dimanche 1 novembre 2020

YOUNG MARBLE GIANTS : L'art du son minimal


Suite aux nouvelles mesures sanitaires qui remettent la population française en mode du re-confinement, le festival BBmix à Boulogne-Billancourt qui avait de l’espoir pour son édition 2020 a dut annuler sa programmation prévu le 21 et 22 novembre.

Snif, sniff pour BBmix, je décide de sortir de mes archives, un texte que j’avais écrit pour Abus Dangereux face 104, sur Young Marble Giants. Ce groupe gallois de Cardiff a joué au festival le 28 octobre 2007.

Autre occasion de ressortir mon texte de la poussière en cette année (de merde?) 2020, c’est le 40ème anniversaire de l’unique album du groupe, le cultissime Colossal Youth, sorti en février 1980 sur le label Rough Trade.

Pour ce 40ème anniversaire, le label Domino va rééditer fin novembre, l’album Colossal Youth en double vinyle transparent avec en bonus des morceaux des EP Final Day, Tescard, l’album Salad Days. Plus un DVD du concert de Hurrah à New-York le 21 et 22 novembre 1980 et un livret de 28 pages.

 

 

"Chaque année la programmation du festival BBmix de Boulogne-Billancourt, nous fait (re)découvrir en live un artiste "culte". En 2005, James Chance, l'un des inventeurs de la no-wave, fit vibrer les planches de l'auditorium. En 2006, ce fut au tour du pape de l'électro kitsch et ludique, Jean-Jacques Perrey. En 2007, dans la veine encore plus culte, les Young Marble Giants, groupe post punk inventeur du son lo-fi, ont été les invités exceptionnels du festival. Autant dire l'un des événements majeurs de l'année 2007. 


Young Marble Giants est un trio gallois formé par les frères Moxham (Stuart à la guitare et aux synthés et Philip à la basse) et Alison Statton au chant. Au cours de sa très brève existence (1979-81) la formation a réalisé le magistral Colossal youth, ce sera son unique album. Ce disque demeure la colonne vertébrale de la musique dite lo-fi. Une musique à la production fébrile, concoctée entre la cuisine et la chambre à coucher. Le son y est simple, minimal, presque amateur. Il est dû notamment à la voix timide et discrète d'Alison. Elle sera tout de même classée huitième meilleure chanteuse de l'année, par les lecteurs du NME, en 1980 ! A noter le contraste entre leur son sec et "pauvre" et les mélodies pop, toujours présentes. Grâce à ce style presque autiste, mais le sourire aux lèvres, le groupe fera école auprès d'une multitude d'artistes, en devenir à l'époque, comme : Beat Happening, Pastels, Beck, Adam Green, Saint Etienne, Dominique A, Belle and Sebastian, Nirvana... Citons également Etienne Daho qui les vénère, Courtney Love qui a repris Credit in the straight world sans oublier les contemporains de YMG, à savoir The Cure avec le classieux Seventeen seconds. Le trio se séparera en 1981 à la suite d'une histoire sentimentale entre Alison et les deux frères. Dont acte. Stuart formera The Gist tandis que Philip et Alison se retrouveront avec le duo Weekend. Mais ceci est une autre histoire.

28 octobre 2007 : Le trio accompagné à la batterie par Andrew le plus jeune des Moxham, s'est reformé 27 ans après Colossal Youth afin de revivre l'alchimie. Ces retrouvailles ne devaient durer que le temps d'un concert unique à Cardiff (leur fief), prétexte à préparer les compos d'un éventuel second album. Grâce à BBmix et à l'enthousiasme de Marie-Pierre Bonniol (qui aura mis 4 ans à les convaincre !), le groupe a accepté de se produire au BBmix. Gardant un excellent souvenir de leur show aux Bains Douches le 17 juin 1980 (retransmis en direct à l'époque au cours de l'émission Feedback de Lenoir sur France Inter), les YMG affichaient une certaine satisfaction à jouer de nouveau en France. Un plaisir d'ailleurs partagé avec le public nombreux pour l'occasion et conquis dès les premières notes. Le son extra-minimal n'a pas varié et la voix approximative, non plus ! Du pur lo-fi !

Les apprécier avec leur set-list et les petits plantages est un vrai régal. L'aspect amateur/novice et crispé sans assurance reste encore séduisant. On a l'impression d'assister au concert d'un groupe de potes. Stuart est le plus nerveux, mais détend l'atmosphère en lançant quelques boutades entre les titres. C'est lui aussi qui conclut sèchement chaque morceau, procurant une petite frustration au public, emporté par les mélodies. Alison est élégante avec sa robe noire un peu rétro tandis que le batteur, derrière ses percussions synthétiques joue comme un "robot mécanique". L'album sera joué dans son intégralité, le groupe quittera la scène après 50 minutes de live, sans aucun autre titre en réserve. Face à l'enthousiasme du public, les YMG reviendront pour deux rappels en rejouant quelques chansons déjà interprétées. Le concert s'achèvera par un dernier salut théâtral du groupe face à son public et une bise qui en dit long de Stuart à Alison. L'émotion était bien là !

Après ce fameux rendez-vous, le public fut invité à venir les retrouver une heure plus tard pour une interview-rencontre, animé par David Fenech. Voici quelques extraits : "Notre musique visualise des images, parfois humoristique, mais que l'on ne perçoit pas." "Le minimaliste ça marche, car ça avance avec confiance...", "On parle le gallois au paradis". "Reprendre du service après 27 ans, c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas"." Pour le nouvel album, il y a autant d'excitation que pour le 1er". En attendant la sortie du 2ème album (nota 1er novembre 2020 : à ce jour pas de 2ème album), n'hésitez pas à réécouter Colossal youth qui vient de ressortir sous la forme d'un coffret 3 CD's (édité par le label Domino). Cure de jouvence garantie, et sans prescription médicale !"


En 2008, dans une interview parue dans Abus Dangereux, Jean-Sébastien Nicolet (qui reprenais la succession de Marie-Pierre Bonniol à la programmation) nous disait que faire venir ses artistes devenues cultes, demandait parfois des années de négociation. Extrait de l’interview ci-dessous :

Comment se passe le travail en amont pour élaborer la programmation ?

Je travaille toujours en collaboration avec Marie-Pierre Bonniol qui occupait le poste avant moi. Nous avons toujours en tête des projets qu'on adorerait faire venir. Certains artistes (à l'image de Young Marble Giants l'an passé) ont accepté notre invitation après un travail de longue haleine, parfois de plusieurs années! Le tout est de mixer le plus habilement possible des artistes reconnus et des découvertes. Après, les choix que nous faisons sont très rarement basés sur ce qu'on nous propose, mais beaucoup plus sur ce que nous allons chercher. BBmix a une vraie politique de défrichage et d'investigation, tant et si bien que parfois même des professionnels aguerris ne connaissent pas les groupes que nous proposons. On travaille en fait en continu sur des idées de programmation. Je suis pour ma part un consommateur boulimique de musique. Ensuite les logiques de programmation coulent d'elles-mêmes.

Intégralité de l’interview ici : http://abusdangereux.net/archive.php?q=article&id=113

 

Nota: Dans le n° 13 de Persona - automne 2020, il y a le témoignage de Stuart Moxham qui revient sur l'album Colossal Youth. Propos recueillis par Mathieu David Blackbird

Dans le n°155 d'Abus Dangereux - Octobre 2020, il y a un article sur Stuart Moxham & Louis Philippe au sujet de la sortie de l'album The Devil Laught publié en juin 2020 sur Tiny Global Prod. Interview réalisée par Mathieu David Blackbird.


https://julietippex.com/roster/young-marble-giants-2/

https://www.facebook.com/YoungMarbleGiantsOfficial/

https://www.dominomusic.com/news/fr/young-marble-giants-annonce-la-sortie-dune-reedition-speciale-pour-les-40-ans-de-colossal-youth-le-2711

https://www.discogs.com/fr/artist/83078-Young-Marble-Giants

https://stuartmoxhamlouisphilippe.bandcamp.com/album/the-devil-laughs