En ce jour du 25 décembre, je vous propose de passer
Noël en compagnie de Nancy Sinatra.
Sa voix, les compos (en grande partie réalisées par Lee Hazlewood) ont une sonorité easy listening (école Burt Bacharach) qui installe un esprit
de fête rétro assez irrésistible. Par exemple le morceau Shades (1966) avec ses cordes et chœurs sirupeuses, portent la voix
de Nancy Sinatra vers le sommet du
bon goût dans le registre de la variété américaine des sixties. Depuis 2020, le
label Light in the Attic réédite les
albums de Nancy Sinatra sous sa bénédiction.
L’affaire commence avec le single Some
Velvet Morning/Tired Of Waiting For
You, suivi en 2021 de la compilation Start
Walkin’ 1965-1976 (1). Les morceaux sont remastérisés, les pochettes, incerts,
livrets (avec des photos de la collection personnelle de Nancy Sinatra) sont magnifiques. Le label joue sur l’icône sixties
pop jusqu’au bout, jusqu’à proposer des goodies : sur le site du label on
peut acheter des T-shirts, ouvre bouteille, patch, pendentif, livre. Les
« produits » sont beaux, mais pour les acheter, il faudra mettre la
main au porte-monnaie. Le double vinyle est
vendu à 45 euros mini. Le CD (avec un livret imposant) est nettement plus
abordable, 20 euros.
On en arrive à la nouvelle compilation, joliment enveloppé
dans une pochette rose pop qui est le point final du partenariat entre Nancy Sinatra et Light in the Attic. Soit un 45 tours, deux compilations et trois
albums studios, tous de la période avec Lee
Hazlewood. Keep Walkin’ : Singles, Demos & Rarities 1965-1978 contient 25 morceaux puisés dans les faces B des 45 tours, plus trois inédits
dont I Just Can’t Help Believing qui
nous permet d’entendre Nancy en duo avec Lee dans un
enregistrement de 1978. Ce morceau mélancolique légèrement country est une
petite merveille. Bref, pour détendre, installer une ambiance lounge qui donne
le sourire, cette compilation est ce qu’il faut. La voix de Nancy Sinatra,
intemporelle et amoureusement sexy est une cerise à croquer sans modération.
Nancy
Sinatra versus France Gall "Baby Pop" ?
Pour prolonger l’expérience
Nancy Sinatra, icône des sixties, je vous recommande le DVD du show TV Movin’ With Nancy, quelque part entre
les émissions de Jean-Christophe Averty, la comédie musicale Anna et Maritie et Gilbert
Carpentier. Tel des clips pop, les 19 morceaux entrecoupés de spots de pub
assez drôles se regardent comme un épisode de la série Batman des sixties avec ses bulles typées BD pour nous indiquer les
sons.
Cortex est un groupe de jazz funk,
disco qui a existé entre 1974 et 1981. Le groupe c’est formé autour du pianiste,
compositeur, chanteur Alain Mion et du batteur, percussionniste Alain
Gandolfi. En 1975, Cortex publie son premier album titré Troupeau
Bleu. Cet album va devenir culte au fil du temps, surtout à partir des
années 90, ou plusieurs morceaux de l’album, dont La Rue et L’enfant samba
(morceau élégant à tomber !) se retrouvent sur des compilations de Library
music, de jazz funk tels que La Guêpe
Volume 1, Sexopolis, mais aussi
la compilation Paris In The Spring réalisé
par Bob Stanley et Pete Wiggs du groupe pop anglais Saint
Etienne. Ces compiles vont faire découvrir Cortex a des jeunes DJ,
rappeurs,diggers de tous bords. Vu les qualités musicaux du groupe français, notamment en matière de groove, autant dire qu'ils seront vite samplé. Cortex compose une musique à la fois ancré dans son époque, dû à
l’utilisation des synthétiseurs alors sur le marché, mais également en avance
sur son temps, pour la façon de mélanger dès 1974, les musique jazz, funk,
rock, prog, psyché, disco et chanson. Le tout avec une classe absolu dans l’art
du groove musclé, sans avoir honte de parfois fricoter avec la variété française, dans
la façon de chanter en français, en anglais avec un accent bien français. A
la même époque, on trouve également le groupe belge Placebo et le parisien Black
Devil Disco Club, mais là en plus électronique. Sur l’album Troupeau Bleu, il y a aussi la présence
de la chanteuse Mireille Dalbray, qui illumine de par sa voix angélique
et soul cet album intemporelle, qu’on peut considérer comme un chef d’œuvre.
Enfin le bassiste Jean Grevet et le saxophoniste Alain Labib
complètent cette formation hors-pair, car virtuose en toute décontraction.
Les trois albums de Cortex sorties entre 1975 et 1978
En 1977, en pleine vague
disco, punk, Cortex publie son 2ème album titré Vol.2. Alain Mion et Alain
Gandolfi sont accompagnés par d’autres musiciens et chanteuses, mais la
qualité musicale est toujours au programme. Du moins pour ceux qui aiment le
jazz funk qui pulse dans les jambes. Cet album est groove au possible. On pence
à du Herbie Hancock sous acid. Alain Mion abuse du Fender Rhodes,
et on aime ça ! Cet album sera également une source d’inspiration pour les
futurs musiciens qui ont du funk au bout des doigts. En prime, cet album de
1977 est toujours en 2023, très moderne dans le son, les arrangements. Vol. 2 est lui aussi un classique. En
1978, Cortex publie son 3ème et dernier album titré Pourquoi. La pochette recto verso est
claire, en 1978 Cortex est un duo (Alain + Alain), mais
avec des amis musiciens, chanteurs, chanteuses, dont Jean-Pierre Massiera
qu’on a découverts avec les compilations Psychoses
Discoïd (1976-1981), Psychoses
Freakcoïd (1963-1978) -sur Mucho
Gusto Records-, Midnight Massiera
édité sur le label anglais Finders
Keepers Records. Sur Pourquoi, Alain
Mion chante sur tous les morceaux. Son accent bien français, donne une
couleur variété française bien 70. Cette patine du temps est sympathique, mais les
compos ne sont pas aussi percutant que les deux précédents disques, mais restent
agréable à écouter, car on a affaire à des grands musiciens. En 2006, le label Underdog Records publie la compilation Inédit ‘79, ce qui permet de constater
que Cortex avait encore des morceaux sous le coude, non publiés à l’époque.
Par manque de succès, Cortex se sépare en 1981. Alain Mion entame une
carrière solo et Alain Gandolfi devient musicien de studio et joue pour
de nombreux artistes dans le jazz et la chanson.
De par la (re)découverte de Cortex
dans les années 90, début 2000, la réédition officielle en CD de Troupeau Bleu en 2008, Alain Mion
crée The New Cortex et donne des concerts dans la salle mythique du New
Morning à Paris en 2009, 2010, 2019, 2022, pour jouer en live les
morceaux pour le plaisir des fans, jeunes et moins jeunes.
Deux 45 tours de Cortex qu’on retrouve dans la
compilation "Rare and Lost Tapes"
Créé en 2005 par deux amis
parisiens, le label Trad Vibe a
réédité en vinyle, tous les albums de Cortex, dont les originaux sont
épuisés depuis bien longtemps. Le petit dernier est une compilation titrée Rare and Lost Tapes. Les morceaux sont
extraits du 45 tours Californie de Caribou
(side projet d’Alain Mion, qui n’a duré que le temps d’un 45 tours sorti
en 1977), du 45 tours Les Oiseaux Morts
(1976), avec en prime une version alternative extrait du Test Pressing, une
version inédite du morceau Mary &
Jeff (dont l’originale se trouve sur l’album Troupeau Bleu) enregistré pour la télévision. Au total huit
morceaux qui vont plaire aux amateurs du groupe. Les festivités commencent avec
le morceau Californie, au style bien
disco 70. Pour faire danser, ce morceau est redoutable, avec son rythme -stylé la
série TV La Croisière s’amuse- qui est juste fun et irrésistible. Ici
la boule à facette est de rigueur. Le morceau disco funk jazz Moanin (déjà présent sur la compilation Inédit '79), digne du Salsoul Orchestra
est également une belle pépite. Sur ce morceau, Alain Mion nous tient
sur la piste avec son Fender Rhodes en feu, le tout porté par des chœurs
déchainés. On ne peut qu’applaudir. Stevie
est extrait de la face B de l’unique 45 tours de Caribou. Ce morceau, un
peu kitch (les sax à la Chicago) a aussi un charme 70, auquel il est
difficile de résister, surtout si on aime le cinéma bis, avec une scène de
boite de nuit qui se passe en province, pour le déroulé de l’enquête dirigé par un inspecteur en pantalon jean et en verte cuir. The Sky is Grey i’m so blue est un
inédit plus anecdotique, mais malgré tout intéressant pour les complétistes de
la discographie de Cortex, car même sur un morceau moyen, il y a toujours
un-des passages grooves intéressants à écouter. Psychose est également un inédit. Là on est dans le psyché jazz
cosmic bien trippant. Beau morceau tout en épice ! La version Fender
Rhodes 77’ de Mary & Jeff a aussi de beaux atouts avec son rythme piano funk jazz. La compilation
s’achève avec deux versions du morceau Les
oiseaux morts. Là, Alain Mion se transforme en chanteur engagé écolo qui fait
passer son message à travers son texte poétique : "Tu verras les oiseaux sur la dune (…), Mais ne va pas vers le port
regarder les oiseaux morts." Le tout sur une musique mélancolique bien hippie
70. Bref, voilà une bien belle compilation, qui permet une fois de plus de
constater que Cortex a un talent fou pour mélanger les styles de musique,
sans tomber dans l’expérimental free parsemé de solo interminable. Cortex
sait allez à l’essentiel, en donnant beaucoup avec justesse dans chacune de ses compos. Juste une petite critique au sujet de la compilation 2023, qu’il
n’y est pas au dos de la pochette un texte de présentation, ou un incert illustré à l’intérieur du
disque qui donne des infos, anecdotes, sur les morceaux choisis. Une partie
des infos se trouve sur la page Bandcamp du label. Évidemment ce "manque" certes nécessaire quand il s’agit de réédition, de compilation d’inédits, n’enlève
en rien l’importance de ce disque, chaudement conseillé à avoir dans sa
discothèque.