle de Michel
Magne (25 ans de musique de film). J’ai ainsi acheté les deux
doubles CD. Celui de De Roubaix contient 57 thèmes pour 36 films et un
livret de 16 pages réalisé par Stéphane Lerouge (1) avec l’aide
précieuse de Patricia de Roubaix. On y trouve des témoignages des
réalisateurs José Giovanni (Le Rapace, Dernier Domicile Connu,
Un Aller Simple, La Scoumoune), Robert Enrico (Les Grandes
Gueules, Les Aventuriers, Ho !, Boulevard du Rhum, Le Vieux Fusil,
Tante Zita), Yves Boisset (RAS, Le Saut de l’Ange),
son ami Pierre Richard et Yves Josso.
A l’intérieur du
livret il y a des photos avec François de Roubaix. Il porte la barbe,
les cheveux longs, il a le sourire et surtout une belle gueule. Impossible de
résister à son charme, digne d’un musicien de rock ou d’un surfeur californien.
Il y a une photo où on le voit allongé sur un canapé en compagnie de sa fille Patricia.
Il a une guitare à la main et sa fille joue de la flute. Sur le mur, recouvert
d’un papier peint seventies, il y a de nombreuses guitares d’accrochées et sur
une étagère, il y a des petits djembés. Cette photo est trop cool. On a envie d’être
là avec eux pour jouer et écouter la musique. Cette photo résume bien le style musical
de François de Roubaix, à savoir, généreuse, festive et communicative,
mais sans tomber dans la variété et devenir un tube d’été vite oublié.
Si la musique de François
de Roubaix est très accessible, cela ne l’empêche pas d’être complexe,
remplie de petits sons ici et là qu’on a du mal à savoir de quels instruments
ils proviennent. Car François de Roubaix est un globe-trotter, qui
ramène de ses voyages pleins d’instruments traditionnels. Sans savoir en jouer,
il arrive en pur autodidacte à en sortir des musiques étonnantes, comme s’il en
avait toujours joué. Quand ses amis venaient le voir, il les invitait à se
servir des instruments posés ici et là dans l’appartement et d’en jouer, même
s’ils n’étaient pas musiciens. Une vraie auberge Espagnole !
Pour mettre le
pied à l’étrier, cette compilation est une bénédiction, une boite de pandore,
car on y trouve tous ces thèmes, dont ceux composés pour les films incontournables :
Les Grandes Gueules, Les Aventuriers, Le Vieux Fusil, L’Homme
Orchestre, Le Samouraï, Dernier Domicile Connu, Adieu l’Ami
et le merveilleux thème du film La Scoumoune avec sa belle mélodie qui
reste dans la tête. Depuis cet achat en 1998, je n’ai raté aucunes sorties CD dans
la collection Ecoutez le cinéma (Universal Jazz) géré par Stéphane
Lerouge, les sorties sur divers labels (Music Box,Butler, WéMè,
Disques Dreyfus, Playtime, Transversales Disques), sans oublier
les trois compilations vinyles Les Plus Belles Musiques de Films Vol. 1 à 3
publiés en 1976-77-79 par Hortensia et l’incontournable 45t d’époque Chapi
Chapo (1974) qu’on trouve facilement en vide grenier à prix correct.
Mais j’ai
une tendresse toute particulière pour ce 10 ans de musique de film. C’est
le début d’une passion pour ce compositeur unique, qui a tout : le talent,
la beauté et la gentillesse. Malheureusement le 21 novembre 1975, un drame
vient tout chambouler. Lors d’une plongée sous-marine au large des îles
Canaries en compagnie de son ami musicien et moniteur de plongée Juan
Benitez, champion d’Espagne de plongée sous-marine, ils vont prendre des
photos d’une grotte situé à 25 mètres de profondeur. Mais nos plongeurs ont
fait l’erreur de plonger sans avoir sécurisé le retour avec un fil d’Ariane. Pris
dans un épais brouillard dû sans doute au soulèvement du sable, ils n’ont pas
réussi à retrouver la sortie avant que leurs bouteilles ne se vident. François
de Roubaix meurt ainsi noyé le 21 novembre 1975 ainsi que son ami Juan.
François de Roubaix n’avait seulement que 36 ans. Inutile de se faire du
mal en s’imaginant que s’il avait vécu aussi longtemps que le maestro Ennio
Morricone (1928-2020), le nombre de musiques qu’il aurait réalisé. Il a été
si prolifique pendant 10 ans, qu’il y a malgré tout de quoi écouter pendant
encore longtemps.