Dans ma chronique du dernier album de Laibach, Bremenmarch Live at Schlachthof 12.10.1987, je disais qu’il est rare, du moins depuis une vingtaine d’années, pour un artiste d’éditer un album live. Et voilà que quelque jours plus tard je me retrouve à nouveau à écouter un autre live, celui de Juana Molina, qu’elle a enregistré le 7 mars 2020 à Mexico dans le cadre du festival NRMAL, soit juste quelques jours avant la pandémie mondiale et son confinement.
Avant de parler d’ANRMAL, revenons un peu sur l’étonnante carrière de cette artiste. Née en Argentine, Juana Molina a vécu dans un milieu musical. Son père Horacio Molina est chanteur de tango, il lui apprend la guitare et sa mère Chunchuna Villafane est actrice et très mélomane. Elle a une belle collection de disques. En 1976, suite à un coup d’état dû à l’installation de la dictature militaire, la famille quitte l’Argentine pour Paris. En écoutant Radio France, Juana va construire sa culture musicale. Après avoir passé 6 ans en France, la famille retourne en Argentine. Juana, décidée à devenir musicienne professionnelle, va faire quelques petits boulots alimentaires. En parallèle à ses dons de musicienne, elle est aussi très douée pour faire des imitations. Suite à une audition, elle est engagée à la télévision. Elle va créer sa propre émission humoristique Juana et ses sœurs. Ce programme va être si populaire en Argentine, que Juana ne va plus avoir le temps pour composer sa propre musique. Après sept années d’émission, elle arrête ce programme ultra populaire pour se lancer dans une carrière solo, avec en 1996 la sortie de l’album Rara. Le public de la TV va être surpris, car le style musical de Juana Molina n’est pas comique, c’est du sérieux. Il ne lui reste plus qu’à séduire un autre public, ce sera celui du rock indé et la scène électronique. Elle va collaborer notamment avec Animal Collective et David Byrne.
On fait un grand pas dans le présent. Après 7 albums studio qui ont été bien accueilli dans la presse et le public indé, voici le live in Mexico ANRMAL. Les 11 morceaux de l’album sont des versions réarrangées puisés à partir des albums : Halo, Wed 21 et Un Dia et l’EP Forfun.
L’énergie est le point culminant de cette prestation. La voix de Juana est sauvage, en ébullition, en transe et les deux musiciens sont au taquet, Pablo González à la batterie, Odín Schwartz à la basse.
La guitare électrique de Juana grince, envoie du courant alternatif et du courant continu. Les textes sont écrits en espagnol, c’est un plus. C’est difficile de décrire sa musique, tant ça fusionne de toute part. Il y a un peu de rock, de world, d’électro, d’afro beat, une pincé de krautrock et en touche finale, la patte singulière de l’artiste. Quelque part entre The Ex, Björk et Lizzy Mercier Descloux, la sono mondiale de Juana Molina est une palette SONORE qui n’a pas d’équivalent. Elle fait une musique exigeante, qui demande une certaine attention d’écoute, pour au final nous offrir des moments précieux qui sortent des sentiers battus.
Le mieux est d’écouter sa musique avec en avant-poste, un esprit d’ouverture. Pas d'inquiétude, la déception ne sera pas au rendez-vous, tant la musique de Juana Molina est riche et belle.
Petit regret, il n’y a aucune info sur le CD. On aurait aimé avoir quelques mots sur les musiciens, la production.
https://juanamolina.bandcamp.com/album/anrmal
https://www.facebook.com/juanamolinamusic/