lundi 2 mai 2022

BABY FIRE "Grace" (Off Records) – 06 mai 2022


Baby Fire est un trio bruxellois qui s’est formé en 2009. Grace est leur 5ème album studio. Au sein du line-up, il y a en avant-poste la chanteuse guitariste -ainsi qu’au thérémine-, Dominique Van Cappellen-Waldock qui compose la musique, les textes  de Baby Fire. A ces côtés, il y a Lucile Beauvais (guitare, claviers, harmonica, chœurs) et Cécile Gonay (basse, violon, chœurs). Pour l’enregistrement de l’album, le trio est complété de nombreux musiciens et chanteurs.es, dont Laetitia Shériff, Mike Moya de Godspeed You ! Black Emperor, Déhà de Wolvennest, G.W. Sok (ex The Ex) et Eve Libertine (ex Crass), soit des belles figures du rock indé pour un résultat qui est, juste bluffant ! Avec tout ce beau monde, on pense au projet du groupe allemand Die Haut qui réunissait sur ses instrumentaux une flopée de belles figures écorchées du rock, qui ne boivent pas que du Perrier ou du thé. Mais ceci est une autre histoire qui appartient au 20ème siècle.

Photo @ Yves Collard

Justement, on est au 21ème siècle. Baby Fire compose une musique rock électrique aux sonorités urbaines. Chez eux, la pénombre est éclairée par un lampadaire cabossé qui grésille, fait des étincelles. Il y a ici, comme une urgence, une souffrance du corps blessé par les stigmates d’une vie qui court à 100 à l’heure pour rattraper le temps perdu, soit une fuite perdu d’avance. Justement, la pochette de Grace est un dessin d’Alice Smith qui fait référence à la fracture d’épaule de Dominique Van Cappellen-Waldock, survenue peu de temps avant l’enregistrement de Grace. Fracture, c’est un mot qui illustre bien la musique de Baby Fire, tant d’un morceau à l’autre, c’est tout un panel de la musique rock qui se confronte pour mieux résonner à nos oreilles. Ainsi, punk, blues, indus, cabaret rock, no wave, gothique, post rock s’unissent ensemble par fragment, pour un résultat jouissif à l’oreille, au sens et au corps, même flétri pour ceux qui ont vécu les années 60-70 avec trop excès. Tout au long des 10 morceaux de l’album, la voix de Dominique est comme un cri qui hante, mais aussi celui d’un guide. Dans l’album, il y a cette phrase qui résume bien ce que l’on est en train de vivre : "Fleur de de feu, fleur de chair". Il y a aussi le mot amour (Love) en titre du 3ème morceau. L’amour et le feu sont le dard de Baby Fire. Mais attention, ce faire piquer par Baby Fire est une drogue saine et bénéfique. On en devient vite accros que l’on consommera sans modération, mais s’est pour notre bien. Un point important de l’album est le SON à la fois clair, dur et tendu. Ici, les guitares sonnent  avec grâce et électricité (merci à la fée !) et la basse sombre tient notre palpite en suspension.  Le tout avec un parfum de poésie brut, parsemé d’éléments mélodiques qui contre balance avec la rage des félines en libertés. Si vous êtes amateurs d’artistes, groupes tels que Patti Smith, P.J. Harvey, Einsturzende Neubauten, Nick Cave and The Bad Seeds, UT, Crime and the City Solution, Oiseau-Tempête, Miët, il y a de forte chance que la musique habitée de Baby Fire vous donne également la chair de poule, de préférence lors de la  nuit de la pleine lune.  Vous avez compris, votre serviteur est sous l’emprise de Grace. On finit la chronique avec la phrase de Violette Leduc inscrite au dos de la pochette : "Aimer est difficile, mais l’amour est une grâce." Santé !

https://babyfire.bandcamp.com/album/grace

https://www.facebook.com/babyfirebrussels/

http://www.babyfire.net/




dimanche 1 mai 2022

"LA VICTIME DÉSIGNÉE" de Maurizio Lucidi (Frenezy éditions) – 29 avril 2022


Souhaitons la bienvenue à Frenezy, un tout jeune éditeur vidéo qui vient de publier ses deux premiers films en format Blu-Ray et DVD, dans le but de garder un lien avec le support physique, face aux flux des fichiers disponibles sur Internet et dans les bouquets de programmes TV. Les deux premières sorties, sont les films italiens Texas Adios de Fernandino Baldi avec Franco Nero et La Victime désignée de Maurizio Lucidi avec Tomas Milian et Pierre Clémenti (dont l’éditeur Potemkine vient de sortir un coffret 6 disques avec l’intégrale des films réalisés par Pierre Clémenti). Les deux films sont en HD 2K ou 4K avec plus d’une heure de bonus. Par contre, pas de version combo. Avec un western pour Texas Adios et un giallo de machination pour La Victime désignée, l’éditeur Frenezy s’intéresse aux films de genres, se mettant ainsi sur les chemins déjà bien labourés par Le Chat qui fume et Artus Films. Comme l’Italie était très productif dans le domaine du cinéma de genre (péplum, SF, horreur/fantastique gothique, gore, giallo, triller, espionnage, comédie sexy…), il y a de quoi faire pour nourrir nos éditeurs français (qui font un travail remarquable pour la qualité des sorties), et satisfaire le public biseux très gourmand en pépites transalpines. 

Pour cette chronique, on va s’attarder sur le film La Victime désignée, inédit en France en format vidéo. Ainsi découvrir ce film de 1971 avec un nouveau master restauré en 4K, c’est juste du bonheur pour les yeux et un confort bien venu pour le visionner chez soi, seul, en couple, en famille ou entre amis.  


Synopsis :

"Publicitaire à la tête d'une entreprise lucrative, Stefano Argenti est marié à une épouse dépressive et possessive, Luisa. Ce dernier souhaite vendre la société contre une forte somme d'argent mais elle est enregistrée au seul nom de sa femme. L'homme d'affaires se console dans les bras de sa maîtresse, la modèle Fabienne. En escapade amoureuse à Venise, le couple d'amants rencontre un étrange dandy, le comte Matteo Tiepolo, qui devient rapidement un ami très proche et intime de Stefano. Un jour, Matteo lui propose un marché : il tue Luisa si celui-ci assassine son frère, une brute qui le tyrannise. Effrayé, Stefano refuse son offre.

Mais Matteo révèle à Luisa que son mari la trompe mais qu'il détourne également l'argent de son entreprise. Après une dispute avec Stefano, Luisa est retrouvée morte. Matteo, qui l'a tuée, demande à Stefano de bien vouloir remplir sa part du marché, à savoir tuer son frère...". (Source Wikipédia)

D’entrée, on ne va pas allez par quatre chemins, La Victime désignée (La vittima designata en VO) est un grand giallo, un grand triller, un grand film noir. L’intrigue, la mise en scène, le jeu des acteurs et la bande originale sont parfaites. Ici, on est plus proche d’un film de grand studio que d’un film bis fauché. L’histoire est soit disant inspiré du film L’Inconnue du Nord-Express d’Alfred Hichcock pour le thème de l’échange de meurtre -entre deux personnes qui ne se connaissent pas- pour avoir un alibi. En tout cas, ce qui les rapproches, c’est le soin apporté au déroulement de l’intrigue, notamment cet effet “machination” qui nous tient en halène. Le duel Tomas Milian (Stefano Argenti) et Pierre Clémenti (Matteo Tiepolo) est majestueux. D’autant que la relation homosexuel en filigrane donne du piquant au jeu des acteurs. Tout les deux ont des physiques de rock star, auquel il est difficile de résister. L'impérial Pierre Clémenti (1942-1999) avec ses longs cheveux noir, est très à l'aise dans son rôle de dandy efféminé, -un mix de Marc Bolan et Brian Ferry- et Tomas Milian (1933-2017) porte des lunettes noir 70 aussi stylé que Steve Mc Queen, Clint Eastwood ou Lou Reed. Pour mettre ses deux acteurs encore plus en valeur, le compositeur Luis Bacalov (1933-2017) a réalisé une magnifique partition qui n’a rien à envier à du Ennio Morricone. Ses envolées mélancoliques, avec une touche de classique façon Vivaldi, sont d’une splendeur sans nom. Dans la B.O. il y a aussi des morceaux du groupe rock italien New Trolls (qui ont joués en 1966 en première partie des Rolling Stones), donnant ainsi au film une patine psyché 70’s. Malheureusement la B.O. du film n’a jamais été publié. Par contre les morceaux de New Trolls sont disponibles sur l’ album Concerto Grosso Per I New Trolls sortie en 1971 sur Cetra. A noter que la chanson qui ouvre et clôture le film est interprété par Tomas Milian.

Le film est réalisé par Maurizio Lucidi qui a débuté comme monteur sur le film culte Le Fanfaron de Dino Risi. Il a œuvré tout au long du cinéma populaire italien en réalisant des péplums, westerns, trillers, comédies et même du porno. Dans les bonus du Blu-ray, Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque française dit d’entré que La Victime désignée est le film le plus notable de la filmographie de Maurizio Lucidi. Si ce film surpasse ses autres réalisations, c’est grâce aux scénaristes Aldo Lado (qui a beaucoup œuvré dans le giallo), Augusto Caminito, Maurizio Lucidi et Antonio Troiso. Chacun a contribué à faire de La Victime désignée un film d’exception qui n’aura malheureusement pas reçu le succès dont il mérite. En France le film est sorti quatre ans après la sortie italienne, dans une version française (pas de VO) plus courte de 10 minutes. Cette version est dans les bonus du Blu-ray. Vous l’avez compris, ce film maintenant disponible en 4K est chaudement recommandé, d’autant que le tirage n’est que de 1000 exemplaires.

Ainsi, l’éditeur Frenezy fait son entré avec du lourd, d’autant que dans les deux prochaines livraisons, il y aura le film Femina Ridens de Piero Schivazappa. La sortie de ce film inédit en vidéo française, avec ses images pop 60-70 et sa belle B.O. du maestro Stelvio Cipriani est une heureuse nouvelle qui nous prépare à passer une bonne soirée de projection. Vive Freeeeeenezyyyyyyyyy!


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